mercredi 27 avril 2016

Comment faire cesser le scandale du détournement de l’argent public ?

Comment faire cesser le scandale du détournement de l’argent public ?

Entretiens croisés réalisés par Jérôme Skalski
Vendredi, 15 Avril, 2016
L'Humanité

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Mardi à Bruxelles. Manifestation des organisations Transparency et Oxfam devant la Commission européenne.
Photo : Reuters
Table ronde entre Manon Aubry, responsable plaidoyé justice fiscale et inagalités d’Oxfam, France Thomas Coutrot, économiste et porte-parole d’Attac et Sophie Binet, secrétaire générale adjointe de l’Ugict-CGT.
Les faits
Les révélations attachées à l’affaire des Panama Papers ont jeté une lumière crue sur l’évasion fiscale pratiquée par diverses personnalités proches ou membres de l’oligarchie politique et financière.
Le contexte
Au-delà de tel ou tel nom mis en avant, elles montrent l’existence d’un véritable système. Comment le faire cesser ? Comment en finir avec les pratiques d’évasion fiscale des classes dominantes ?
Le scandale des Panama Papers révèle l’échelle de la fraude fiscale pratiquée par certains membres des classes les plus aisées de nos sociétés. Comment cela est-il possible ?
330749 Image 1Manon Aubry : L’évasion fiscale repose sur un système complexe mais parfaitement organisé au cœur duquel se trouve un large réseau d’intermédiaires dont les banques. Plus de 510 d’entre elles ont ainsi contribué à ouvrir près de 15 600 sociétés-écrans via le cabinet panaméen Mossack Fonseca et ont aidé entreprises et riches clients à se soustraire à leurs obligations fiscales. La Société générale est ainsi dans la tourmente avec les Panama Papers. Pour Oxfam, ce n’est guère une surprise. Nous avions révélé en avril que la filiale luxembourgeoise de la Société générale, qui a créé à elle seule 465 sociétés-écrans, dégage près de deux fois plus de bénéfices que la Société générale en France.  Outre les acteurs privés tels que les banques, l’évasion fiscale perdure aussi du fait de législations obsolètes qu’il est facile de contourner et qui ont donné naissance à un système organisé, par et pour les plus fortunés. La réponse politique n’est clairement pas à la hauteur et les réponses, notamment pénales, insuffisantes.
 
Thomas Coutrot :  L'échelle du scandale était connue. Les estimations officielles mises en avant par les différentes commissions parlementaires avancent entre 60 et 80 milliards d'euros pour évaluer l'ordre de grandeur de l'évasion fiscale. Ce que l'on connaît moins, ce sont des mécanismes concrets par lesquels elle se produit. Il était connu que les banques françaises avaient des centaines de filiales dans les paradis fiscaux. Elles prétendent que ce sont des sociétés qui ont des activités parfaitement licites. L'intérêt des Panama Papers, c'est qu'ils montrent de façon indubitable qu'une des plus grandes banques françaises, la Société générale, ouvre des sociétés-écrans dans les paradis fiscaux pour ses clients, avec pour seule motivation possible la volonté de dissimuler des avoirs au fisc. Ce ne sont pas seulement les banques suisses ou du Liechtenstein qui sont adeptes de ce sport, les banques françaises aussi. Pour le coup, c'est irréfutable.
 
Sophie Binet : En1789, la Révolution française a été déclenchée parce que l'impôt n'était payé que par le tiers état, la noblesse et le clergé n'y étaient pas assujettis. Nous sommes aujourd'hui dans une situation un peu similaire : les 1 % qui détiennent 50 % des richesses mondiales utilisent la globalisation financière pour s'exonérer de l'impôt. On assiste à une sécession des classes dirigeantes, qui n'ont plus aucun intérêt commun avec les 99 %, et s'affranchissent de tous les systèmes de souveraineté nationale. Panama Papers a beau être le plus grand scandale de fraude fiscale de l'histoire, il ne s'agit que de la partie émergée de l'iceberg. Ce n'est pas par hasard si la concentration des richesses et la répartition entre le capital et le travail atteignent en ce début de XXIe siècle les records de la fin du XIXe siècle, avant que les luttes sociales réussissent à imposer des systèmes de protection sociale. La mondialisation financière permet d'organiser le dumping fiscal à l'échelle internationale : Londres a d'ailleurs annoncé une réduction à 17 % de son taux d'impôt sur les sociétés. En France, le taux d'impôt sur les sociétés est inversement proportionnel à la taille de l'entreprise, comme pour les ménages où l'effort est de plus en plus concentré sur les classes moyennes. C'est là-dessus que prospèrent le « ras-le-bol fiscal » et les discours populistes contre les services publics et la protection sociale.
C'est ce qui permet aux 1 % d'imposer des politiques d'austérité. Ainsi, non seulement ils captent les richesses créées par notre travail, mais ils assèchent les finances publiques et organisent le recul des systèmes sociaux au détriment des populations. Lutter contre la fraude fiscale est donc une priorité absolue parce que ce système remet en cause la cohésion et l'avenir de nos sociétés.
Le néolibéralisme et ceux qui s'inspirent de ses préconisations, notamment pour écraser les budgets publics de l'aide sociale, de la santé ou de l'éducation par exemple, n'est-il pas en cause, lui aussi, dans cette situation ?
Thomas Coutrot :  Bien sûr, le néolibéralisme c'estla libre circulation des capitaux à l'échelle internationale. La libéralisation des flux de capitaux, c'est l'acte fondateur dans les années 1980, qui a considérablement accéléré l'essor des paradis fiscaux : à partir du moment où d'un clic de souris vous pouvez envoyer des sommes illimitées à l'autre bout la planète, cela rend possibles et rentables toutes sortes de manipulations comme celles qui consistent à créer des sociétés-écrans pour faire disparaître votre argent dans les trous noirs de la finance que sont les paradis fiscaux. La stratégie néolibérale depuis le début est toujours la même. Elle consiste à fabriquer des déficits publics et, ensuite, au nom de l'équilibre budgétaire, de la nécessité de réduire la dette, proclamer la nécessité de réduire les dépenses, l'assurance maladie, les retraites, les services publics, etc. Le scandale des Panama Papers nous confirme que les déficits publics proviennent très largement de l'évasion fiscale organisée par les banques dont le montant actuel de 70 milliards d'euros correspond à l'estimation du montant de l'évasion fiscale. Sans évasion fiscale il n'y aurait pas de déficit budgétaire.
Au-delà des promesses et des effets d'annonce, quelles mesures concrètes engager d'urgence, en France en particulier ?
Manon Aubry : La première étape indispensable est la transparence : impossible de lutter contre l'évasion fiscale sans savoir ce que font les entreprises et les plus fortunés dans les paradis fiscaux. Avec la loi sur la transparence, dite loi Sapin 2, prochainement débattue à l'Assemblée nationale, les députés ont l'occasion de faire un pas décisif pour la transparence contre l'évasion fiscale. Le projet de loi doit pour cela inclure le reporting public pays par pays, mesure actuellement absente, dont l'objectif est d'obliger toutes les entreprises françaises à publier leurs activités, leurs bénéfices et les impôts qu'elles paient dans chaque pays où elles sont présentes. De cette façon, il devient possible de mettre au jour les montages obscurs qu'elles développent pour échapper à l'impôt. De même, le projet de loi doit inclure un registre public des bénéficiaires effectifs des sociétés pour connaître ceux qui se cachent derrière les sociétés-écrans mises en cause dans le scandale Panama Papers. Des mesures doivent également être prises à l'encontre des banques. La succession de scandales d'évasion fiscale ­ Offshore Leaks, LuxLeaks, SwissLeaks, UBS, Panama Papers ­ ne nous ont appris qu'une chose : bien que des banques soient souvent impliquées, elles ont presque systématiquement échappé à des sanctions juridiques ou financières. L'ampleur du récent scandale doit marquer le pas et mettre fin à ce cycle d'impunités.
Thomas Coutrot : Il y a des choses que la France peut faire sans attendre. Elle peut, par exemple, interdire aux banques françaises d'avoir des filiales qui ont des relations financières avec des centres offshore. En particulier avec ceux qui sont totalement opaques et qui tolèrent des sociétés-écrans. La deuxième chose, c'est d'arrêter de réduire le nombre des agents des services du contrôle fiscal et au contraire embaucher. Ensuite, il faut instaurer la transparence des comptes des banques et des multinationales dans tous les pays où elles sont implantées, et l'obligation de créer un registre des propriétaires réels de toutes les sociétés.
Sophie Binet : Despropositions sont sur la table de longue date pour lutter contre les paradis fiscaux, encadrer les activités des banques sauvées à prix d'or par l'argent des contribuables en 2008. Contrairement à l'image d'Épinal, ces paradis fiscaux ne sont pas des destinations exotiques mais se trouvent au coeur de l'Europe et des États-Unis, au Luxembourg, en Suisse, en Grande Bretagne (on connaît le poids de la City sur les politiques économiques britanniques), aux Pays-Bas, en Irlande, ou encore dans l'État américain du Delaware. Il faut imposer la transparence et donner les moyens aux 99 % de reprendre le pouvoir. Cela passe par la mise en place d'un droit de refus, d'alerte et d'alternative pour permettre aux salariés qualifiés d'arrimer l'exercice de leurs responsabilités à l'intérêt général et pour protéger les lanceurs d'alerte. Cela nécessite de faire tomber la directive européenne sur le secret des affaires, qui a pour objectif de permettre aux multinationales d'organiser l'opacité et de poursuivre les lanceurs d'alerte, syndicalistes ou journalistes, qui, comme Antoine Deltour dans l'affaire LuxLeaks, révéleraient ces atteintes à l'intérêt général.
 
