jeudi 23 mars 2017

Attentat de Londres : la piste terroriste reste "privilégiée"


Attentat de Londres : la piste terroriste reste "privilégiée"

LAURENCE MAURIAUCOURT
JEUDI, 23 MARS, 2017
HUMANITE.FR
L'attentat a été commis à Westminster, un quartier touristique et où s'exerce la démocratie à Londres. (Photo AFP)
L'attentat a été commis à Westminster, un quartier touristique et où s'exerce la démocratie à Londres. (Photo AFP)
L'attentat qui a frappé Londres mercredi a fait trois morts, outre l'assaillant, selon le dernier bilan officiel. Parmi la trentaine de personnes blessées, sept sont dans un état critique. Des arrestations ont eu lieu à Birmingham. (Version actualisée à 13h30)
Selon le journal régional espagnol La Voz de Galicia, Aysha Frade, 43 ans a perdu la vie, fauchée par le véhicule de l’assaillant. L'enseignante qui vivait à Londres avait deux enfants de sept et neuf ans, selon les médias espagnol. Selon le commandant de l'antiterrorisme à Scotland Yard Mark Rowley. Elle a été tuée sur le pont de Westminster, enjambant la Tamise face à Big Ben, où la voiture de l'auteur de l'attaque a foncé dans la foule.
La seconde victime, également fauchée sur le pont de Westminster, est un homme d'une cinquantaine d'années, a déclaré Mark Rowley, ne fournissant pas d’autres informations sur l’identité de la victime.
La troisième personne décédée est un policier, Keith Palmer, 48 ans. Il était stationné devant l'une des entrées du Parlement de Westminster au moment où l'assaillant, qui a abandonné sa voiture contre les grilles de l'édifice, tentait d'y pénétrer. L'homme, armé d'un couteau, l'a frappé à plusieurs reprises, selon les témoins. Le député conservateur Tobias Ellwood a tenté de le réanimer, en vain. "J'ai cherché à stopper l'hémorragie et lui ai fait du bouche-à-bouche en attendant l'arrivée des médecins, mais je crois qu'il avait déjà perdu trop de sang", a raconté l'élu, photographié en plein massage cardiaque avec du sang sur son visage et ses vêtements.
Plusieurs blessés dans un « état critique »
Une quarantaine de personnes ont été blessées, dont 29 ont dû être hospitalisées. Sept d'entre elles étaient dans un "état critique", selon le commandant de l'antiterrorisme de Scotland Yard Mark Rowley. Parmi les blessés figurent trois élèves français du lycée Saint-Joseph de Concarneau (ouest), en voyage scolaire. Deux étaient dans un état grave mais leurs jours n'étaient pas en danger, selon un responsable de la région française. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault doit se rendre à leur chevet ce jeudi matin.
Scotland Yard continue à privilégier la piste du "terrorisme islamiste"
Selon la BBC, la voiture utilisée par l'assaillant pour faucher les piétons sur le pont de Westminster a été louée à Birmingham. A l’heure qu’il est, plusieurs médias britanniques ont fait état d'une opération de police d'envergure dans la ville, au centre du pays, liée à l'auteur présumé de l'attaque, relève l’AFP. "L'homme de Londres habitait ici", a déclaré un témoin du raid sur un appartement de Birmingham à l'agence Press Association. Mohamed Abrini, "l'homme au chapeau" des attentats de Bruxelles l'an dernier et suspect-clé des tueries de Paris en novembre 2015 avait séjourné à Birmingham, l'été précédant ces attaques.
L'assaillant, vêtu de noir et portant une barbe, a lancé sa voiture contre la foule sur le pont de Westminster, face à Big Ben, mercredi en début d'après-midi, tuant deux personnes et en blessant plusieurs dizaines. Il a ensuite poignardé à mort un policier après être entré dans la cour du Parlement avant d'être abattu. Il "est né au Royaume-Uni" et "il y a quelques années il a fait l'objet d'une enquête du MI5" (service de renseignement) en lien avec "l'extrémisme violent", a commenté Theresa May, ajoutant qu'il était alors "un personnage périphérique" de cette enquête.
Commise un an jour pour jour après les attentats de Bruxelles qui ont fait 32 morts, l'attaque a été revendiquée, ce jeudi par l'Etat islamique. C'est la plus meurtrière au Royaume-Uni depuis les attentats suicide du 7 juillet 2005, revendiqués par des sympathisants d'Al-Qaïda, qui avaient fait 56 morts dans les transports en commun londoniens.
Vêtue de noir, Theresa May dénonçait mercredi soir un attentat "pervers", lors d'une allocution solennelle devant sa résidence de Downing Street. "Les forces du mal ne nous diviseront pas", a-t-elle lancé, après une réunion interministérielle de crise. La Première ministre britannique ajoutant que le niveau d'alerte terroriste restait fixé à "grave", le quatrième sur une échelle de cinq, comme depuis août 2014.
Les présidents français François Hollande et américain Donald Trump ont appelé Theresa May, et la Tour Eiffel a été éteinte à minuit en hommage. La chancelière allemande Angela Merkel a exprimé son soutien à ses "amis britanniques".
Le président russe Vladimir Poutine a adressé jeudi ses condoléance au Royaume-Uni. "Il est évident que pour combattre la menace terroriste, tous les membres de la communauté internationale doivent réellement unir leurs efforts", a-t-il déclaré selon un communiqué du Kremlin.
L'attaque rappelle celles de Nice (France, 84 morts) et Berlin (12 morts), également en 2016, commises en lançant un véhicule contre la foule, et s'inscrit dans un contexte de risque élevé d'attentats en Europe, notamment des jihadistes de l'Etat islamique (EI).
Londres avait été épargnée ces dernières années par les attentats de grande ampleur. Scotland Yard avait cependant annoncé début mars que les services de sécurité britanniques avaient déjoué 13 tentatives d'attentats depuis juin 2013.

Compteurs Linky, leur installation forcée est-elle bien réglo ?


Compteurs Linky, leur installation forcée est-elle bien réglo ?

"crédit photo : Yann Deva",
Le mouvement Stop Linky est-il hors la loi face au déploiement forcé des compteurs communicants ? Entretien avec Blanche Magarinos-Rey, avocate spécialisée en droit de l’environnement.

Ce mercredi 22 mars, 200 associations et collectifs locaux inter-associatifs et de nombreux élus locaux, venus de toute la France, se rassemblent à partir de 11 heures 30 devant la maison de la Radio à Paris.
Ce jour-là, l’AMF (association des maires de France) y organise un grand oral des candidats à l’élection du Président de la République.
De nombreux autres rassemblements ont lieu en province.
Dans notre enquête  nous avons expliqué les raisons de la colère de nombreux citoyens/usagers mais aussi des maires et des conseils municipaux. 344 communes ont actuellement pris une délibération, un arrêté ou un moratoire pour s’opposer à l’implantation de force par Enedis des compteurs Linky. Nombre d’entre elles se sont retrouvées devant le tribunal administratif pour tout simplement se préoccuper de l’impact des compteurs communicants sur la santé et la vie privée de leurs concitoyens. On appelle cela le principe de précaution.
Ce mouvement Stop Linky de citoyens et de municipalités contre tous les compteurs communicants a-t-il  légalement le droit de s’opposer à une décision gouvernementale et de quels outils juridiques disposent-ils pour cela ?
Nous avons posé la question et d’autres à maître Blanche Magarinos-Rey, avocate au barreau de Paris en droit de l’environnement qui a élaboré un kit juridique destiné aux citoyens et aux élus pour faire valoir leur droit au refus de compteurs communicants.


