Le jeu dangereux de Lactalis contre les producteurs de lait
Gérard Le Puill
Dimanche, 21 Août, 2016
En deux ans, le premier groupe industriel laitier français a fait baisser de prix du lait qu’il paie aux producteurs de 10 centimes par litre. Des manifestations de producteurs sont prévues dès lundi auprès des laiteries du groupe pour obtenir une hausse alors que la firme envisage une nouvelle baisse de la rémunération des éleveurs laitiers.
Des manifestations de producteurs de lait sont prévues à partir de lundi devant le siège de Lactalis à Laval en Mayenne. Lactalis est le plus grand groupe privé de l’industrie du lait. C’est même le second industriel laitier au niveau mondial derrière Nestlé avec 16 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. Propriété de la famille Besnier , il collecte le lait de 20% des producteurs en France et est connu des consommateurs via les marques Président pour certains fromages et autres plaquettes de beurre , pour le Roquefort Société , pour les briques de lait et autres produits frais vendus sous la marque Lactel dans nos grandes surfaces. En juillet 2014 Lactalis versait à ses fournisseurs un prix moyen de 363€ pour 1.000 litres de lait collectés à la ferme. En juillet 2016, Lactalis ne verse plus que 257€ pour la même quantité de lait, soit une baisse d’environ 30% sur chaque litre de lait. C’est 15€ de moins que les autres grands groupes coopératifs ou privés et même 40 à 45€ de moins que certaines PME qui ont une bonne valorisation du lait. Au prix que paie Lactalis, rares sont les producteurs de lait à ne pas perdre de l’argent chaque jour. On estime en effet que le prix de revient moyen du litre de lait est de 34 centimes, en France comme en Allemagne. Or Lactalis va, selon certaines sources, encore baisser le prix du lait à 250€ les 1.000 litres. D’où la colère des producteurs notamment dans les régions Bretagne et Pays de la Loire.
Ruineuse pour les producteurs, cette baisse du prix du lait est la conséquence directe d’une politique de dérégulation. Durant la présidence de Nicolas Sarkozy en France, avec Bruno Le Maire au ministère de l’Agriculture, les pays membres de l’Union européenne, ont accepté, sur proposition de la Commission, de mettre fin aux quotas laitiers à partir d’avril 2015. En place depuis 1984, les quotas laitiers autorisaient un volume annuel de lait à ne pas dépasser dans chaque pays membre de l’Union. Cette régulation permettait de faire de sorte que l’offre laitière européenne dépassait rarement la demande globale de produits transformés, la concurrence entre pays et entreprises étant néanmoins ouverte au sein de l’Union. Il en résultait un prix du lait plutôt stable et convenablement rémunérateur pour les paysans dans toute l’Union.
Avant même la sortie des quotas, les laiteries de pays comme l’Allemagne, l’Irlande, la Pologne, les Pays Bas et quelques autres ont poussé leurs livreurs à augmenter la production afin de prendre des parts de marché au sein de l’Union comme dans des pays tiers tels que la Chine et la Russie. Mais la Chine a réduit ses achats et la Russie a répliqué aux sanctions économiques européennes à propos de l’Ukraine en mettant l’embargo sur les exportations de produits agricoles européens dont le beurre et les fromages. Entre 2014 et 2016, la production laitière européenne a augmenté d’environ 4%. Comme pour l’extraction du pétrole, cette offre légèrement supérieure à la demande s’est traduite par une baisse du prix du lait de 20 à 30% selon les laiteries dans la plupart des pays de l’Union européenne. Autant dire que l’immense majorité des producteurs européens est aujourd’hui en difficulté. Car le prix du lait est fixé de façon unilatérale par les transformateurs, les producteurs ayant le choix entre vendre à ce prix où ne pas trouver preneur pour le produit de la traite des vaches deux fois par jour.
Il faut avoir ces éléments en tête pour analyser le communiqué de Lactalis du 18 août qui dénonce le « discours irresponsable » de la FNSEA et de sa Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) affirmant qu’ « il n’y a qu’en France que le syndicalisme agricole refuse la réalité du marché et s’en prend à une entreprise en particulier, avec un discours irresponsable que le groupe Lactalis a dénoncé et condamne fermement ». Dans son communiqué, le premier groupe laitier français concède que cette crise est « avant tout une crise de surproduction » et ajoute qu’elle paie le lait un prix « supérieur à ceux de tous les grands concurrents européens » avant de fustiger « les déclarations irresponsables de la FNSEA et de la FNPL».