 
UN ENJEU MAJEUR DE SOUVERAINETÉ
 
« La lutte contre la fraude fiscale est un enjeu majeur de souveraineté et de redressement des comptes publics, et une condition essentielle pour faire respecter le principe d'égalité devant l'impôt. En effet, la fraude fiscale porte atteinte, d'une part à la solidarité nationale en faisant reposer l'impôt sur les seuls contribuables qui respectent leurs obligations fiscales et, d'autre part, aux conditions d'une concurrence loyale entre les entreprises. » Direction générale des finances publiques.
 
LA REVUE DE PRESSE
 
Le Monde, 3 avril 2016 Maxime Vaudano « Pendant un an, 376 journalistes issus de 109 médias dans 76 pays ont travaillé sur les Panama Papers, qui retracent quasi jour par jour le fonctionnement de la firme panaméenne de domiciliation de sociétés offshore Mossack Fonseca. Créé en 1977 au Panama, l'un des plus grands trous noirs de l'économie mondiale, ce cabinet est aujourd'hui l'une des clés de voûte du business mondial et opaque des paradis fiscaux, avec des bureaux dans plus de 35 pays. »
 
Europe 1 14 avril 2016 « Le scandale des Panama Papers continue d'agiter l'univers de la finance et d'interroger son cadre législatif. La Commission européenne a présenté hier un nouveau plan pour obliger les multinationales à la transparence fiscale. Ce plan était prévu avant ce scandale mais la Commission a reconnu que les Panama Papers avaient renforcé sa détermination. Ces révélations ont déclenché de véritables polémiques en Europe. En France, Bercy croule sous les appels des évadés fiscaux depuis près de deux semaines. »

Les intermittents du spectacle sont-ils des « privilégiés » ?

Les intermittents du spectacle sont-ils des « privilégiés » ?

Mardi, 26 Avril, 2016
L'Humanité

Avec les tribunes d'Angeline Barth, secrétaire générale adjointe de la fédération CGT spectacle, Samuel Churin, acteur et membre de la Coordination des intermittents et précaires d’Île-de-France et Mathieu Grégoire, maître de conférences à l’université Paris-Ouest. 
  • Pour une vraie sécurité sociale professionnelle par Angeline Barth, secrétaire générale adjointe de la fédération CGT spectacle
331725 Image 0Si l’on en revient au sens premier du terme, les artistes et technicien-ne-s du spectacle bénéficient bien du privilège (privata lex) d’une loi particulière, leur permettant de bénéficier de conditions spécifiques d’indemnisation par l’assurance chômage, mais également d’adaptation à leurs spécificités d’emploi des règles concernant la formation professionnelle, la prévoyance, la santé, la médecine du travail… Ils et elles ont également le privilège d’exercer des métiers passions, de travailler dans un secteur attractif, et pour les rares plus chanceux-ses, de pouvoir choisir les projets sur lesquels ils et elles travaillent. Mais est-ce que cela en fait pour autant des « privilégié-e-s », au sens commun du terme ? Celles et ceux sur lesquels la presse libérale jette régulièrement l’opprobre : intermittent-e-s, fonctionnaires, cheminot-e-s, salarié-e-s d’EDF, (futur-e-s) retraité-e-s bénéficiant d’un régime spécial… Celles et ceux dont on regarde avec envie les particularités comme une injustice, sans voir la partie immergée de l’iceberg. Les artistes et technicien-ne-s du spectacle alternent des périodes d’emploi et des périodes de chômage. Elles et ils travaillent dans un secteur dans lequel il est « d’usage » de ne pas recourir au CDI, sous réserve que leur emploi relève bien d’une activité temporaire et non de l’activité permanente de l’entreprise. Plus de 120 000 salarié-e-s sont en CDI, contre plus de 250 000 ayant cotisé à Pôle emploi au titre des annexes 8 et 10. Moins d’un-e salarié-e intermittent-e sur deux est indemnisé-e au titre des annexes 8 et 10.
Une étude du Cé-req sur la pluriactivité dans le spectacle vivant montre qu’en moyenne les salarié-e-s y travaillent moins de 463 heures annuelles, pour des revenus, 6 928 euros nets, et que seulement 30 % des salarié-e-s tirent l’essentiel de leurs revenus du secteur.
L’insécurité de l’emploi est très forte, la durée moyenne des contrats de travail est de trois jours et les salaires doivent être renégociés à chaque contrat de travail. Ils peuvent même diminuer : ainsi, la rémunération horaire moyenne des artistes dans le champ du spectacle subventionné est passée de 18 euros à 15 euros bruts en cinq ans.
Plus de 90 % des entreprises du spectacle vivant et de l’audiovisuel comptent moins de 10 salariés et n’ont pas de représentants du personnel. Les artistes et technicien-ne-s ont donc très peu de moyens pour se défendre, et la menace de se faire blacklister par des employeurs peu scrupuleux du dialogue social est très présente.
Les femmes artistes et les techniciennes évoluent, quant à elles, dans un milieu misogyne qui n’échappe pas aux clichés de la société : un tiers des techniciens sont des femmes et la même proportion des salariés travaillant dans l’administration sont des hommes. Seuls 30 % des intermittents sont des femmes. Les comédiennes sont confrontées à la raréfaction des rôles de femmes après la quarantaine. Pour les femmes enceintes, il est extrêmement ardu d’atteindre le nombre d’heures requis pour bénéficier des allocations journalières de la Sécurité sociale et elles subissent la double peine en éprouvant de grandes difficultés à redevenir bénéficiaires du régime d’assurance chômage. Au-delà du sexisme « ordinaire » s’ajoutent des sujets tabous : le harcèlement et les pressions sexuelles liées à l’obtention d’un travail, d’une production ou d’un rôle…
Cet inventaire à la Prévert démontre bien que le terme « privilégié » n’est pas le plus approprié pour caractériser les artistes et technicien-ne-s du spectacle.
L’emploi ne cesse de se précariser dans notre société, et au-delà des intermittent-e-s, nous devons continuer à défendre les salarié-e-s les plus fragiles en construisant des droits nouveaux pour toutes et tous, attachés à la personne et garantis collectivement. Une vraie sécurité sociale professionnelle. Gagner le nouveau statut du travail salarié que défend la CGT.
 
  • Pourquoi accepter que le Medef impose ses éléments de langage ? par Samuel Churin, acteur et membre de la Coordination des intermittents et précaires d’Île-de-France
331725 Image 1Soyons clair, ce discours sur les privilèges est une opération communication orchestrée par le Medef. Un de leurs représentants m’avait dit une fois avec cynisme : « Vous avez raison, il n’y a pas de privilèges. L’important ce n’est pas que ce soit vrai, mais que tout le monde le croit ! » Nous pourrions attaquer en diffamation tout propos allant dans ce sens mais nous serions sûrs de perdre : nos adversaires plaideraient qu’ils n’étaient pas au courant et qu’il n’est pas interdit de dire ou d’écrire des contre-vérités. Et pourtant ! Les intermittents du spectacle représentent 4% des chômeurs indemnisés (110 000 personnes) et 4 % des dépenses. De plus, le déficit d’un milliard dont on accable les intermittents n’existe pas. Ce chiffre correspond aux indemnités versées à 110 000 chômeurs, qu’ils soient intermittents ou pas. Autrement dit un intermittent  ne coûte pas plus cher que n’importe quel salarié au chômage (1). Le Medef veut mettre fin au régime spécifique d’indemnisations chômage des intermittents (annexes 8 et 10). « Spécifique » ne signifie pas « privilégié » mais adapté à des pratiques d’emploi discontinues. La réforme voulue par le syndicat des patrons n’est pas du tout économique mais idéologique. Ce qui justifie leur acharnement contre une si petite catégorie de salariés dépasse largement le cadre des intermittents. Après avoir supprimé le régime d’assurance chômage des intérimaires en 2014, Le Medef a la volonté de détruire le dernier régime spécifique lié à l’activité réduite. Or, la flexibilité et la précarité explosent. C’est pourquoi il est impératif que l’intermittence du spectacle soit étendue à toute l’intermittence de l’emploi, quelle que soit l’activité exercée. Pour le Medef, l’intermittence est un laboratoire d’autant plus dangereux qu’il doit s’élargir. De plus, ce qui se passe actuellement  est très révélateur de la violence néo libérale qui se met en place. D’un côté on réclame d’avantage de flexibilité avec la loi travail en attaquant particulièrement les salariés en CDI, de l’autre les négociations assurance chômage visent à supprimer une bonne partie des droits liés aux contrats courts (CDD, CDDU réservés aux intermittents, etc ). Le gouvernement et son partenaire le Medef mettent en place la flexibilité sans sécurité.  En vérité, le seul vrai privilégié est le Medef. Le dialogue social derrière lequel les gouvernements se cachent n’existe pas. Les règles du jeu sont truquées. Ce système mafieux offre au Medef un droit de véto sur tous les accords (retraites, sécurité sociale, assurance chômage). Le Conseil National de la Résistance avait imaginé une grande chose : les caisses sociales gérées par des représentants de salariés élus. Cette grande idée a été détournée  avec l’arrivée des patrons  jusqu’à leur offrir un pouvoir absolu. En 1789, l’abolition des privilèges s’est jouée autour de cette question : le peuple n’a pas accepté d’être minoritaire et de valoir 1 voix, alors que le clergé et la noblesse comptaient pour 1 voix chacun. Et pourtant c’est exactement ce qui se passe avec le « dialogue social ». Pourquoi accepter que les règles du jeu donnent au Medef un pouvoir absolu sur 30 millions de travailleurs ? Pourquoi accepter que le Medef impose ses éléments de langage et ose traiter de privilégiés des intermittents et précaires qui se demandent tous les jours comment ils feront pour manger le mois suivant ? Nous ne devons plus accepter qu’une poignée de dirigeants corrompus (cf Denis Gautier Sauvagnac ex négociateur du Medef et condamné à de la prison) rendent les pauvres encore plus pauvres. Abolissons les vrais privilèges en supprimant le Medef.
(1) Voir la vidéo pédagogique Ripostes 4 :