D’abord pouvez-vous vous présenter et expliquer à nos lecteurs pourquoi avoir élaboré un kit juridique ?
Blanche Magarinos-Rey : « Avocate au barreau de Paris en droit de l'environnement, j'ai créé un cabinet d'avocats dédié aux acteurs de la société civile engagés dans la défense de l'environnement et des droits humains. Concernant les compteurs Linky, nous avons élaboré un kit juridique pour mettre le plus largement possible à la disposition des personnes et des collectivités les armes juridiques leur permettant de faire valoir leurs droits de manière autonome. Ce kit est en libre accès sur notre site internet ou directement sur

Les municipalités qui ont adopté une délibération ou un moratoire anti-Linky et Gazpar doivent-elles faire voter une nouvelle délibération ou moratoire pour éviter le tribunal administratif ?
« Les municipalités qui se sont opposées à l'installation du compteur Linky et Gaspar ont fait face à des recours en cascade contre leurs délibérations, lesquelles avaient parfois été prises sans préparation préalable. Ces délibérations se basaient pour la plupart sur les questions sanitaires que ces compteurs soulèvent et les décisions des tribunaux administratives ont été très sévères à leur encontre. C'est la raison pour laquelle une nouvelle démarche s'impose pour les Communes. Nous avons donc proposé aux collectivités de nouvelles pistes, basées sur l'atteinte à la protection des données personnelles par le nouveau compteur et au domaine public des communes. Ces nouveaux actes pourront être contestés devant le tribunal administratif mais les communes auront alors des arguments plus forts à faire valoir. »

Que leur conseillez-vous ?
« Nous leur conseillons de se saisir des outils que nous avons mis à leur disposition pour agir et faire valoir leurs droits (kit juridique NDLR).
 Nous conseillons aux maires de  d'une demande de vérification du fonctionnement des compteurs au regard des dispositions de la loi Informatiques et Libertés, car le fonctionnement des compteurs ne se conforme pas strictement aux 
Simultanément, nous proposons aux maires de suspendre par arrêté, au titre de leur pouvoir de police de la tranquillité publique, le déploiement du compteur dans l'attente du résultat des vérifications demandées.
Nous avons aussi élaboré un modèle d'arrêté permettant aux maires, au titre de ses pouvoirs d'exécution des lois, de réglementer l'implantation du compteur pour garantir le respect des droits des personnes.
Nous proposons enfin un modèle de délibération pour refuser le déclassement de l'ancien compteur et forcer son maintien (*) »

Quelle différence, disons juridique, entre délibération, arrêté, moratoire ?
« La délibération est l'acte pris par le conseil municipal.
L'arrêté est celui pris par le maire. Il y a une différence de forme. Au niveau d'une commune, le code général des collectivités territoriales distribue les compétences entre le maire et le conseil municipal. Par exemple, le conseil municipal n'est pas compétent pour prendre une mesure de police qui relève des pouvoirs du maire.
Le terme moratoire se rapporte à un acte qui suspend l'application d'une réglementation. Il s'agit d'un critère de fond et non de forme. Un moratoire peut donc prendre la forme d'une délibération ou d'un arrêté. »

Un mot sur la question de la propriété des compteurs. Appartiennent-ils ou pas aux communes ou aux EPCI ?
« Le texte de l'article  précise qu'ils appartiennent "aux communes ou à leurs groupements", ce qui tend à considérer qu'ils peuvent appartenir selon les cas, soit aux communes, soit aux EPCI.
Un jugement récent du Tribunal administratif de Rennes a ainsi admis qu'ils appartiennent à l'EPCI. Mais cette décision n'a pas tenu compte de l'article  qui prévoit qu'en cas de transfert de compétence à un EPCI, les biens permettant l'exercice de cette compétence sont seulement "mis à disposition", sans transfert de propriété. En application de ce texte, les compteurs devraient être considérés comme propriété des communes. La question mérite donc encore d'être tranchée par une juridiction supérieure. »

Et si elles ont délégué leur exploitation et leur entretien à Enedis ou à un gestionnaire du réseau ?
« Sur ce point, la réponse est plus claire. La cour administrative d'appel de Nancy dans un   a conclu que les compteurs, qui sont des biens du domaine concédé, ne sont pas la propriété d'Enedis ou du gestionnaire de réseau, mais de la personne publique concédante. »

La plupart des délibérations ou moratoires avancent le principe de précaution pour protéger les administrés notamment des ondes électromagnétique et de la vie privée. Mais n’est-ce pas du ressort de l’Etat puisque c’est lui qui a pris une loi pour installer des compteurs intelligents en application d’une directive européenne ?
« L'Etat est compétent pour décider des modalités propres à assurer la sécurité des personnes ou la protection de leur vie privée.
Mais les maires au titre de leur pouvoir de police peuvent aussi agir, en principe, lorsqu'un péril imminent menace les populations (article L2212-2 du code général des collectivités territoriales). Toutefois, en la matière, la difficulté est d'établir l'imminence du péril. »

A propos de la directive européenne du 13 juillet 2009, impose-t-elle vraiment la mise en place de compteurs intelligents comme les décideurs l’affirment ?
La  impose seulement "la participation active des consommateurs au marché de la fourniture d'électricité" et les Etats membres sont libres de fixer les moyens de cette participation active. Or il faut savoir que les anciens compteurs répondent déjà à cet objectif. »

L’usager-client peut-il s’opposer au changement de ses compteurs par un Linky puis un Gazpar et sur quelle base légale ?
« La lacune majeure du dispositif légal réglementant le déploiement de ces compteurs est qu'il ne prévoit pas expressément le consentement des personnes. Il s'agit pourtant d'un bouleversement technologique qui est aussi un choix de société car ces compteurs ont vocation à permettre l'analyse précise, la captation et la valorisation commerciale de nos habitudes de vie. Il serait choquant que les individus soient par principe exclus de ce choix.  
En principe, les personnes ont la libre disposition des données collectées par ces compteurs en application de l'article 
Ce principe devrait fonder le droit des personnes à déterminer les modalités de communication et de traitement de leurs données. Il s'agit du droit à l'autodétermination des données personnelles que le Conseil d'Etat a, en quelque sorte, déjà consacré.
Or, le fonctionnement de ces compteurs ne respecte pas ce droit aujourd'hui, car le système d'information d'Enedis censé le mettre en oeuvre n'est pas opérationnel. De plus, ce droit pourrait être exercé que par les seules personnes ayant accès à Internet, ce qui n'est pas le cas de tous les usagers.
Dans ce contexte et sur ce fondement, les usager-clients devraient pouvoir s'opposer à l'installation de ce compteur. »

Est-il vrai qu’en cas de refus le distributeur d’énergie peut lui couper l’électricité et le gaz voire le taxer ?
« L'usager et le distributeur d'énergie sont en relation contractuelle et les droits et obligations de chacune des parties sont déterminés par ce contrat. Il faut donc se reporter aux stipulations de chaque contrat pour vérifier les risques d'un refus. Cependant, il existe un droit d’accès pour tous à l'électricité qu'il convient de rappeler au distributeur s'il venait à user de menace de coupure pour forcer l'implantation d'un compteur. »