Il est vrai que le président de la FNSEA s’est adressé à Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis dans un courrier en date du 4 août dernier. Dans cette lettre au contenu très modéré, Xavier Beulin écrit que « la FNSEA et la FNPL, sa branche laitière, en tant qu’organisations responsables, ont toujours porté la voix des producteurs laitiers en étant force de proposition (…) C’est ainsi que la FNPL a porté sa charte laitière des valeurs. Tous les distributeurs ont montré leur bonne volonté en la signant et en respectant leur engagement. Mais votre groupe a soigneusement évité d’apparaître comme signataire de cette charte. Peut-être parce que cette initiative émanait du syndicalisme », poursuit le président de la FNSEA en souhaitant être reçu avec le président de la FNPL par le patron de Lactalis. Car poursuivait Xavier Beulin « nous devons désormais évoquer les sujets de fond : évidemment, en premier lieu, le niveau de rémunération du prix du lait, mais aussi l’avenir de la filière. Les industriels aussi ont besoin de stabilité et de visibilité. Pas uniquement d’un approvisionnement au plus bas prix possible qui ne saura être durable pour personne »
Tels étaient le propos du président de la FNSEA que le PDG de Lactalis a pris pour un « discours irresponsable » choisissant de répondre à cet appel au dialogue par un communiqué au lieu de recevoir le premier responsable du syndicat majoritaire avec Thierry Roquefeuil , le président de la FNPL.. Dès lors, il ne reste plus que l’appel à la mobilisation contre Lactalis à partir de lundi matin pour tenter de sortir de l’impasse.
Ruineuse pour les producteurs, cette baisse du prix du lait est la conséquence directe d’une politique de dérégulation. Durant la présidence de Nicolas Sarkozy en France, avec Bruno Le Maire au ministère de l’Agriculture, les pays membres de l’Union européenne, ont accepté, sur proposition de la Commission, de mettre fin aux quotas laitiers à partir d’avril 2015. En place depuis 1984, les quotas laitiers autorisaient un volume annuel de lait à ne pas dépasser dans chaque pays membre de l’Union. Cette régulation permettait de faire de sorte que l’offre laitière européenne dépassait rarement la demande globale de produits transformés, la concurrence entre pays et entreprises étant néanmoins ouverte au sein de l’Union. Il en résultait un prix du lait plutôt stable et convenablement rémunérateur pour les paysans dans toute l’Union.
Avant même la sortie des quotas, les laiteries de pays comme l’Allemagne, l’Irlande, la Pologne, les Pays Bas et quelques autres ont poussé leurs livreurs à augmenter la production afin de prendre des parts de marché au sein de l’Union comme dans des pays tiers tels que la Chine et la Russie. Mais la Chine a réduit ses achats et la Russie a répliqué aux sanctions économiques européennes à propos de l’Ukraine en mettant l’embargo sur les exportations de produits agricoles européens dont le beurre et les fromages. Entre 2014 et 2016, la production laitière européenne a augmenté d’environ 4%. Comme pour l’extraction du pétrole, cette offre légèrement supérieure à la demande s’est traduite par une baisse du prix du lait de 20 à 30% selon les laiteries dans la plupart des pays de l’Union européenne. Autant dire que l’immense majorité des producteurs européens est aujourd’hui en difficulté. Car le prix du lait est fixé de façon unilatérale par les transformateurs, les producteurs ayant le choix entre vendre à ce prix où ne pas trouver preneur pour le produit de la traite des vaches deux fois par jour.
Il faut avoir ces éléments en tête pour analyser le communiqué de Lactalis du 18 août qui dénonce le « discours irresponsable » de la FNSEA et de sa Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) affirmant qu’ « il n’y a qu’en France que le syndicalisme agricole refuse la réalité du marché et s’en prend à une entreprise en particulier, avec un discours irresponsable que le groupe Lactalis a dénoncé et condamne fermement ». Dans son communiqué, le premier groupe laitier français concède que cette crise est « avant tout une crise de surproduction » et ajoute qu’elle paie le lait un prix « supérieur à ceux de tous les grands concurrents européens » avant de fustiger « les déclarations irresponsables de la FNSEA et de la FNPL».
Il est vrai que le président de la FNSEA s’est adressé à Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis dans un courrier en date du 4 août dernier. Dans cette lettre au contenu très modéré, Xavier Beulin écrit que « la FNSEA et la FNPL, sa branche laitière, en tant qu’organisations responsables, ont toujours porté la voix des producteurs laitiers en étant force de proposition (…) C’est ainsi que la FNPL a porté sa charte laitière des valeurs. Tous les distributeurs ont montré leur bonne volonté en la signant et en respectant leur engagement. Mais votre groupe a soigneusement évité d’apparaître comme signataire de cette charte. Peut-être parce que cette initiative émanait du syndicalisme », poursuit le président de la FNSEA en souhaitant être reçu avec le président de la FNPL par le patron de Lactalis. Car poursuivait Xavier Beulin « nous devons désormais évoquer les sujets de fond : évidemment, en premier lieu, le niveau de rémunération du prix du lait, mais aussi l’avenir de la filière. Les industriels aussi ont besoin de stabilité et de visibilité. Pas uniquement d’un approvisionnement au plus bas prix possible qui ne saura être durable pour personne »
Tels étaient le propos du président de la FNSEA que le PDG de Lactalis a pris pour un « discours irresponsable » choisissant de répondre à cet appel au dialogue par un communiqué au lieu de recevoir le premier responsable du syndicat majoritaire avec Thierry Roquefeuil , le président de la FNPL.. Dès lors, il ne reste plus que l’appel à la mobilisation contre Lactalis à partir de lundi matin pour tenter de sortir de l’impasse.
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