  • Le régime spécifique pourrait servir de modèle par Mathieu Grégoire, maître de conférences à l’université Paris-Ouest 
331725 Image 2Les intermittents du spectacle sont-ils socialement des privilégiés ? Précisons de quoi nous parlons : intermittent, ce n’est pas un métier, c’est d’abord une condition d’emploi. Dans le secteur, le CDD est la norme. C’est un « usage » hérité de l’histoire. C’est aussi, depuis une trentaine d’années, un ensemble de règles spécifiques d’indemnisation du chômage au sein de l’Unédic. Socialement, on trouve donc chez les intermittents une grande diversité de situations sociales qui recouvrent l’ensemble du spectre de l’échelle sociale. Bénéficient-ils d’un régime de faveur en termes d’indemnisation ? Tout dépend à qui on les compare. Comparé au régime général, il est clair que les intermittents ne sont pas des privilégiés. Contrairement aux idées reçues, le seuil d’éligibilité à l’assurance chômage est plus dur pour les intermittents et les durées possibles d’indemnisation plus courtes. Pour autant, les règles d’indemnisation des intermittents sont beaucoup mieux adaptées à la discontinuité de l’emploi. Par ailleurs, quand un salarié « ordinaire » connaît une difficulté, il tombe au chômage. Pour les intermittents, en revanche, une difficulté de carrière signifie tomber hors de toute couverture du chômage. Socialement, cela fait une énorme différence ! Si on compare aux autres salariés précaires, la réponse est différente. Des millions de salariés, aujourd’hui, vivent non pas un chômage à temps plein après des années d’emploi à temps plein mais une succession d’emplois discontinue, entrecoupée par des périodes de chômage interstitielles. Ces salariés ont une couverture chômage indigente car il y a un consensus mortifère pour ne pas, surtout pas, leur accorder de droits. On le fait « pour leur bien », car ils n’ont pas vocation à demeurer dans cette situation : un jour, ils accéderont, peut-être, au Graal de l’emploi stable, il ne faudrait surtout pas qu’ils s’installent durablement dans l’emploi précaire. Il me semble, au contraire, qu’il est urgent aujourd’hui d’inventer de nouveaux droits pour ces salariés. De ce point de vue, le régime des intermittents et leurs revendications pourraient servir de modèle pour accorder un salaire continu à cette frange du salariat à l’emploi discontinu.
Toutefois, une autre source de précarité « collective » des intermittents est de nature politique. Les intermittents ne demandent aucun privilège et refusent les « sanctuaires » dans lesquels on veut les enfermer au nom de l’« exception culturelle ». Mais ils n’acceptent pas pour autant de demeurer l’éternel souffre-douleur du Medef qui, manière quasi pavlovienne, s’acharne sur eux à chaque renégociation de la convention d’assurance chômage. Cette année, comme pour la 10e fois depuis 1992, la négociation de l’assurance chômage a donné lieu à une attaque du patronat sur les intermittents du spectacle. Peu importe que, réforme après réforme, l’indemnisation des intermittents soit réduite. Peu importe les coups de canif passés. Peu importe les réformes de 1992, de 1999, de 2003, de 2006 ou de 2014, le patronat et ses alliés ne se lassent pas de considérer les intermittents comme des privilégiés, comme « la danseuse de l’Unédic (sic) ». Sans relâche et sans réelle limite préétablie, ils s’emploient avec constance et application à réduire les droits au chômage de ces salariés à l’emploi discontinu. L’outrance de lettre de cadrage du Medef pour les négociations en cours est, de ce point de vue, éloquente : plus de 400 millions d’économies leur sont demandés d’ici à quatre ans, soit deux fois plus environ que si l’on supprimait leur régime et qu’on les basculait au régime général. Autrement dit, le Medef ne veut pas simplement la mort de ce régime, il le veut mort et enterré.

Les moustiques tigres, menace sanitaire dans 30 départements

Les moustiques tigres, menace sanitaire dans 30 départements

Daniel Roucous
Jeudi, 14 Avril, 2016

Les moustiques tigres ne cessent de proliférer au point de menacer la santé publique. Un plan de prévention se met en place accompagné de recommandations.
Le nombre de départements où les moustiques constituent une menace sanitaire ne cesse d’augmenter : 1 en 2008, 10 en 2014, 30 actuellement. Ce qui donne la liste suivante : Ain, Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Ardèche, Aude, Bouches-du-Rhône, Corse du Sud et Haute-Corse, Dordogne, Drome, Gard, Haute-Garonne, Gironde, Hérault, Isère, Landes, Lot, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques, Pyrénées-Orientales, Bas-Rhin, Rhône, Saône-et-Loire, Savoie, Tarn, Tarn-et-Garonne, Var, Vaucluse, Vendée et Val-de-Marne.
La rapidité du déplacement du moustique tigre (du moustique commun aussi) s’explique par le fait qu’il se déplace au moyen de transports routiers et ferroviaires ou clandestinement dans les bagages et les vêtements des humains par exemple à leur retour de vacances, dans les transports de marchandises ou encore dans le commerce de gros des végétaux (chez les pépinéristes etc.).
Les préfets et directeurs des ARS (agences régionales de santé de ces départements et des régions concernés ont reçu l’instruction suivante du ministère de la santé. Elle vise à prévenir les risques de dengue, de virus Zika et chikungunya ainsi que de dissémination d’arboviroses pendant la période des moustiques (1er mai au 30 novembre).
Par ailleurs, un site consacré au signalement du moustique tigre et d’information est mis à disposition du public ici

 

Les mesures préventives

Dans les trente départements concernés, les préfets sont chargés de délimiter des zones dans lesquelles les agents des services sanitaires sont autorisés à procéder d’office aux prospections, traitements, travaux et contrôles nécessaires pour éradiquer les moustiques et leurs habitats.
Des arrêtés à cet effet seront pris avant ce 1er mai.
Les propriétaires, locataires, occupants des propriétés privées, les maires pour les propriétés publiques sont avertis au préalable du passage des agents. Ceux-ci peuvent être amenés à y installer des dispositifs de lutte contre les moustiques et venir les contrôler.
La période de surveillance s'étale de mai à novembre inclus et seuls les agents sanitaires sont autorisés à user des produits de traitement anti-moustiques.

Les obligations des populations

De leur côté, les propriétaires, locataires, exploitants agricoles, occupants de terrains et/ou de retenues et étendues d’eau (mares, bassins, étangs, pièces d’eau, piscines, tous points ou récipients d’eau stagnantes etc.), auges et récipients divers pour animaux, doivent obligatoirement faire une déclaration auprès des ARS ou des préfectures.
Ils doivent se conformer aux prescriptions des agents sanitaires mais aussi des arrêtés préfectoraux et du règlement sanitaire départemental.
Tout particulièrement, les propriétaires, locataires, exploitants ou occupants de cultures irriguées ou arrosées et de prairies inondées doivent remettre ou maintenir en état de fonctionnement et de salubrité : réservoirs, canaux, vannes, fossés, digues et diguettes ainsi que tout système d’adduction ou d’évacuation des eaux.
A défaut, ils risquent une mise en demeure du préfet et l’exécution des travaux d’office à leurs frais par l’organisme sanitaire habilité.
Cela concerne aussi les mares et marais.

Les recommandations

Les ARS (Agences régionales sanitaires) conseillent à toutes et tous de :
- vider, au moins une fois par semaine, les soucoupes de pots de fleurs ou de plantes extérieures, des vases et tous récipients contenant de l’eau (seaux, arrosoirs, auges etc.)… mieux remplacer l’eau par du sable humide,
- recouvrir les fûts, les citernes et les piscines en penssant à évacuer l’eau des bâches ou traiter l’eau (javel, galet de chlore etc.),
- vérifier le bon écoulement des gouttières afin que l’eau n’y stagne pas,
- supprimer les détritus (pneus, boîtes de conserves, sacs plastiques etc.) susceptibles de retenir l’eau,
- éliminer les eaux stagnantes,
- faire traiter les piscines (eau de javel ou galet de chlore) mares et pièces d’eau proches des habitations,
- débroussailler les herbes hautes et les haies et ramasser les fruits tombés.
Références : loi n° 64-1246 du 16 décembre 1964 consolidée le 1er janvier 2005 toujours en vigueur – article 121 du RSD (règlement sanitaire départemental.