Que conseillez-vous aux usagers qui refusent de changer de compteurs, exemples  à l’appui ?
« Nous avons mis à la disposition des particuliers plusieurs  permettant de notifier formellement au gestionnaire du réseau un refus de changement de compteur ou visant à mobiliser les municipalités contre l'implantation irrégulière des compteurs.
Cependant, ces démarches n'empêcheront pas le gestionnaire du réseau de déployer ces compteurs, s'il y est déterminé. La seule solution est alors d'obtenir d'un juge qu'il soit enjoint au gestionnaire de cesser ce déploiement.
Dans le cas d'une personne électro-hypersensible, le Tribunal d'instance de Grenoble a ainsi ordonné à un bailleur d'enjoindre au gestionnaire de ne pas installer de compteur à cette personne en raison de son affection. Face à un conflit, il ne faut pas craindre de saisir la justice pour le résoudre et s'en remettre à sa décision. »

Votre conclusion ?
« Le déploiement des compteurs Linky sans le consentement des personnes est une atteinte au droit des personnes de disposer de leurs données personnelles.
Il est essentiel que les personnes ne laissent pas leurs habitudes de vie ou leur comportement personnel être profilés et exploités sans leur consentement. C'est un choix de société qu'il leur appartient de prendre et dont ils sont pour l'instant scandaleusement exclus. »


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CICE : aucun intérêt pour l'emploi,les salaires, les exportations et la recherche



CICE : aucun intérêt pour l’emploi, les salaires, les exportations et la recherche

LAURENCE MAURIAUCOURT
MERCREDI, 22 MARS, 2017
HUMANITE.FR
Photo AFP
Photo AFP
L’organisme d’Etat, France Stratégie, présidé par l’ex Conseiller social et emploi de François Hollande, Michel Yahiel, publie un rapport d’évaluation complémentaire des effets du CICE qui confirme que ce cadeau aux entreprises n’a « probablement » aucun effet sur l’emploi et les salaires. 
 sur les effets du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), censé compléter les conclusions rendues à l’automne 2016 révèle un flop de plus en plus prégnant quant aux effets de cette aide d’Etat accordées aux entreprises depuis 2013.   
Le Comité de suivi du CICE mérite la palme du rapport officiel le plus flou du quinquennat Hollande. Sous couvert de données complexes à collecter et à analyser, l’organisme de réflexion et de prospective rattaché au Premier ministre est bien forcé d’accabler, sans avoir l’air, la politique de cadeaux fiscaux accordés aux entreprises. On trouve dans ce rapport toute une panoplie grammairienne pour tenter de faire avaler la pilule. On y parle d’hypothèse, d’effet juste « probable » ou « difficile à dégager », de traduction « globalement » positive sur les marges des entreprises…     
Mais, qui gomme les précautions textuelles et les arguments fallacieux perçoit parfaitement que le CICE n’a eu aucun des effets promis par le Gouvernement. Au mieux, la mesure fiscale aurait eu pour effet de "créer ou de sauvegarder entre 50 000 et 100 000 emplois". Au regard des millions de chômeurs que comptent notre pays, c’est peanuts. Ces chiffres étant même mis en doute par certaines sources citées par France Stratégie. Le rapport analyse par ailleurs que le CICE n’a pas eu d’ « effets évidents » sur les salaires. L’argent que les entreprises n’ont pas eu à verser dans les caisses de l’Etat n’a pas non plus servi à la Recherche et au Développement. Les dépenses de R&D restent les mêmes depuis 2013. De même, les exportations n’ont pas connu de croissance grâce à cette manne.  Le Medef qui démontrait que les grandes entreprises avaient besoin de cette nouvelle aide financière pour être "compétitives" à l’international n’ont visiblement pas orienter de crédits dans ce sens.
Il faut rappeler qu’en échange du magot, rien ne leur est imposé. Les contreparties devant s’avérer mécaniques. 
Sur les années 2013 et 2014, force est de constater que le CICE est un flop également pour les consommateurs qui n’ont pas ressenti de baisse des prix et pour cause.
Il faudra attendre l’automne 2017, pour connaître les tendances observées en 2015. Et aucune donnée ne laisse présager de meilleurs résultats. Sauf peut-être du côté de la rémunération des actionnaires des entreprises bénéficiaires, mais le rapport ne se risque pas sur ce terrain. 

Jolis costards et grandes fortunes, l’autre visage de la campagne présidentielle

L’un des prétendants à la présidence de la République joue l'entremetteur pour l’argent, un autre est activement soutenu  par la presse aux mains de grandes fortunes, une autre encore est applaudie par les patrons... Ceci a donné du grain à moudre à Maurice Ulrich, journaliste à l’Humanité, qui voit la lutte des classes derrière toutes ces opérations. Réalisation :  Abrahim Saravaki.

ils font face au FN


L’Humanité donne la parole à ces citoyens, artistes, élus qui refusent l’intimidation de l’extrême droite

JEUDI, 23 MARS, 2017
L'HUMANITÉ
Dans le Vaucluse, la droite a  largement préparé le terrain du Front national en reprenant ses thèses à son compte. En trente ans, le territoire a subi l’abandon des terres agricoles, le délitement du tissu industriel au profi t des zones commerciales ou des plateformes logistiques. Direction Carpentras : « J’en ai assez qu’on assimile ma ville aux fascistes », lance Mina Idir, qui se présente contre Marion Maréchal-Le Pen aux législatives, portée par « cette idée d’une société plus juste ». Portrait d’une battante. À Béziers, le monde de la culture relève la tête face à un maire, Robert Ménard, qui supprime les festivals et livre des monuments aux promoteurs immobiliers à l’affût. Le collectif Nabuchodonosor s’est formépour défendre l’art et la vie avec les enfants et les familles. Un journal satirique a vu le jour… Tout au Nord, à Hénin-Beaumont, l’élue écologiste Marine Tondelier estime que« les gens ne sont pas fachos, ils sont fâchés ». Elle publie un livre sur les méthodes de la nouvelle équipe frontiste. « Nous considérons qu’aucun territoire de la République ne doitêtre abandonné à l’extrême droite. Nous en faisons des terrains de reconquête », a dit et répété Pierre Laurent, mardi et mercredi dans le Vaucluse et le Gard. Venu présenterson livre Front national l’imposture, droite le danger, le secrétaire national du PCF apporte son soutien à ces militants de terrain qui se sentent abandonnés par les dirigeants nationaux des autres partis républicains. Lire notre article : Extrême droite. « Rabâcher que ce sont des fascistes ne sert à rien »

Tarification de l’eau, quelles aides pour la rendre abordable à tous ?


Tarification de l’eau, quelles aides pour la rendre abordable à tous ?

JOURNEE MONDIALE DE L'EAU
DANIEL ROUCOUS
MERCREDI, 22 MARS, 2017
L’accès à l’eau pour tous est le thème premier de la Journée mondiale de l’eau. L’occasion de rappeler qu’il est interdit de la couper toute l’année et qu’il existe des solutions pour aider à la payer.

Ca fait 24 ans que l’ONU a décidé que le 22 mars de chaque année consacre l’accès à l’eau pour tous. Cette année, le thème de cette Journée mondiale de l’eau est : « pourquoi gaspiller l’eau ». L’idée est de « rendre potable les 80% des eaux usées résultant des activités humaines… afin de garantir l’accès à l’eau à tous ».
L’accès à l’eau parlons-en.
En France, un frein à l’accès à l’eau est son prix qui augmente chaque année plus vite que le coût de la vie. C’est ce que révèlent les enquêtes des associations UFC Que Choisir , de l’INC sur , de la Confédération Générale du Logement sur  et de France-Libertés sur 
En moyenne le prix d’un litre d’eau (et non plus du m3 depuis le 1er janvier 2017) est de 0,00370 euros selon l’INSEE (valeur décembre 2015). Cependant ces enquêtes montrent des disparités du prix de l’eau selon son département de résidence voire sa commune. C’est devenu la règle et c’est ça crée un problème d’égalité de l’accès à l’eau.
Cette inégalité de l’accès à l’eau en raison de son prix, étrangement absente de la campagne présidentielle, se trouve aggravée par la concentration de la distribution de l’eau dans les mains de grands groupes comme Veolia, Suez, la SAUR et la division par 7 ou 8 des services publics de l’eau d’ici 2020, loi NOTre oblige.
C’est inquiétant et devrait interpeler les candidats qui affichent une
C'est ce que fait la  un collectif d’ONG qui profite de cette Journée mondiale de l’eau pour leur faire 5 propositions afin d'assurer le droit d’accès à l’eau pour tous y compris en France.
Ces grands groupes, arrogants de profits, n’hésitent pas de couper l’eau à ceux qui ne peuvent pas la payer alors que c’est interdit. C’est d’ailleurs ce que leur rappelle la Cour d’appel de Limoges dans son  insistant sur l’interdiction des réductions de débit d’eau en France.
Auparavant le Conseil constitutionnel avait épinglé la SAUR dans sa qui exige que « aucune personne en situation de précarité ne puisse être privée d'eau »
Alors quelles aides au paiement des factures et que  faire en cas de coupure ou de réduction du débit d’eau ? Rappel du règlement qui s’applique à tous les distributeurs et toute l’année, pas seulement du 1er octobre au 31 mars.

Quelles aides au paiement des factures d’eau ?

la tarification sociale de l’eau - instituée par une  - consiste, dans certaines villes listées en encadré) à attribuer aux ménages ayant des difficultés à payer l’eau et l’assainissement soit des chèques-eau ou un tarif progressif de l’eau incluant une première tranche de consommation gratuite modulée en fonction du revenu et du nombre de personnes composant le foyer.
Les barèmes sont fixés par chaque collectivité après délibération des conseils municipaux ou communautaires.
 Pour en bénéficier, il convient de s’adresser :
- au centre communal ou intercommunal d’action sociale des villes qui expériment la tarification sociale de l’eau, coordonnées en cliquant sur 
- ou auprès de sa Caf (caisse d’allocations familiales) tant pour la tarification sociale que pour les aides du FSL, coordonnées en cliquant sur 
Cette tarification sociale de l’eau résulte des article qui considère que « chaque personne a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables ».

Dans les villes non concernées par l’expérimentation de la tarification sociale de l’eau, en cas de difficulté à payer les factures, plusieurs solutions :
- aides du FSL (Fonds de solidarité pour le logement) par l’intermédiaire de sa Caf ou de sa caisse de retraite en application de l’article du code d el'action sociale et des familles. Celui-ci dit bien que « toute personne ou famille éprouvent des difficultés financières a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau ». Il précise : « en cas de non paiement de factures, la fourniture d’eau est maintenue jusqu’à l’obtention d’une aide. Les fournisseurs d’eau ne peuvent procéder ni à l’interruption ni à la résiliation du contrat pour non-paiement des factures et ce toute l’année ».

Vous avez bien lu : les coupures d’eau sont interdites toute l’année quel que soit le fournisseur.

- interdiction aux communes de faire payer un abonnement à l’eau supérieur à 30% en zone urbaine et à 40% en zone rurale au coût du service lorsque la consommation d’eau d’un foyer ne dépasse pas 120 m3 par an - article  du code général des collectiivtés territoriales.
Cet article explique aussi de quoi est composée la facture d’eau.

Le Pérou craint que le ciel ne lui tombe sur la tête


Le Pérou craint que le ciel ne lui tombe sur la tête

ERIC SERRES
MERCREDI, 22 MARS, 2017
HUMANITE.FR
Pluies diluviennes, torrents de boue. Depuis plusieurs semaines, le Pérou mais aussi l’Equateur  ne sont  pas épargnés par les intempéries. Nouveau phénomène « El Niño » ?  Les semaines à venir pourraient, d’après les spécialistes, apporter un élément de réponse à cette question.
Le Pérou ne connaît pas de répit. Depuis début janvier, il vit au rythme de pluies torrentielles qui, en début de semaine ont provoqué  la mort de 75 personnes  à la suite d’inondations, d’avalanches et de coulées de boue : « Le nord du Pérou, qui est particulièrement touché, n'a pas connu une situation comme celle-là depuis la fin des années 1990 » expliquait ainsi Walter Cotte, directeur régional de la Croix-Rouge internationale pour les Amériques. Mais outre cette fatale journée de lundi,  plus de 625.000 personnes seraient affectées par ces intempéries, dont 70.000 qui ont perdu leur domicile. Lima, la capitale péruvienne aux dix millions d’habitants, a été particulièrement affectée. On dénombre ainsi des milliers de sinistrés, qui en toile de fond peuvent  craindre à tout moment une rupture d'approvisionnement en eau potable, ce qui engendrerait un problème sanitaire majeur. Face à cela, le gouvernement a débloqué dès la fin de la semaine dernière une aide d'urgence de 760 millions de dollars afin de venir en aide à sa population.
Quoi qu’il en soit, le phénomène qui de prime abord ressemble à ceux qu'avait connu le pays lors du dramatique « El Niño » de 1998 - où 500 personnes avaient trouvé la mort- serait pour l’instant le seul fait d’un réchauffement excessif des eaux côtières péruviennes, passées de 25 à 29° ces derniers mois. Les spécialistes ne parlent pas pour l’instant d’un nouveau « El Niño », mais plutôt d’un « El Niño côtier », qui ne touche généralement pas le reste du globe, mais seulement le Pérou et l’Equateur. Cependant, pas de quoi se réjouir. Rodney Martinez, directeur de l'institut météorologique du Pérou estime que « tout ce qui arrive sur le Pacifique oriental affecte la pression atmosphérique dans le Pacifique et pourrait contribuer à la formation potentielle d'El Niño ». Plusieurs agences scientifiques estiment ainsi qu'un nouvel épisode « El Niño » n’est pas à exclure: « Il y a  environ 50% de chance qu’il se produise en 2017, dans la foulée de celui survenu fin 2015-début 2016. »  Elles envisagent d'ailleurs la possibilité que ces phénomènes soient de plus en plus fréquents. Enfin, selon leurs prévisions, les pluies devraient se poursuivre jusqu'à la fin du mois d'avril.