TCHERNOBIL - LES NON-DITS

TCHERNOBIL  - LES NON-DITS

Marie-Noëlle Bertrand
Mardi, 26 Avril, 2016
L'Humanité

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REUTERS
Il y a trente ans, l’accident de la centrale ukrainienne plaçait l’Europe face au risque nucléaire. Et voyait naître l’exigence d’un droit de regard de la société civile sur sa prévention autant que sur sa gestion.
«L’agence soviétique Tass a annoncé, hier soir, un très grave accident survenu dans une centrale nucléaire en Ukraine, tout près de Kiev. Sans préciser la date de l’accident, les Soviétiques ont indiqué que celui-ci avait fait des victimes et ont annoncé qu’ils prenaient toutes les dispositions pour leur venir en aide. À 1 500 kilomètres de là, en Suède et en Finlande, on a enregistré une augmentation de la radioactivité qui, selon les experts, n’est pas inquiétante. » Il est midi, ce 29 avril 1986. Veston gris sur fond beige, Noël Mamère, journaliste à l’époque, présente, sur le plateau du journal télévisé d’Antenne 2, les premiers éléments de ce qui reviendrait, bientôt, régulièrement, à la une des journaux. Trois jours plus tôt, le 26 avril, à 1 h 23 du matin, le 4e réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl avait explosé, provoquant – on ne le sait pas encore – le plus grave accident jamais enregistré dans l’histoire du nucléaire civil.
Les images tentant de raconter le drame ont, depuis, déferlé sur les écrans. Celles d’hélicoptères qui, dans les heures qui suivront l’explosion, se relayeront pour balancer du sable sur le réacteur en fusion. Celles des liquidateurs et de leurs équipements d’une légèreté improbable. Ou celles, désolées, de la ville de Pripiat, située à 2 kilomètres de là, entièrement vidée, dès le lendemain de l’explosion, de ses 49 000 habitants, partis en laissant là leurs meubles, leurs affaires, leurs vies. Devenue ville fantôme autant que témoin, ses immeubles aux fenêtres aujourd’hui éventrées sont restés comme figés dans un ambre incolore, et ses rues immobiles coincées, à l’instar de la grande roue de son parc d’attractions, dans un temps qui, là-bas, a cessé de tourner.
Si Fukushima lui fait désormais concurrence dans la mémoire collective, le nom de Tchernobyl demeure, de fait, comme un marqueur de l’histoire du nucléaire. Celui par lequel les Européens se sont trouvés brutalement confrontés au risque de l’atome. Celui par lequel, aussi, ils s’en sont d’une certaine manière emparés, et qui a débouché sur l’exigence d’un droit de regard de la société civile sur la prévention autant que sur la gestion de ce risque.
« Du point de vue de la sûreté nucléaire, Tchernobyl a certes fait bouger des choses, mais le vrai électrochoc remonte à l’accident de Three Mile Island, sept ans plus tôt », affirme Éric Cogez, chef du service des situations d’urgence et d’organisation de crise à l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire). En 1979, la centrale états-unienne essuie une avarie majeure, classée, l’instar de l’accident de Fukushima, au niveau 5 de l’échelle internationale des événements nucléaires (Ines). « À l’époque, on pensait réellement impossible la fusion d’un cœur de réacteur nucléaire », reprend Éric Cogez. C’est pourtant ce qui se produira, conséquence d’un enchaînement d’erreurs de diagnostic. À la suite de cela, EDF reverra ses plans d’intervention d’urgence interne et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) créera, dans les années 1980, l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), chargé de l’organisation des crises. « Chez les ingénieurs, c’est à cette période qu’est réellement née la culture du risque et de la gestion de l’accident », conclu Éric Cogez.

Minimisation des retombées radioactives sur le sol français

L’épisode, en revanche, passera inaperçu, ou quasi, en Europe. Manque d’information, minimisation de l’accident survenu de l’autre côté de l’Atlantique, qui plus est dans un pays allié (on est en pleine guerre froide) : Three Mile Island y aura peu d’écho auprès du grand public. Il en ira tout autrement de Tchernobyl. « De par son extrême gravité, sa proximité géographique avec l’Europe de l’Ouest, mais aussi le processus politique particulier dans lequel est plongé le système soviétique de l’époque, l’accident de Tchernobyl va prendre, de fait, une importance toute particulière », relève le sociologue Alfredo Pena-Vega, enseignant-chercheur au centre Edgar Morin-IIAC, EHESS-CNRS, et auteur de Tchernobyl, catastrophe écologique et tragédie humaine (1). Côté soviétique, « une part des dirigeants le mettra sur le dos de Gorbatchev, accusé d’avoir ouvert la porte à l’effondrement du système », souligne-t-il. Côté occidental, on s’empresse d’en faire un drame du communisme. En France, à compter du 29 avril et jusqu’au mois d’août, Tchernobyl sera très régulièrement au menu des journaux télévisés.Avec ce paradoxe majeur : l’épisode restera marqué par le sceau du déni de catastrophe. La diffusion au goutte-à-goutte des informations par l’URSS y contribuera en partie. Le fameux nuage radioactif stoppé aux frontières de la France fera le reste, et conduira à une remise en cause, toujours vive aujourd’hui, de la sincérité des informations prodiguées concernant l’ampleur de la contamination et ses effets sur la santé publique.
Ce qui s’appelle à l’époque le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI) se voit accusé d’avoir minimisé les retombées sur le sol français au moment du passage des masses d’air en provenance d’Ukraine. Le doute monte quant à la contamination d’aliments frais, dont la France, contrairement à l’Allemagne, n’a pas interdit la consommation. « Nous avions envie de savoir et n’avions aucune réponse claire », se rappelle Roland Desbordes, président de la Criirad. C’est à cette époque qu’il fonde, avec d’autres, cette Commission de recherche et d’information sur la radioactivité. Contamination du site CEA de Saint-Aubin, dysfonctionnements dans le démantèlement de la centrale de Brennilis ou affaire du fort de Vaujours… en trente ans, la Criirad interviendra dans plusieurs dizaines de dossiers. Elle s’imposera, aussi, comme interlocuteur incontournable. « Elle a, d’une certaine manière, démocratisé la mesure de la radioactivité », admet Éric Cogez. Empêcheuse de nucléariser en rond ? Sans aucun doute. « Mais nous-mêmes avons besoin de nous confronter à ceux qui ne partagent pas notre méthodologie », relève pour sa part Jean-René Jourdain, adjoint à la direction de la protection de l’homme à l’IRSN. « À la suite de l’alerte lancée par un médecin indépendant, nous avons ainsi entamé une étude sur l’arythmie cardiaque des enfants en zones contaminées. Pour le moment, aucun lien n’est établi entre cette maladie et les radiations, et nos collègues internationaux estiment que c’est absurde de chercher dans ce sens. Mais nous sommes interpellés sur ce point, entre autres par la Criirad. Nous avons donc décidé d’en avoir leur cœur net », conclut Jean-René Jourdain.
Né d’une fusion entre les feus SCPR et INPS, l’IRSN, enfin a appris à communiquer. « La polémique qui a suivi Tchernobyl est avant tout le fruit d’une très mauvaise communication de la part d’autorités nucléaire », reprend Jean-René Jourdain. Une erreur que l’institut a veillé à ne pas reproduire lors de la catastrophe de Fukushima, il y a trois ans. « Nous sommes intervenus très régulièrement auprès du public et de la presse, en tentant d’être le plus pédagogiques possible. »

La polémique n’a pas cessé d’enfler quant à l’impact de la catastrophe

Suffisant pour rétablir la confiance ? Évidemment non. Multiplication des études indépendantes, en France ou à l’étranger, diversité des méthodologies de comptage : la dispute n’a pas cessé d’enfler quant à l’impact de la catastrophe, donnant à voir un grand écart ahurissant entre les données officielles – l’UNSCEAR (2) parle de 62 morts certifiés – et celles de certaines ONG, qui poussent le bilan à 985 000 morts. « Le fait est que l’UNSCEAR pèche par excès de prudence, admet Jean-René Jourdain, qui lui-même participe au groupe de travail onusien. J’estime, pour ma part, que la fourchette raisonnable du nombre de victime est comprise entre 4 000 et 60 000 morts… »Reste que la suspicion à l’égard des informations officielles s’est ancrée dans les têtes de ceux qui se sont organisés en contre-pouvoir, et pèse aujourd’hui sur l’industrie nucléaire, ou sur d’autres instances. « L’OMS dissimule les vraies données, quand elle maintient que l’accident de Tchernobyl n’a fait que 50 morts ! » note ainsi Alison Katz, responsable de l’ONG Independence WHO, laquelle épluche les données sanitaires touchant au nucléaire. Alerte ou parano ? « Certains militants, convaincus de leur cause, acquièrent des données parcellaires ou qu’ils ne savent pas toujours interpréter, et peuvent en faire des analyses simplistes », relève Alfredo Pena-Vega. « Mais d’un autre côté, nous avons encore eu des exemples très concrets de dissimilation d’informations suite à la catastrophe de Fukushima. Cela donne le droit d’être méfiant. » En bref, nucléaire bien ordonné devrait commencer par parler.
(1) Publié chez Atlantique, Éditions de l’Actualité scientifique Poitou-Charentes, 148 pages, 14 euros.(2) Comité scientifique des Nations unies sur les effets atomiques.

Tchernobyl, chronique d’une catastrophe

26 avril 1986 : à 1 h 23 du matin, le réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl explose
26 avril 1986 : à 1 h 23 du matin, le réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl explose. Une partie du cœur du réacteur est soufflée.
27 avril 1986 : 5 000 tonnes de matériaux sont larguées dans le cœur par hélicoptères. L’incendie est toujours en cours, il durera dix jours.
28 avril 1986 : la Suède donne l’alerte sur le niveau de radioactivité constaté sur son territoire. Les autorités soviétiques annoncent la catastrophe.
29 avril 1986 : le nuage radioactif arrive en France.
5 mai 1986 : toute la ville de Tchernobyl est évacuée alors que les opérations de refroidissement du cœur se poursuivent. Novembre 1986 : début des travaux de construction du sarcophage en béton autour du réacteur numéro 4. Ils dureront jusqu’en 1992.
1987 : le procès de la direction de la centrale débute à huis clos. Novembre 1996 : le réacteur numéro 1 de la centrale est définitivement arrêté.
28 mars 2000 : une unité de stockage pour combustible irradié est construite. 15 décembre 2000 : l’Ukraine décide de stopper toute activité sur le site.