Le Pérou craint que le ciel ne lui tombe sur la tête

ERIC SERRES
MERCREDI, 22 MARS, 2017
HUMANITE.FR
Pluies diluviennes, torrents de boue. Depuis plusieurs semaines, le Pérou mais aussi l’Equateur  ne sont  pas épargnés par les intempéries. Nouveau phénomène « El Niño » ?  Les semaines à venir pourraient, d’après les spécialistes, apporter un élément de réponse à cette question.
Le Pérou ne connaît pas de répit. Depuis début janvier, il vit au rythme de pluies torrentielles qui, en début de semaine ont provoqué  la mort de 75 personnes  à la suite d’inondations, d’avalanches et de coulées de boue : « Le nord du Pérou, qui est particulièrement touché, n'a pas connu une situation comme celle-là depuis la fin des années 1990 » expliquait ainsi Walter Cotte, directeur régional de la Croix-Rouge internationale pour les Amériques. Mais outre cette fatale journée de lundi,  plus de 625.000 personnes seraient affectées par ces intempéries, dont 70.000 qui ont perdu leur domicile. Lima, la capitale péruvienne aux dix millions d’habitants, a été particulièrement affectée. On dénombre ainsi des milliers de sinistrés, qui en toile de fond peuvent  craindre à tout moment une rupture d'approvisionnement en eau potable, ce qui engendrerait un problème sanitaire majeur. Face à cela, le gouvernement a débloqué dès la fin de la semaine dernière une aide d'urgence de 760 millions de dollars afin de venir en aide à sa population.
Quoi qu’il en soit, le phénomène qui de prime abord ressemble à ceux qu'avait connu le pays lors du dramatique « El Niño » de 1998 - où 500 personnes avaient trouvé la mort- serait pour l’instant le seul fait d’un réchauffement excessif des eaux côtières péruviennes, passées de 25 à 29° ces derniers mois. Les spécialistes ne parlent pas pour l’instant d’un nouveau « El Niño », mais plutôt d’un « El Niño côtier », qui ne touche généralement pas le reste du globe, mais seulement le Pérou et l’Equateur. Cependant, pas de quoi se réjouir. Rodney Martinez, directeur de l'institut météorologique du Pérou estime que « tout ce qui arrive sur le Pacifique oriental affecte la pression atmosphérique dans le Pacifique et pourrait contribuer à la formation potentielle d'El Niño ». Plusieurs agences scientifiques estiment ainsi qu'un nouvel épisode « El Niño » n’est pas à exclure: « Il y a  environ 50% de chance qu’il se produise en 2017, dans la foulée de celui survenu fin 2015-début 2016. »  Elles envisagent d'ailleurs la possibilité que ces phénomènes soient de plus en plus fréquents. Enfin, selon leurs prévisions, les pluies devraient se poursuivre jusqu'à la fin du mois d'avril.

lundi 20 mars 2017


Exploitation aurifère. Montagne d’or, la perspective qui mine la Guyane

MARIE-NOËLLE BERTRAND
MERCREDI, 15 MARS, 2017
L'HUMANITÉ
La forêt Guyanaise abrite 80/% de la biodiversité française, dont 1 700 espèces d’arbres et 710 espèces d’oiseaux. Maiouri Nature PhB
La forêt Guyanaise abrite 80/% de la biodiversité française, dont 1 700 espèces d’arbres et 710 espèces d’oiseaux. Maiouri Nature PhB
Un projet de méga-mine d’or soulève l’inquiétude outre-Atlantique, où l’on redoute accidents industriels et intensification de l’extractivisme. Plus de vingt organisations demandent à ce qu’il soit abandonné.
Sera-ce la goutte d’or qui fera déborder la Guyane ? Le projet minier Montagne d’or fait en tous les cas fermement causer de lui outre-Atlantique, où la mobilisation se construit pour empêcher sa réalisation. Pas loin de 25 organisations locales et nationales sont vent debout, rassemblées autour d’un collectif, Or de question, créé le 14 juillet 2016. Une date pleine de sens pour initier ce qui ressemble bien à une fronde, soutenue par la Ligue des droits de l’homme de Cayenne, la fondation France Libertés ou encore ISF SystExt, soit la section d’Ingénieurs sans frontières spécialisée dans les projets extractivistes.
Les échos du courroux devraient résonner encore plus largement à compter de cette semaine. Une réunion publique est prévue aujourd’hui à Cayenne – ironiquement, c’est l’Eldorado, un cinéma, qui accueillera la rencontre initiée par les associations. On attend les conclusions de l’évaluation environnementale et sociale de l’exploitant d’ici la fin du mois. Poussé par les alertes de la société civile, le gouvernement français promet quant à lui « d’initier prochainement un débat public », pour permettre « de poser et de traiter localement les questions ».

Ses dimensions sont titanesques

De fait, elles sont nombreuses. Car Montagne d’or déroge aux standards des exploitations alluvionnaires qui perlent déjà la région. Elle se présente même pour devenir la plus importante mine aurifère à ciel ouvert jamais développée sur le territoire français. Prévue à la frontière de deux réserves biologiques intégrales – celle de Lucifer et celle de Dékou-Dékou –, ses dimensions sont, dit-on, titanesques et pourraient faire prendre un nouveau virage à l’industrie guyanaise.
Longue de 2,5 kilomètres, Montagne d’or sera large de 500 à 800 mètres et devrait s’enfoncer jusqu’à 400 mètres de profondeur (la tour Eiffel, pour rappel, en fait 300 de haut). La surface de déforestation induite, toutes installations confondues, tournerait autour de 10 km². « Ce n’est pas là le problème », arrête d’emblée Harry Hodebourg, président de l’association Maïouri Nature Guyanne et porte-parole du collectif Or de question. « À l’échelle de la forêt amazonienne guyanaise, ce périmètre n’est rien. » Le problème, c’est le reste et tout le reste. La liste des griefs recensés par les organisations est longue comme un jour sans pain, interrogeant jusqu’à la vocation française d’intensifier la chasse à l’or.
Le gouvernement l’a affichée officiellement en août 2015. C’est Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, qui adoubera alors le projet, nourri par un consortium transnational formé d’une compagnie canadienne, la Colombus Gold (CoGo), et d’une major russe, la Nordgold, déjà exploitante de 9 mines à travers le monde.
Les perspectives avancées par les pouvoirs publics et le groupe industriel sont reluisantes. « La Montagne d’or, c’est un potentiel en phase d’exploitation de plus de 700 emplois, dont environ 90 % d’emplois locaux », expliquent les services du secrétariat d’État à l’Industrie, qui ont répondu à nos questions par mail. « Il est considéré que l’impact de ces emplois directs représente le triple en emplois indirects. » Des projets de formations sont en cours, dont « une licence universitaire dédiée », précise-t-on encore. Enfin, on envisage « un retour fiscal potentiel », mais dont les collectivités locales seraient premières bénéficiaires.
Des éléments auxquels les associations du collectif Or de question n’accordent au final que peu de crédit. « On cherche à rendre la mariée plus belle qu’elle ne l’est », reprend Harry Hodebourg, « c’est la seule raison qui fait que la Guyane ne s’est pas encore soulevée ». Le ratio d’emplois indirects créés aurait, selon lui, été calculé au regard de l’expérience de Nordgold au Burkina Faso, où le groupe exploite deux mines. « Or, le coût du travail n’est pas du tout le même en France », fait encore remarquer Harry Hodebourg. Quant aux retombées fiscales, la loi indique que les taxes imposées aux grandes compagnies extractivistes ne peuvent être supérieures à 2 % du cours moyen annuel de l’or. « Sur la base de 100 tonnes d’or extraites au cours des treize années d’exploitation prévues et d’un or à 35 000 euros le kilo en moyenne, le revenu maximal que pourra en tirer la Guyane sera de 70 millions d’euros », décortique le président de Maïouri Nature. Les coûts environnementaux et sociaux pourraient, en retour, s’avérer très élevés.
L’alimentation de la mine en énergie nécessiterait au quotidien 20 mégawatts par jour, font valoir les associations, soit l’équivalent de la consommation de Cayenne, dans une région déjà régulièrement victime de black-out. Cela nécessitera de tirer des lignes à haute tension sur 120 kilomètres, dont le coût – 60 millions d’euros – sera supporté par la collectivité, poursuivent-elles. Pour répondre à cette demande énergétique, le projet envisage la réalisation d’une centrale biomasse à Saint-Laurent-du-Maroni. Afin de l’alimenter, « des demandes de rétrocession de 200 000 hectares de forêts primaires ont déjà été effectuées, incluant des terres coutumières de communautés amérindiennes et bushinenguées », dénonce encore le collectif Or de question.

« Les boues peuvent être extrêmement nocives »

Les risques industriels, surtout, s’avèrent non négligeables. Le processus industriel développé par Nordgold implique l’utilisation de solutions cyanurées, explique Thibaud Saint-Aubin, président d’ISF SystExt. « Les boues ainsi traitées sont stockées sur place et forment des montagnes de déchets qui peuvent être extrêmement nocives », poursuit-il. On parle là de quantités gigantesques, quand la teneur du site en or est estimée à 1,8 gramme d’or par tonne de roche et de terre. Leur stockage en digue inquiète singulièrement les ingénieurs, dans un contexte équatorial à la pluviométrie parfois extrême. « L’accumulation d’eau augmente le risque de rupture de ce type de barrage », reprend Thibaut Saint-Aubin. Le risque est loin d’être isolé, insiste ISF SystExt, laquelle recense au moins 25 ruptures de digue depuis 2000 dans le monde. Avec, comme exemple le plus récent, celui de Samarco, au Brésil, où une rupture de ce type survenue en novembre 2015 avait tué 19 personnes et engendré près de 40 milliards d’euros de dégâts.
Mais plus encore que les nuisances immédiates que pourrait avoir la méga-mine si elle était lancée, les associations redoutent les portes que la réalisation d’un projet d’une telle dimension pourrait ouvrir. « Cela marquerait le passage à une nouvelle échelle d’exploitation de l’or en Guyane », souligne encore Thibaut Saint-Aubin. « Nous en avons déjà fait l’expérience au Mali, où d’une méga-mine d’or lancée à Sadiola, on est rapidement passé à deux, puis à quatre. » Les mêmes perspectives ne sont pas exclues en Guyane, où 19 nouveaux permis d’exploration ont été accordés et où 6 demandes sont en cours. À quelle fin, interrogent les associations. L’intensification de l’extractivisme aurifère est une aberration, estiment-elles, quand en 2016, 30 000 tonnes de minerai doré dormaient dans les banques centrales internationales, soit 20 % de tout l’or du monde qui n’était utilisé ni pour l’industrie, ni pour la joaillerie.

Exploitation aurifère. Montagne d’or, la perspective qui mine la Guyane

MARIE-NOËLLE BERTRAND
MERCREDI, 15 MARS, 2017
L'HUMANITÉ
La forêt Guyanaise abrite 80/% de la biodiversité française, dont 1 700 espèces d’arbres et 710 espèces d’oiseaux. Maiouri Nature PhB
La forêt Guyanaise abrite 80/% de la biodiversité française, dont 1 700 espèces d’arbres et 710 espèces d’oiseaux. Maiouri Nature PhB
Un projet de méga-mine d’or soulève l’inquiétude outre-Atlantique, où l’on redoute accidents industriels et intensification de l’extractivisme. Plus de vingt organisations demandent à ce qu’il soit abandonné.
Sera-ce la goutte d’or qui fera déborder la Guyane ? Le projet minier Montagne d’or fait en tous les cas fermement causer de lui outre-Atlantique, où la mobilisation se construit pour empêcher sa réalisation. Pas loin de 25 organisations locales et nationales sont vent debout, rassemblées autour d’un collectif, Or de question, créé le 14 juillet 2016. Une date pleine de sens pour initier ce qui ressemble bien à une fronde, soutenue par la Ligue des droits de l’homme de Cayenne, la fondation France Libertés ou encore ISF SystExt, soit la section d’Ingénieurs sans frontières spécialisée dans les projets extractivistes.
Les échos du courroux devraient résonner encore plus largement à compter de cette semaine. Une réunion publique est prévue aujourd’hui à Cayenne – ironiquement, c’est l’Eldorado, un cinéma, qui accueillera la rencontre initiée par les associations. On attend les conclusions de l’évaluation environnementale et sociale de l’exploitant d’ici la fin du mois. Poussé par les alertes de la société civile, le gouvernement français promet quant à lui « d’initier prochainement un débat public », pour permettre « de poser et de traiter localement les questions ».