L’esclavage moderne,livré à domicile

L’esclavage moderne,livré à domicile

Pierre Duquesne
Jeudi, 21 Avril, 2016
L'Humanité

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Sebastien_ORTOLA
Après les taxis, Uber s’attaque à la livraison de repas à domicile. UberEats vient de se lancer en France, où les applications numériques de livraisons sont déjà nombreuses. La finalité, elle, reste la même. Transformer les salariés en autoentrepreneurs pour ne plus verser de cotisations patronales.
Une drôle de tribu débarque chaque soir à République. Des jeunes hommes entre 20 et 30 ans, casquettes de coureur cycliste, vélos de compét entièrement relookés et d’énormes sacs à dos, s’étalent sur des marches de la place parisienne, à l’opposé de la zone occupée par la Nuit debout. Eux préfèrent rester assis. Faire un break. Détendre les guibolles et prendre une pause bien méritée. Ce lieu de convergence des luttes sociales est aussi le point de ralliement des livreurs à vélo, de plus en plus nombreux à sillonner les rues de la capitale.
Vous connaissiez Uber pour le transport de personnes ? Voici UberEats, Deliveroo, Take Eat Easy et autres Foodora pour la livraison de repas. En l’espace d’un an, le phénomène a explosé (lire ci-contre). Le livreur de pizzas et sa mobylette, rattaché à un restaurant de quartier, semblent appartenir au passé. Les nouveaux venus sont aux ordres d’une application mobile, devenue leur véritable patron. Un bip sur leur smartphone leur indique un nom de restaurant et une adresse de client. L’algorithme se charge de « dispatcher » les livreurs, géolocalisés, et de rationaliser les itinéraires. Ils sont en permanence évalués, avec des points attribués par les clients et les restaurateurs.

Un management agressif, « proche de l’esclavagisme »

L’efficacité du système est sidérante. Deux minutes suffisent pour installer l’application et accéder aux menus de centaines de restaurants. Bo bun, burger, japonais, bagel, ou encore carré d’agneau en croûte… l’embarras du choix. Seize minutes, montre en main, entre la commande d’un menu japonais, via son portable, dans un restaurant situé dans le 10e arrondissement et sa livraison au nord du 18e arrondissement. Et le client ne paie rien, ou presque : à peine 2 à 3 euros pour chaque course. Le reste est payé par les restaurateurs, trop heureux d’augmenter leur chiffre d’affaires sans avoir à pousser les murs de leur établissement. Ils versent une commission oscillant entre 20 à 30 % du prix du menu, mais qui est compensée par les économies faites en matière de service ou d’entretien de la salle. Tout le monde y gagne, même les livreurs, assure Will Shu, le boss britannique de Deliveroo : « Certains peuvent gagner jusqu’à 4 000 euros par mois sur la plateforme, a-t-il expliqué début avril, dans les colonnes des Échos. Ils aiment la flexibilité que l’on propose, ils peuvent travailler quand ils le veulent, mais aussi le fait de faire du sport puisque tous nos livreurs sont à bicyclette. »
Après un changement de vie, Jérôme Pimot voulait faire de sa passion du vélo un travail. Il a vite déchanté. Recruté par l’une des premières plateformes lancées en France, Tok Tok Tok, il va faire l’expérience du statut d’autoentrepreneur. Ou plutôt de « l’autoexploitation », comme dit ce quadragénaire devenu un combattant contre « l’ubérisation de la société ». « On nous fait croire qu’on est indépendant, des prestataires de services, un partenaire. Mais on se rend compte très vite que ce n’est pas le cas », explique Jérôme, passé ensuite chez Take Eat Easy et Deliveroo. Porter les casquettes, les sacs à dos et les uniformes de la marque est quasiment obligatoire, sous peine de rappel à l’ordre. La facturation est élaborée directement par la plateforme, en lieu et place de ces microentrepreneurs qui ont signé un contrat de prestations sans même le lire. Et les tarifs, à la course, sont évidemment imposés. Au passage, la plateforme ne verse pas de cotisations sociales pour ces salariés déguisés en prestataires de services.
Le management est aussi très agressif, « plus proche de l’esclavagisme que du patron paternaliste », explique Jérôme Pimot. Un de ses collègues est appelé un dimanche matin pour aller livrer du champagne et des macarons au patron en train de négocier un contrat avec une célèbre épicerie de luxe. « Pour ce genre de chose, ils appelaient le plus fragile, celui qui avait des mômes à la maison. » Excédé, Jérôme contacte un ami juriste. « Il m’explique que je suis salarié et me démontre tous les liens de subordination qui me lient à la plateforme. » Avec dix autres collègues, il demande une requalification de son contrat de travail aux prud’hommes. Sept d’entre eux acceptent une somme en phase de conciliation. Pour les autres, une audience est prévue le 5 mai.
 

« L’ubérisation c’est faire disparaître les cotisations patronales »

« Mon but, c’est de faire jurisprudence », affirme-t-il aujourd’hui, sûr de son combat. « L’ubérisation n’a qu’un seul objectif : faire disparaître les cotisations patronales en transformant les salariés en de faux indépendants. » C’est aussi et surtout une manière d’échapper à toutes les règles du Code du travail. Une plateforme avait mis en place un minimum garanti pour chaque soirée travaillée. Un beau jour, les dirigeants l’ont supprimé. Ils n’ont eu besoin que d’envoyer un mail, et c’était plié. « Avec le statut de salarié, il aurait été impossible pour eux de baisser unilatéralement la rémunération », souligne celui qui se fait appeler Spartacus sur Facebook, où il tente de mobiliser les autres livreurs.
Il n’est pas aisé de créer une insurrection. Car la servitude volontaire est très forte chez les valets à deux roues. « Il n’y a pas de hiérarchie à supporter », explique Nassim (1), qui attend avec d’autres livreurs la prochaine mission à accomplir. L’image rappelle les travailleurs mexicains attendant qu’un pick-up veuille bien venir les chercher pour un chantier journalier ou ces sans-papiers qui font, dans notre pays, le pied de grue devant les enseignes de bricolage. Nassim ne s’en rend pas vraiment compte. Après avoir travaillé 60 heures par semaine dans la restauration, payé au Smic hôtelier, Deliveroo fait figure de promotion sociale. « On travaille quand on veut, c’est flexible, et on gagne pas mal notre vie. J’ai déjà gagné plus de 3 000 euros en un mois et me fais 1 400 euros par quinzaine. » Car on est payé à la semaine dans ce système à l’américaine. Il oublie, évidemment, de compter les congés non payés, l’absence d’allocations en cas de chômage ou le faible niveau de retraite du régime social des indépendants. À 22 ans, c’est difficile de bien comprendre ce qu’est le salaire différé… Tout juste confessera-t-il qu’il est extrêmement fatigué. S’il est effectivement libre de travailler quand il le veut, Nassim a travaillé six jours sur sept, parfois sept jours sur sept, depuis près d’un an. Et il faut enchaîner vendredi, samedi, dimanche pour prétendre aux primes week-ends.
Pour Julien, comme pas mal d’intermittents du spectacle ou d’étudiants, la livraison est un bon plan, en attendant de trouver un emploi pérenne et non précaire. La précarité et le statut d’autoentrepreneur, ce monteur image de formation les a déjà goûtés dans l’enfer des boîtes de production audiovisuelle. Et puis, il y a aussi toute l’imagerie « cool » associée aux coursiers new-yorkais, popularisés par le film de Cédric Klapisch, Casse-Tête chinois. Nombre d’entre eux sont d’ailleurs fiers d’exhiber leurs magnifiques vélos, dont certains peuvent coûter jusqu’à 4 000 euros. Un matériel que Deliveroo, UberEats, Take Eat Easy n’ont évidemment pas à payer. Ni l’entretien, à la charge des livreurs. Une crevaison, et c’est une soirée de travail perdue.

« C’est le retour de Germinal drapé derrière la révolution numérique »

Ce n’est pas le plus grave. Car les plateformes de livraison sont bien plus dangereuses qu’Uber, souligne Jérôme Pimot, « car elles jettent en masse des jeunes à vélo dans le trafic urbain ». Les accidents sont très fréquents. Son collègue Barthélemy percute un poteau en essayant d’éviter une piétonne distraite : rate explosée, cinq vertèbres et quatre côtes cassées et deux semaines de soins intensifs. Un autre entre dans un taxi et se tasse deux vertèbres, avec un sérieux traumatisme psychologique. Jérôme s’est démis l’épaule et cassé le poignet. Seulement voilà. L’autoentrepreneur ne bénéficie d’aucune couverture accident de travail. Avec le régime des indépendants, il faut avoir cotisé un an pour bénéficier d’indemnités journalières, qui ne sont versées qu’au huitième jour d’arrêt.
« Nous sommes revenus en 1909, quand le Code du travail n’existait pas encore, enrage Jérôme Pimot. Beaucoup ont oublié qu’il a été créé pour protéger les travailleurs après la catastrophe de Courrières. Veut-on en revenir à cette période ? » Il martèle à qui veut l’entendre que le phénomène n’est pas isolé. On est face à un choix de société, incarné par la place de la République. « D’un côté, il y a la Nuit debout et l’envie de construire un monde solidaire et juste, et, de l’autre, c’est le retour de Germinal drapé derrière la révolution numérique. Que voulons-nous choisir ? »