Ses dimensions sont titanesques

De fait, elles sont nombreuses. Car Montagne d’or déroge aux standards des exploitations alluvionnaires qui perlent déjà la région. Elle se présente même pour devenir la plus importante mine aurifère à ciel ouvert jamais développée sur le territoire français. Prévue à la frontière de deux réserves biologiques intégrales – celle de Lucifer et celle de Dékou-Dékou –, ses dimensions sont, dit-on, titanesques et pourraient faire prendre un nouveau virage à l’industrie guyanaise.
Longue de 2,5 kilomètres, Montagne d’or sera large de 500 à 800 mètres et devrait s’enfoncer jusqu’à 400 mètres de profondeur (la tour Eiffel, pour rappel, en fait 300 de haut). La surface de déforestation induite, toutes installations confondues, tournerait autour de 10 km². « Ce n’est pas là le problème », arrête d’emblée Harry Hodebourg, président de l’association Maïouri Nature Guyanne et porte-parole du collectif Or de question. « À l’échelle de la forêt amazonienne guyanaise, ce périmètre n’est rien. » Le problème, c’est le reste et tout le reste. La liste des griefs recensés par les organisations est longue comme un jour sans pain, interrogeant jusqu’à la vocation française d’intensifier la chasse à l’or.
Le gouvernement l’a affichée officiellement en août 2015. C’est Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, qui adoubera alors le projet, nourri par un consortium transnational formé d’une compagnie canadienne, la Colombus Gold (CoGo), et d’une major russe, la Nordgold, déjà exploitante de 9 mines à travers le monde.
Les perspectives avancées par les pouvoirs publics et le groupe industriel sont reluisantes. « La Montagne d’or, c’est un potentiel en phase d’exploitation de plus de 700 emplois, dont environ 90 % d’emplois locaux », expliquent les services du secrétariat d’État à l’Industrie, qui ont répondu à nos questions par mail. « Il est considéré que l’impact de ces emplois directs représente le triple en emplois indirects. » Des projets de formations sont en cours, dont « une licence universitaire dédiée », précise-t-on encore. Enfin, on envisage « un retour fiscal potentiel », mais dont les collectivités locales seraient premières bénéficiaires.
Des éléments auxquels les associations du collectif Or de question n’accordent au final que peu de crédit. « On cherche à rendre la mariée plus belle qu’elle ne l’est », reprend Harry Hodebourg, « c’est la seule raison qui fait que la Guyane ne s’est pas encore soulevée ». Le ratio d’emplois indirects créés aurait, selon lui, été calculé au regard de l’expérience de Nordgold au Burkina Faso, où le groupe exploite deux mines. « Or, le coût du travail n’est pas du tout le même en France », fait encore remarquer Harry Hodebourg. Quant aux retombées fiscales, la loi indique que les taxes imposées aux grandes compagnies extractivistes ne peuvent être supérieures à 2 % du cours moyen annuel de l’or. « Sur la base de 100 tonnes d’or extraites au cours des treize années d’exploitation prévues et d’un or à 35 000 euros le kilo en moyenne, le revenu maximal que pourra en tirer la Guyane sera de 70 millions d’euros », décortique le président de Maïouri Nature. Les coûts environnementaux et sociaux pourraient, en retour, s’avérer très élevés.
L’alimentation de la mine en énergie nécessiterait au quotidien 20 mégawatts par jour, font valoir les associations, soit l’équivalent de la consommation de Cayenne, dans une région déjà régulièrement victime de black-out. Cela nécessitera de tirer des lignes à haute tension sur 120 kilomètres, dont le coût – 60 millions d’euros – sera supporté par la collectivité, poursuivent-elles. Pour répondre à cette demande énergétique, le projet envisage la réalisation d’une centrale biomasse à Saint-Laurent-du-Maroni. Afin de l’alimenter, « des demandes de rétrocession de 200 000 hectares de forêts primaires ont déjà été effectuées, incluant des terres coutumières de communautés amérindiennes et bushinenguées », dénonce encore le collectif Or de question.

« Les boues peuvent être extrêmement nocives »

Les risques industriels, surtout, s’avèrent non négligeables. Le processus industriel développé par Nordgold implique l’utilisation de solutions cyanurées, explique Thibaud Saint-Aubin, président d’ISF SystExt. « Les boues ainsi traitées sont stockées sur place et forment des montagnes de déchets qui peuvent être extrêmement nocives », poursuit-il. On parle là de quantités gigantesques, quand la teneur du site en or est estimée à 1,8 gramme d’or par tonne de roche et de terre. Leur stockage en digue inquiète singulièrement les ingénieurs, dans un contexte équatorial à la pluviométrie parfois extrême. « L’accumulation d’eau augmente le risque de rupture de ce type de barrage », reprend Thibaut Saint-Aubin. Le risque est loin d’être isolé, insiste ISF SystExt, laquelle recense au moins 25 ruptures de digue depuis 2000 dans le monde. Avec, comme exemple le plus récent, celui de Samarco, au Brésil, où une rupture de ce type survenue en novembre 2015 avait tué 19 personnes et engendré près de 40 milliards d’euros de dégâts.
Mais plus encore que les nuisances immédiates que pourrait avoir la méga-mine si elle était lancée, les associations redoutent les portes que la réalisation d’un projet d’une telle dimension pourrait ouvrir. « Cela marquerait le passage à une nouvelle échelle d’exploitation de l’or en Guyane », souligne encore Thibaut Saint-Aubin. « Nous en avons déjà fait l’expérience au Mali, où d’une méga-mine d’or lancée à Sadiola, on est rapidement passé à deux, puis à quatre. » Les mêmes perspectives ne sont pas exclues en Guyane, où 19 nouveaux permis d’exploration ont été accordés et où 6 demandes sont en cours. À quelle fin, interrogent les associations. L’intensification de l’extractivisme aurifère est une aberration, estiment-elles, quand en 2016, 30 000 tonnes de minerai doré dormaient dans les banques centrales internationales, soit 20 % de tout l’or du monde qui n’était utilisé ni pour l’industrie, ni pour la joaillerie.

Le suppressions d'emplois chez Dassault Aviation, « ça ne passe pas », prévient la CGT


Le suppressions d'emplois chez Dassault Aviation, « ça ne passe pas », prévient la CGT

LOAN NGUYEN
DIMANCHE, 19 MARS, 2017
HUMANITE.FR
cgt
Dans le groupe détenu à 62% par la troisième fortune de France, l'annonce des délocalisations d'activité qui menacent des centaines d'emplois à Argenteuil et à Saint-Cloud révolte les salariés.
Ils sont bien décidés à ne pas regarder leur usine mourir. Jeudi dernier, environ deux cents salariés de Dassault Aviation Argenteuil (Val d'Oise) se sont rassemblés devant les grilles du site d'assemblage de fuselage d'avions d'affaires et militaires, à l'appel de la CGT, pour faire entendre haut et fort leur détermination à combattre les délocalisations d'activités et les suppressions d'emplois qui se profilent. « En octobre 2016, le PDG de Dassault Aviation a annoncé un plan de transformation visant à spécialiser les neuf sites français du groupe. Ce qui reviendrait à délocaliser un tiers des activités de l'usine d'Argenteuil vers celles de Biarritz et Seclin, et toucherait environ 300 postes », explique Anthony De Castro, secrétaire du syndicat CGT sur le site, qui compte environ 900 salariés. Le siège de Saint-Cloud pourrait également voir 1000 postes transférés à Mérignac. Au-delà de ces transferts d'activité et des suppressions d'emplois, le syndicat craint que cette opération ne soit qu'un prélude à une possible fermeture du site d'Argenteuil. D'autant que les 12 hectares occupés par l'usine située dans le Val d'Oise représentent une aubaine pour les spéculateurs immobiliers, alors que le terrain se situe à quelques encablures de la Seine et du tramway T2. Le projet de délocalisation de la direction libèrerait déjà 4 hectares dans l'immédiat à Argenteuil.

« Plus de 20 millions d'euros » d'argent public

Si la direction affiche une volonté de muter les salariés d'Argenteuil concernés vers Biarritz et Seclin, « nombre d'entre eux ne sont pas prêts à bouger et risquent d'être licenciés », ajoute le syndicaliste. « Dassault touche de l'argent public, il doit rendre des comptes », souligne au micro Jean-Michel Ruiz, secrétaire départemental du PCF dans le Val-d'Oise, qui fait état de la mobilisation des élus communistes auprès des ministères comme de l'exécutif régional pour obtenir une intervention des pouvoirs publics dans cette affaire. Plus précisément, le PCF estime dans un communiqué que « Dassault a touché plus de 20 millions d’euros au titre du CICE [Crédit impôt compétitivité emplois, Nldr] et du CIR [Crédit impôt recherche, Ndlr] ». Sans compter la dépendance du groupe aux contrats passés par l'Etat français avec des pays étrangers pour les ventes de Rafale.
 
En pleine campagne électorale, les salariés de Dassault entendent faire irruption dans le débat politique. « Dans cette campagne on parle de tout sauf des salariés et de leurs familles ou de la place de l'industrie dans l'économie », fustige Pascal Lenogue, délégué du personnel CGT sur le site d'Argenteuil et secrétaire général de l'Union syndicale des travailleurs de la métallurgie CGT du Val d'Oise.