Manifestation, en cas de problème avec les forces de l'ordre appelez Defcol

Manifestation, en cas de problème avec les forces de l'ordre appelez Defcol

Projet de loi Travail
Daniel Roucous
Mercredi, 27 Avril, 2016

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AFP/Loic Venance
Vous êtes témoin de violences policières, interpelé(e) lors d’une manif, mis en garde à vue, vous avez des droits que rappellent les juristes et avocats de Defcol (Défense collective)
Des juristes et des avocats ont mis en place une Defcol (Défense collective) de soutien juridique aux manifestants victimes de violence policière et/ou mis en garde à vue.
A l’occasion de chaque manifestation, de rassemblements, ils distribuent un tract intitulé « Groupe de défense soutien juridique ».
Un numéro de téléphone portable 07 53 82 19 10 et un e-mail sont mis à disposition des manifestants témoins ou victimes de violences policières.
Ces coordonnées sont également utiles aux proches d’une personne en garde à vue. Le tract indique en effet que les personnes en garde à vue ne peuvent pas utiliser leur téléphone portable mais ont le droit de prévenir ou de faire prévenir une personne de leur choix.
Le groupe de Défense collective conseille dans leur tract de désigner un(e) avocat(e) et de garder le silence. Il précise « qu’il n’est pas besoin de connaître le numéro de téléphone de l’avocat(e), il suffit de donner son nom aux policiers et contrairement à leur dire, ça ne prolonge pas la garde à vue. Des noms circulent dans les manif, notez-les.A défaut d’en connaître un(e), on peut demander un avocat(e) commis d’office. »
Un livret « Info juridique » rappelle :
- les règles à connaître dans les manifestations (avoir sur soi le numéro d’un(e) avocat(e) ou celui indiqué ci-dessus, ne jamais avoir sur soi un couteau même un canif, un cutter, une bouteille en verre, des cailloux etc., ne pas dissimuler son visage, se disperser si l’attroupement n’est pas autorisé etc.),
- les règles en matière de contrôle d’identité, de fouilles, de garde à vue.
Ce livret peut être consulté ici
Ces groupes de défenses collectives sont également présents sous d’autres noms sur les ZAD. Par exemple le « Legal Team » sur les lieux du projet d’aéroport de Notre Dame des Landes. On peut le contacter au 06 75 30 95 45. Leur but et fonctionnement est le même.
Profitons-en ici pour rappeler les droits des citoyennes et citoyennes face aux fouilles et gardes à vue.

Fouilles et palpations

En théorie les policiers comme les vigiles etc. doivent observer des règles. En pratique c’est une autre histoire. Toujours est-il que les fouilles et palpations dans les manifestations, les rassemblements, les arrestations comme  à l’entrée des lieux accueillant du public sont réglementées, état d’urgence ou pas. Pour connaître ces règles cliquez sur
Dans le cadre d’une garde à vue, la fouille est plus prononcée mais réglementée par les articles 63-5 à 63-7 du code de procédure pénale. Les policiers doivent s’assurer que la personne n’a aucun objet dangereux sur elle et lui retirent tout objet qui pourrait la blesser (lacets de chaussures, cordons de vêtement, ceintures, cravates, certains vêtements comme les soutiens-gorges, briquets, allumettes, sacs, bijoux, chaines, médailles etc.). Il est alors établi un procès-verbal que le gardé à vue doit signer après s’être assuré que tous ses objets ont été inventoriés.
Les fouilles corporelles sous les vêtements et internes doivent être faites par un officier de police judiciaire du même sexe, dans une pièce isolée. Quant aux fouilles en profondeur (anus, vagin), elles doivent se faire en présence d’un médecin.
La personne fouillée à droit au respect et à la dignité.

En garde à vue

Une notification des droits doit être immédiatement remise à la personne en garde à vue par un officier de police judiciaire. Cette notification ou déclaration des droits est téléchargeable ici
Dans le même temps la police ou la gendarmerie doit obligatoirement en aviser le Procureur de la République qui est le seul à même de décider l’abandon des poursuites ou la remise d’une convocation à une audience ultérieure pour répondre des faits pour lesquels le gardé à vue a été arrêté.
Dans ce dernier cas un avocat est indispensable. Ceux qui n’ont pas les moyens peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle comme indiqué ici
Y penser : le gardé à vue a droit à appeler ou faire prévenir un proche et surtout son employeur. C’est important car ne pas justifier son absence du travail est une faute grave qui peut mettre en route une procédure de licenciement.
Attention la garde à vue n’est pas en soi un motif de licenciement ou de sanction par l’employeur.
La garde à vue est de 24 heures au plus. Elle peut être prolongée de 24 heures soit 48 heures au plus seulement si le Procureur de la République ou le juge d’instruction le décide. Ce n’est pas aux policiers ni aux gendarmes de décider.
Précisions que la garde à vue (GAV) démarre à partir du contrôle et de la vérification d’identité au poste de police ou de gendarmerie.

 

Les questions qu'on peut se poser

- Peut-on refuser de donner ses empreintes digitales ?
Lors de la garde à vue, un policier ou un gendarme est chargé de contrôler l’identité et de relever les empreintes digitales. Ces empreintes sont enregistrées sur un fichier dans lequel elles sont conservées de 25 à 40 ans selon les cas… même si aucune condamnation n’est prononcée.
Le gardé à vue et donc fiché.
Normalement le policier doit avoir l’accord de la personne mais le fait de refuser la prise d’empreinte est une infraction passible d’une contravention plus ou moins sévère.- article 55-1 du code de procédure pénale ci-joint
Les policiers peuvent également faire un prélèvement d’ADN (article 706-54 du code de procédure pénale).
- La garde à vue figure-t-elle sur le casier judiciaire ?
Non ! La garde à vue ne figure pas sur le casier judiciaire. Pour que ce soit le cas, il faut un jugement et encore, le juge doit décider si cette mention est portée sur le casier judiciaire.

INFOS +

- les règles de la garde à vue : articles 62-2 à 77 du code de procédure pénale téléchargeable sur
- le CIDJ (Centre d’information de la jeunesse) à propos de la garde à vue
- les consultations juridiques des avocats « Debout » entretien avec son initiateur sur notre site
- historique,  but et conseils du groupe de Défense collective

Elles occupent le hall contre le trafic

Elles occupent le hall contre le trafic

Pierre DUQUESNE
Lundi, 25 Avril, 2016
L'Humanité

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Les habitants de la cité Eluard à Saint-Denis passent la nuit en bas de leur immeuble pour faire fuir les dealers.
Photo : Magali Bragard
À Saint-Denis, un groupe de femmes a décidé d’occuper le bas de leurs immeubles pour lutter contre le trafic de drogue. Reportage.
Martine (1) peut enfin dormir. Les dealers ont déserté le pied de son immeuble. Ils n’ont pas disparu par magie, mais grâce à une formidable mobilisation des habitants. Chaque soir, la même scène se produit au 7, rue Jean-Lurçat, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Martine et d’autres voisins sortent de chez eux. La rampe d’accès à l’immeuble sert de banc public. Une table de camping est dépliée, café et biscuits sont partagés, et les langues commencent à se délier.
« C’était infernal, raconte Beata, une voisine qui fut l’une des femmes qui ont décidé d’occuper l’entrée de l’immeuble contre le trafic de drogue. Je n’arrivais tellement pas à dormir. J’étais tellement excédée que j’ai imaginé que j’allais acheter un drone pour envoyer des œufs pourris sur les guetteurs. » Car le défilé de voitures était incessant dans ce parking, devenu un « drive in » de la drogue. « La musique était souvent à fond. Parfois, ils entraient dans la cage d’escalier », explique Beata. En général, cela durait jusqu’à 4 heures du matin. « L’odeur de cannabis rentre parfois à l’intérieur des appartements », explique un autre habitant. Cela fait plus de quinze ans que le trafic s’immisce dans la cité Paul-Éluard, composée de petits immeubles de 6 à 9 étages séparés d’espaces verts particulièrement boisés. Le problème s’est aggravé ces trois dernières années. Puis une goutte d’eau a fait déborder le vase, mercredi 13 avril. Une voiture incendiée met le feu à deux autres véhicules, appartenant à des riverains. L’une d’elle appartient à une aide-soignante qui travaille en horaires décalés. La seconde à un habitant qui n’a pas d’assurance tous risques. Martine, Beata et consorts décident alors de prendre la place des trafiquants. Et de « tenir les murs » de l’immeuble.

« Ils ne sont jamais revenus grâce à la mobilisation »