Un plan B industriel

Pour mobiliser les salariés, la CGT compte mettre en place des groupes de discussions autour de ses propositions alternatives. En plus de la réduction du temps de travail à 32 heures, de consacrer 10% du temps de travail des salariés à la formation professionnelle et de la mise en place d'une échelle de salaires allant de 1 à 20 (contre un écart actuel « de 1 à 82 », avance la CGT), le syndicat porte un projet industriel tournant autour de la construction d'une nouvelle usine à Argenteuil. « Une grande partie de notre établissement est à l'abandon depuis 10 ans », déplore le syndicat dans un tract. Concernant la production, la CGT propose de créer un pôle de valorisation des avions en fin de vie, de développer un nouvel avion d'entraînement, ainsi qu'un avion civil léger 100% électrique, mais aussi de diversifier la fabrication pour l'étendre au spatial, aux éoliennes, aux navettes ou aux dirigeables.
 

Asli Erdogan : « Je voudrais que cesse enfin ce cauchemar »


Asli Erdogan : « Je voudrais que cesse enfin ce cauchemar »

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR STÉPHANE AUBOUARD
JEUDI, 16 MARS, 2017
L'HUMANITÉ
Asli Erdogan : « Aujourd’hui, écrire est considéré comme un acte de terrorisme, ce qui est une première dans ce pays. » Ozan Kose/AFP
Asli Erdogan : « Aujourd’hui, écrire est considéré comme un acte de terrorisme, ce qui est une première dans ce pays. » Ozan Kose/AFP
Le procès d’Asli Erdogan a repris ce mardi et a été ajourné au 22 juin. La célèbre écrivaine turque, très marquée par la prison et son procès en cours, nous livre ses impressions.
Mardi 14 mars, à 9 h 30, Asli Erdogan avait de nouveaux rendez-vous devant les juges. Avec ses confrères et consœurs d’Özgür Gundem – quotidien fermé à la suite des purges post-coup d’État manqué du 15 juillet 2016 – l’écrivaine de 49 ans, toujours poursuivie pour propagande terroriste, risque la prison à vie. Malgré l’épuisement et l’angoisse, l’auteure du Bâtiment de pierre et du Silence même n’est plus à toi (Actes Sud) nous a accordé un entretien par téléphone au retour du tribunal. Son témoignage, sincère et sans fard, nous rappelle à quel point la Turquie d’aujourd’hui est sortie des clous de la démocratie et des droits de l’homme.
Où en est votre situation judiciaire ?
Asli Erdogan Ce matin (mardi matin), j’ai demandé au tribunal la levée temporaire de mon interdiction de voyager à l’étranger. Au départ, le procureur n’était pas contre cette requête mais le juge n’a pas voulu le suivre. En fin d’année dernière lorsque j’étais en prison, j’avais reçu quelques invitations, à Vienne notamment pour le prix des droits de l’homme Bruno-Kreisky, mais aussi à Stuttgart et à Bâle. Le 9 mai prochain, je suis aussi attendue à Amsterdam pour recevoir le Princess Margriet award for culture par la Fondation culturelle européenne, mais l’actuelle crise entre la Turquie et les Pays-Bas a brisé tout espoir. Toutes mes requêtes ont été rejetées aujourd’hui. Nous en sommes au même point, pour moi comme pour Inan Kizilkaya, le rédacteur en chef d’Özgür Gündem, ce journal fermé par les autorités et dans lequel j’ai écrit. Aujourd’hui, écrire est considéré comme un acte de terrorisme, ce qui est une première dans ce pays. Le procès a été ajourné au 22 juin. Je reste donc prisonnière du pouvoir turc, même si ce soir je vous parle depuis chez moi.
Comment votre procès est-il perçu en Turquie ?
Asli Erdogan Pendant cette campagne référendaire, mon procès est largement instrumentalisé. Il alimente la peur qui se diffuse dans le pays et sert évidemment à infléchir le vote des citoyens. Je suis présentée comme une terroriste alors que je ne suis qu’une écrivaine. Je pratique la littérature. Je ne suis impliquée dans aucun parti politique. Je suis une personne très banale et donc une cible très facile dans ce jeu politique. Tout ce qui se passe en Turquie devrait alarmer la communauté internationale. Plus de 40 000 personnes ont été arrêtées, 140 000 ont perdu leur emploi. Il y a des gens qui se suicident, notamment en prison. Mais je crains que la majorité des Turcs ne se sentent pas assez concernés. Vous ne pouvez exiger d’un peuple qu’il demande plus de démocratie. C’est le problème. Et puis, il y a l’oubli qui nous guette. J’avais reçu beaucoup de gestes et de mots de solidarité lorsque j’étais en prison. De nombreuses personnes ont manifesté leur joie en apprenant ma libération, mais aujourd’hui qui se rappelle que 150 journalistes sont en prison, dont des gens très connus et respectés comme Ahmet Sik (voir tribune page 12) ? Cette amnésie s’explique par la machine répressive en marche. J’ai appris quelque chose de très triste ; une personne qui m’avait soutenue par un tweet lorsque j’étais en prison a été renvoyée de son travail à cause de cela. C’est une honte d’en arriver là. Aussi, je pense que le monde doit s’inquiéter de la montée du totalitarisme dans notre pays, car c’est un danger pour les Turcs mais aussi pour l’Europe.
Comment se passe votre quotidien ?
Asli Erdogan (La voix cassée.) Je voudrais enfin que cesse ce cauchemar. Je voudrais vivre en paix. Personne ne sait comment cela peut se terminer. Je peux être condamnée et acquittée après deux ans, ou l’inverse. Depuis le 17 janvier, je n’ai pas de carte d’identité qui me permette de prendre un train ou un avion pour un vol intérieur. Bien sûr, cela reste supportable en comparaison des 132 jours passés en cellule en fin d’année dernière. Comment vous dire… Toute ma vie a été bouleversée depuis que j’ai été mise en prison. Je n’ai rien fait de répréhensible, excepté avoir écrit dans un journal. Je paie le prix de quelque chose qui me dépasse. Le sentiment d’injustice grandit de jour en jour. Peut être aurais-je dû ressentir plus de colère depuis le début de cette affaire, mais j’ai été si blessée. Parfois je n’en peux plus. Je me dis « Mais que veulent-ils de moi ? Veulent-ils me tuer ? Veulent-ils m’enfermer pour le restant de mes jours ? » Qu’ils le disent une bonne fois pour toutes ! C’est une véritable torture psychologique. Cette machine nous lamine. Depuis mon arrestation et le début de mon procès, je n’ai pas retrouvé l’énergie d’écrire. Je ne me suis pas assez apaisée pour aligner deux phrases à la suite. Je suis encore dans un état post-traumatique lié à la prison, aux comparutions devant le tribunal. Dans l’absolu je voudrais commencer un nouveau roman, mais l’idée de retourner en prison m’oppresse. Il faut reprendre confiance en soi. Pour l’instant, je ne pense qu’à réparer mon corps, qui a beaucoup souffert lors de mon incarcération, m’occuper de mes affaires, de mon appartement à Istanbul, occuper mon esprit, rester digne.