Le premier soir, les dealers sont surpris. Le deuxième, les insultes fusent. Ensemble, les voisins parviennent à surmonter la peur, et reviennent un troisième soir. « Les trafiquants ramènent des chaises en plastique et des gamins d’on ne sait où. Ils ont mis du rap à fond, explique Beata. Ils ont installé un barbecue, posé une bouteille de vodka sur notre table et ont été beaucoup plus agressifs. La brigade anti-criminalité a débarqué, et ils ont détalé. »
Ils ne sont jamais revenus grâce à la mobilisation, qui n’a pas faibli depuis le départ. « Au bout d’une semaine, on a voulu faire une pause, explique Martine. Mais d’autres habitants sont venus prendre le relais spontanément, alors on est redescendues. » Des soutiens viennent de toute la ville. Ainsi que de nombreux militants communistes de la ville et des élus. Beaucoup espèrent que cette mobilisation va essaimer dans d’autres quartiers de la ville, parfois bien plus touchés par ce « cancer », comme dit Martine.
« Si on attend tout de l’État, de la police, ou de la ville, il ne se passe rien. L’implication des citoyens est décisive pour changer les choses », analyse aujourd’hui Beata. « À chaque fois que nous avons eu des plaintes des habitants, explique Florence Haye, adjointe au maire PCF en charge de la jeunesse, nous avons transmis à la police. Mais rien ne se passe », déplore-t-elle, à cause d’un manque criant de moyens. « Pour un nombre de faits constatés équivalent, il y a 600 policiers dans le 18e arrondissement de Paris et moins de 300 à Saint Denis. » Quant à l’État, il joue l’esquive. « La sécurité est l’affaire de tous, de l’État, mais aussi du bailleur et de la ville. Il y a aussi des mesures à prendre en termes de vidéosurveillance ou de résidentialisation », a expliqué le cabinet du préfet dans les colonnes du Parisien. Pas de chance pour lui, la réhabilitation des halls, la rénovation des digicodes et la construction de clôtures viennent d’être effectuées il y a deux ans à peine, rétorque Stéphane Peu, adjoint PCF au logement de Saint-Denis, qui invite aujourd’hui le préfet à venir faire un tour à la cité Paul-Éluard.
L’action des habitants et sa médiatisation ont déjà permis d’obtenir une ronde des policiers. Tous savent parfaitement que cela ne suffira pas à régler définitivement le problème. « Les dealers sont allés 200 mètres plus loin », déplore Beata, qui veut sortir le trafic du reste de la cité. « Une des solutions, c’est la légalisation du cannabis », soutient Hakim (1), un autre habitant du quartier.
Au travers de leur action, les habitants « révèlent surtout les défaillances de l’État vis-à-vis de Saint-Denis, une ville discriminée dans l’affectation des pouvoirs publics », explique Stéphane Peu. Une mère de famille mobilisée lui a confié qu’elle « occupait le jour l’école pour obtenir des profs pour ses enfants et qu’elle occupait la nuit sa cité pour qu’ils puissent dormir tranquille ». Pour une ville comme Saint-Denis (106 000 habitants), il n’y a que trois voitures pour faire des patrouilles le soir. Et un enfant perd 20 % de son temps scolaire faute de remplacement dans les écoles.
Pour en finir avec le trafic, il faudra aussi s’attaquer au néolibéralisme, plaide Hakim. « Nous sommes face à une économie qui exclut toute une classe sociale, et de plus en plus de jeunes d’un côté, et qui, d’un autre, vante sans cesse un consumérisme forcené. Les dealers, ils veulent tous avoir une bagnole, vivre dans le luxe. Leur dieu, c’est l’argent. Quand leur chef est venu nous voir, pour nous dire d’arrêter, il portait un tee-shirt bling-bling avec des paillettes. » Et puis, dit-il, il y a des enjeux financiers colossaux. « Ces jeunes peuvent gagner 100 euros en un jour. Partager les richesses, c’est aussi un début de solution contre le trafic ! »

Virage rebond

Virage rebond

Par Maurice Ulrich
Mercredi, 27 Avril, 2016
L'Humanité

L'éditorial de Maurice Ulrich : "Il faut souvent un appel à gauche pour mieux virer à droite."
Pourquoi donc changer si ce n’est une équipe, du moins une politique qui gagne ou fait comme si ? François Hollande ayant dit que cela allait mieux, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, qui présentait hier les grands axes de ses cahiers pour la présidentielle, dit non seulement que ça va mieux mais qu’il faut continuer. Tout comme la veille dans la réunion des ministres de Hé oh la gauche ! – comparés méchamment par nombre d’internautes aux nains de Blanche-Neige allant au boulot –, le refrain ressemble à celui de Tout va très bien, madame la marquise. Mais, surtout, c’est bien la politique suivie jusqu’à présent qui est confirmée. Ainsi, dans les textes préalables soumis aux militants, il est tout a fait exemplaire que le premier d’entre aux, intitulé « Entreprendre, travailler, s’accomplir », commence par ce brevet d’autosatisfaction : « Le défi de la compétitivité de notre économie a été relevé pour que l’appareil productif français retrouve la vigueur perdue dans la décennie 2002-2012 », tandis qu’à chaque ligne est réaffirmée une priorité sans nuances accordée aux entreprises avec pour seul critère leur place dans la mondialisation, quand il est patent que les 40 milliards qui leur ont été accordés n’ont eu aucun effet sur la création d’emplois et la croissance elle-même.
On peut analyser ces textes à loisir, la seule certitude qui s’en dégage, c’est bien que le PS entend continuer dans la même voie, tout en en appelant au rassemblement de la gauche et des écologistes. C’est dire que l’appel de la veille au réveil d’une gauche qui serait endormie ou dépressive n’est pas autre chose qu’un déni de réalité. C’est sa politique et celle du gouvernement qui font qu’aujourd’hui le PS s’est coupé de ceux-là mêmes qui ont voté pour lui sans gagner quoi que ce soit chez ceux qui l’ont toujours combattu. Entre la soirée de lundi et la matinée d’hier, le PS a appliqué une technique bien connue des skieurs et appelée virage rebond. Il faut souvent un appel à gauche pour mieux virer à droite.

Attentats de Paris. Salah Abdeslam transféré en France

Attentats de Paris. Salah Abdeslam transféré en France

Avec AFP
Mercredi, 27 Avril, 2016
Humanite.fr

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PHOTO DSK / FEDERAL POLICE OF BELGIUM / AFP
Salah Abdeslam, seul survivant des commandos des attentats de Paris qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés le 13 novembre, a été remis mercredi par la Belgique à la France, où l'attendent les juges antiterroristes et la prison.
Salah Abdeslam "a été remis ce matin aux autorités françaises" en exécution d'un mandat d'arrêt européen délivré le 19 mars 2016 par la France, a indiqué le parquet fédéral belge. Il a été transféré par voie aérienne sous escorte du GIGN, unité d'élite de la gendarmerie française, ont précisé des sources proches du dossier. Arrivé sur le territoire national à 09H05, il était en fin de matinée au palais de justice de Paris où, selon le parquet, il sera présenté dans la journée aux magistrats instructeurs "en vue de sa mise en examen".
Salah Abdeslam sera ensuite présenté à un juge des libertés et de la détention (JLD) qui statuera sur son placement en détention provisoire. Selon des sources proches du dossier, il sera incarcéré à Fleury-Mérogis (Essonne), la plus grande prison d'Europe.
Il sera placé "dans un quartier d'isolement" et "pris en charge par une équipe de surveillance dédiée, composée de surveillants aguerris", a déclaré le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, évoquant, sans plus de précision, un "établissement d'Ile-de-France adapté".
Représenté jusqu'à présent par l'avocat belge Sven Mary, Salah Abdeslam sera aussi défendu en France par le ténor du barreau lillois Frank Berton. Il "est soucieux de s'expliquer", a affirmé Me Berton au site internet de La Voix du Nord. Salah Abdeslam est le seul protagoniste direct des tueries du 13 novembre à avoir été arrêté vivant, après la mort des neuf assaillants, en kamikazes comme son frère Brahim ou abattus par les forces de l'ordre comme son ami d'enfance Abdelhamid Abaaoud.
S'il assure, via son avocat belge, qu'il n'était pas au courant des attentats de Bruxelles (32 morts), commis le 22 mars, quatre jours après son arrestation, il est en tous cas lié aux trois hommes qui se sont fait exploser ce jour-là et qui ont, eux aussi, un lien avec les attentats jihadistes du 13 novembre, les plus meurtriers de l'histoire de France. Agé de 26 ans, né à Bruxelles mais de nationalité française, Salah Abdeslam avait été arrêté le 18 mars à Molenbeek, commune de la capitale belge où il a grandi, après quatre mois de cavale.
Plusieurs hommes ont été inculpés en Belgique pour l'avoir exfiltré de Paris, au lendemain des attentats, puis caché à Bruxelles, où sa trace s'était perdue le 16 novembre. Proche du Belge Abdelhamid Abaaoud, que les enquêteurs considèrent comme l'organisateur des attentats du 13 novembre, Salah Abdeslam est au coeur des préparatifs logistiques des tueries.
C'est lui aussi qui a conduit en voiture les trois kamikazes qui se sont fait exploser aux abords du stade de France. La suite est plus floue. En fin de soirée, il a garé le véhicule dans le XVIIIe arrondissement, évoqué par l'organisation Etat islamique (EI) dans sa revendication et pourtant épargné. Devait-il à son tour y mener une attaque ? Au final, Salah Abdeslam a abandonné une ceinture explosive à Montrouge, à l'autre extrémité de la capitale. Contrôlé ou repéré avec des protagonistes dans différents pays européens dans les mois ayant précédé les attaques, il est également soupçonné d'avoir participé, en amont, à la constitution des commandos.
Lors de son premier interrogatoire, il a semblé vouloir minimiser son rôle, assurant avoir fait machine arrière alors qu'il aurait été missionné pour se faire sauter au Stade de France. Une position réaffirmée par son frère qui l'a vu en prison. Il avait d'abord contesté sa remise à la France, avant de faire volte-face au lendemain des attentats de Bruxelles. Avec son transfèrement, "la justice est en route", s'est félicité Jean Reinhart, avocat d'une trentaine de familles de victimes.
Sans s'attendre à "une véritable collaboration", sa consoeur Samia Maktouf, conseil de 17 familles de victimes, a dit espérer "qu'il fournisse quand même certains éléments pour permettre d'identifier les recruteurs et les financiers de la nébuleuse terroriste à laquelle il appartient". Sur la radio BFM, Me Berton a souhaité "qu'il ait un procès équitable et soit condamné pour les choses qu'il a faites et non pour les choses qu'il n'a pas faites".

De jour comme de nuit, Debout pour gagner !

De jour comme de nuit, Debout pour gagner !

Mardi, 26 Avril, 2016
L'Humanité

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Photo Anne-Christine Poujoulat / AFP
Texte collectif. Acteurs de la mobilisation sociale pour le retrait du projet de loi El Khomri, nous pensons que nos actions et le mouvement Nuit debout sont complémentaires.
À l’occasion des manifestations et grèves à venir, à partir du 28 avril, le 1er mai et ensuite, nous souhaitons des moments d’unité, de combativité, de fraternité, place de la République et sur toutes les places de France, sous des formes diverses et à imaginer : débats, village syndical, meetings communs, etc.Côte à côte dans les rues, travailleurs, jeunes, retraités, privés d’emploi, ont un intérêt commun à débattre et à décider ensemble, à construire des revendications portant une part d’utopie.Nous pensons que toutes les structures syndicales et tous les syndiqués opposés à la loi El Khomri ont toute leur place dans ces moments de fraternité et de construction collective, que tous les participants aux « Nuits debout » ont leur place dans les manifestations et la grève nécessaires pour gagner.Nous appelons, dès le 28 avril et en particulier le 1er mai, après les manifestations, place de la République et sur toutes les places de France, à la discussion libre, fraternelle, pour faire le point sur nos accords et désaccords, nos différences, nos luttes et nos espoirs communs.Ensemble, nous pouvons faire peur à l’oligarchie, faire reculer le pouvoir, nous pouvons gagner !
Signataires : Lina Desanti (Secrétaire général UD Tarn-et-Garonne), Karl Ghazi (CGT Commerce Paris), Denis Gravouil (Secrétaire général FNSAC-CGT), Mehdi Khemoune (CGT Air France), Cédric Quintin (Secrétaire général UD Val-de-Marne), Baptiste Talbot (Secrétaire général Fédération CGT des Services publics), Emmanuel Vire (Secrétaire général SNJ-CGT) Natacha Grelot (co secrétaire nationale SNPESPJJ FSU), Christian Taillandier (Secrétaire national SNUITAM FSU),élisabeth Hervouet, Hervé Heurtebize, Véronique Ponvert, Julien Rivoire, Valérie Soumaille (syndicalistes FSU), éric Beynel, (porte parole de Solidaires), Cécile Gondard Lalanne (porte parole de Solidaires), éric Santinelli (Fédération SUD Rail), Jean Vignes (Fédération SUD Santé sociaux) Caroline de Haas, (initiatrice de la pétition Loi Travail, non merci!), Frédéric Lordon (économiste), François Ruffin (rédacteur en chef de Fakir).

La baisse globale du chômage n’a été que de 9600 personnes en mars

La baisse globale du chômage n’a été que de 9600 personnes en mars

Gérard le Puill
Mercredi, 27 Avril, 2016
Humanite.fr

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Photo Alain Jocard / AFP
Si la baisse du nombre d’inscrits à Pôle emploi de la catégorie A atteint 62.400 personnes en mars, la hausse des gens inscrits en catégorie B et C, ceux qui ne travaillent que quelques heures dans le mois, est de 52.800. Au final, la diminution totale du chômage n’est que 9.600 personnes. Avec 630.000 demandeurs d’emploi de plus qu’en mai 2012, nous sommes donc loin de l’objectif, du quinquennat de François Hollande, d'inversion de la courbe du chômage.
La nouvelle a fait les grands titres des journaux télévisés du soir : le nombre d’inscrits à Pôle emploi n’ayant pas du tout travaillé au mois de mars a diminué de 62.400. Mais aucune précision n’a été donnée pour analyser ce recul. On ne sait si cela correspond vraiment à autant d’emplois retrouvés par des chômeurs de catégorie A, où si une part de ce recul correspond à des radiations qui ne seraient pas synonymes d’un retour à l’emploi. Cette baisse intervient après une hausse de 38.900 inscrits en catégorie A au mois de février. La France comptait donc 3,79 millions de chômeurs de catégorie A au 31 mars 2016 contre 3,16 millions au tout début du quinquennat de François Hollande. Il faudrait donc que leur nombre de demandeurs d’emplois dans la catégorie des gens qui n’ont pas travaillé une seule heure dans le mois diminue de 630.000 personnes d’ici mai 2017 pour que François Hollande gagne son pari sur l’inversion de la courbe du chômage durant son quinquennat.
 
La partie est loin d’être gagnée. Car un autre chiffre a été occulté dans la plupart des journaux télévisés d’hier soir. En mars, le nombre de demandeurs d’emplois qui perçoivent l’allocation chômage tout en travaillant quelques heures dans le mois a augmenté de 52.800. Du coup, la baisse totale du nombre des demandeurs d’emplois n’est plus que de 9.600 personnes. En mars, cette inversion de tendance semble indiquer que les patrons fonctionnent comme si le projet de Loi El Khomri avait déjà été voté. On a embauché plus facilement d’un côté en précarisant davantage l’emploi de l’autre. En témoigne l’évolution du travail en intérim. Il progresse de 5,9% en mars après une hausse de 4,3% en février.
Mais, signe d’une précarisation accrue dans des métiers difficiles, l’intérim augmente en mars de 12,3% dans les transports, de 7,1% dans le bâtiment et les travaux publics, de 6,5% dans le commerce et il augmente de 9,6% chez les ouvriers qualifiés et de 7,7% chez les cadres et les professions intermédiaires.
 
Sitôt connus les chiffres du chômage pour le mois de mars, les commentaires sont allés bon train pour savoir si cela crée ou non un terrain favorable pour que François Hollande se représente à la présidentielle de 2017, lui qui déclarait dès 2012, qu’il ne solliciterait pas un second mandat s’il ne parvenait pas à finir son mandat avec moins de chômeurs que lors de son arrivée à l’Elysée. Nous avons recherché et retrouvé les principales déclarations faites sur le sujet par François Hollande depuis quatre ans. Le 15 avril 2012, le candidat Hollande déclarait au Journal du Dimanche : « le chômage n’est pas une fatalité et j’inverserai la courbe ». Dix jours plus tard, lors d’une conférence de presse de l’entre deux tours il déclarait : « j’inverserai la courbe du chômage. J’accepte d’être jugé sur cette promesse ». Le 9 septembre de la même année, au journal de 20H de TF1 présenté à l’époque par Claire Chazal il promettait d’ « inverser la courbe du chômage d’ici un an», avant de préciser par quels moyens; lesquels n’ont guère fonctionné depuis.
 
Le 17 avril 2014, lors d’une visite dans une usine du groupe Michelin, François Hollande déclare devant les salariés : « Si le chômage ne baisse pas d’ici à 2017, je n’ai aucune raison d’être candidat, ou aucune chance d’être réélu ». On remarquera ici un premier changement dans le discours. Dans la tête du président Hollande, le chômage doit baisser entre avril 2014 et avril 2017, sans qu’il termine forcément son quinquennat avec moins de chômeurs que lors de son élection en 2012. Le 27 juillet 2015, lors d’une rencontre avec une centaine de journalistes à l’occasion du dîner annuel de l’Association de la presse présidentielle, le langage de François Hollande évolue encore sur le sujet. Il explique qu’il doit « faire diminuer le chômage suffisamment longtemps pour qu’il soit suffisamment crédible ». Car, explique-t-il, « s’il n’y a pas de résultat, il ne peut pas y avoir de crédibilité sur une candidature» .
 
Bien que le résultat tarde à venir, le président répète encore sur France Inter le 19 février 2016 à propos d’un nécessaire recul du chômage sans toutefois reprendre les propos qu’il tenait en 2012: « j’ai dit que je serai jugé sur cette question là. Je ne me déroberai pas. Je n’ai de ce point de vue-là qu’une seule parole. J’ai été candidat pour que nous créions les conditions pour qu’il y ait une baisse du chômage et il doit y avoir une baisse du chômage, et s’il n’y a pas de baisse du chômage, vous savez quelles conclusions j’en tirerai ».
Après les chiffres publiés hier, la France compte en ce mois d’avril 2016 quelques 630.000 chômeurs de catégorie A de plus que lors de l’arrivée de François Hollande à l’Elysée en mai 2012. La promesse fait en début de mandat d’avoir moins de chômeurs en France en 2017 qu’en 2012 est devenue intenable.
 
C’est pour cela que le chef de l’Etat et son gouvernement ont mis en chantier le projet de loi El Khomri dont la ligne directrice consiste à précariser l’emploi en réduisant les droits acquis dans les entreprises et les banches professionnelles dans l’espoir de faciliter les embauches durant les derniers mois du quinquennat en cours. Cette manœuvre est perceptible dans les propos tenus par François Hollande en 2015 devant deux journalistes qui l’ont rapporté dans un livre (1) paru le mois dernier. A ses interlocuteurs en attente de dates et de chiffres sur l’ampleur de cette baisse du baisse du chômage, le président a dit ceci : « Ce sera une tendance, une ambiance. Plus une ambiance qu’une tendance, d’ailleurs. Il y a les chiffres, il y a les statistiques, et puis, il y a ce que les Français ont comme sentiment, comme impression de ce qu’est la réalité économique sur leur propre vie.
 
Aujourd’hui, ils se disent que ça va quand même un peu mieux. Ce n’est pas encore ce qu’ils voudraient, mais aujourd’hui, quand je dis que la reprise est là, ce n’est pas perçu comme une provocation. Il y aura toujours des gens au chômage, mais il faut qu’ils aient le sentiment qu’ils ne le seront plus pendant longtemps. S’ils ont le sentiment qu’ils le seront jours, ça n’ira pas ».
Voilà donc, en creux, toute l’explication du projet de loi El Khomri : donner aux Français le sentiment que les choses vont s’améliorer sur le front de l’emploi. Afin de donner une seconde chance à un président qui n’a pas tenu ses engagements. 
 
(1) Le Pari de Charlotte Chaffanjon et Bastien Bonnefous , éditions Plon , page 57.