mercredi 24 mai 2017

Royaume-Uni. « Le bruit de l’explosion et les cris résonnent encore dans ma tête »


Royaume-Uni. « Le bruit de l’explosion et les cris résonnent encore dans ma tête »

ROSA MOUSSAOUI
MERCREDI, 24 MAI, 2017
L'HUMANITÉ
Une attaque signée Daech, si l’on en croit le communiqué de revendication des djihadistes de l’« état islamiste ». J. Goodman/LNP/Zuma-Rea
Une attaque signée Daech, si l’on en croit le communiqué de revendication des djihadistes de l’« état islamiste ». J. Goodman/LNP/Zuma-Rea
L’attentat qui a fait au moins 22 morts et 59 blessés lundi soir, dans la salle de concerts Manchester Arena, est revendiqué par l’« État islamique ». Parmi les victimes, de nombreux enfants et adolescents. L’Angleterre est sous le choc.
Un flash lumineux, le souffle d’une explosion, et tant de jeunes vies soudain fauchées… Manchester pleurait ses morts et pansait les blessures des rescapés, hier, après le terrible attentat survenu lundi soir, à la fin du concert de la pop star américaine Ariana Grande. Toute la nuit, les réseaux sociaux ont relayé les vidéos des scènes de panique à l’intérieur et aux abords de la Manchester Arena, vaste salle de concerts d’une capacité de 21 000 places. Des images d’autant plus déchirantes que des enfants et des adolescents composaient l’essentiel du public. Les avis de recherche, mais aussi les gestes de solidarité, comme ceux des chauffeurs de taxi offrant de raccompagner les survivants chez eux ou ceux des Mancunois proposant un refuge, un repas ou tout simplement du réconfort, avaient de quoi réveiller les douloureux souvenirs des attentats de Paris, le 13 novembre 2015.
Les témoins décrivent les mêmes scènes de chaos. « Ce que j’ai vu était horrible et restera en moi pour toujours. Le bruit de l’explosion et les cris résonnent encore dans ma tête », raconte Alicia Hattersley dans les colonnes du Manchester Evening News. « Le concert était terminé. Ariana avait quitté la scène une minute auparavant. Nous nous sommes levés, prêts à partir, et il y a eu une énorme détonation, la plus forte que j’aie jamais entendue de ma vie. Mes oreilles en bourdonnent encore, poursuit cette étudiante. Dans la panique, tout le monde s’est mis à crier, à pleurer, à courir. Nous savions que c’était quelque chose de grave, mais nous espérions que ce n’était pas ce que nous pensions. Des jeunes filles descendaient les escaliers pour s’éloigner de l’explosion. Il y avait des enfants séparés de leur maman qui hurlaient. Quand nous sommes sortis, c’était le chaos, une foule de gens qui ne savaient pas où aller. » Bilan, au moins 22 morts, parmi lesquels des enfants, et 59 blessés. La plus jeune des victimes, Saffie Rose Roussos, n’avait que huit ans…

Arrestation d’un suspect, âgé de 23 ans

Évoquée dans la nuit, la thèse de l’attentat-suicide était confirmée hier par les autorités. « La police pense connaître l’identité » de l’assaillant mort dans l’attaque, avançait dans la journée Theresa May, ce qui laisse supposer qu’il était connu des services de renseignements. « Nous savons qu’un terroriste isolé a fait détoner un engin explosif à l’une des sorties de la salle, choisissant délibérément l’endroit et l’heure pour causer un maximum de victimes, dont de nombreux enfants et jeunes », a expliqué la première ministre britannique, Theresa May, en dénonçant « une attaque terroriste épouvantable et sans pitié ».
Une attaque signée Daech, si l’on en croit le communiqué de revendication diffusé hier par les djihadistes de l’« État islamique ». Labellisation opportuniste ou attaque planifiée ? Quoi qu’il en soit, l’organisation terroriste brandit la menace de nouveaux attentats. Hier, Salman Abedi, 22 ans, a été arrêté, « soupçonné d’avoir commis l’atrocité » de la veille, selon le commissaire de police Ian Hopkins. Fait troublant, révélé par Mediapart, Mohamed Abrini, impliqué dans les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et du 22 mars 2016 à Bruxelles, s’était rendu, l’été précédent, à Londres, Birmingham et Manchester, vraisemblablement pour des « repérages ».
Il y a deux mois jour pour jour à Londres, près du Parlement, un homme fonçait dans la foule avec un véhicule et poignardait un policier, faisant cinq morts avant d’être abattu. Lundi soir, le Royaume-Uni a fait face à l’attentat le plus meurtrier depuis les quatre attaques suicides simultanées, revendiquées par al-Qaida, qui avaient fait 52 morts et 700 blessés dans les transports londoniens le 7 juillet 2005, aux heures de pointe.
Depuis des mois, les services de sécurité jugeaient « hautement » probable le scénario d’une attaque de cette ampleur. « Le niveau d’alerte reste élevé, ce qui veut dire que d’autres attaques restent possibles », met en garde Theresa May. Signe de la tension qui régnait encore hier dans la ville, une arrestation sans lien avec l’attentat a donné lieu à un mouvement de foule et à l’évacuation d’un centre commercial. À quelques jours de la tenue d’élections législatives anticipées fixées au 8 juin, la campagne a été suspendue. Le chef de l’opposition travailliste, Jeremy Corbyn, s’est dit « horrifié » par ces « terribles événements ». « Mes pensées vont vers les familles et les amis de ceux qui ont été tués ou blessés. Aujourd’hui, tout le pays pleure ceux qui ont perdu la vie », a-t-il déclaré.
À Manchester, cité sous le choc, cette trêve politique prend la couleur du deuil. Des rassemblements devaient se tenir, hier soir, en hommage aux victimes. À Old Trafford, le stade de Manchester United, qui doit disputer aujourd’hui à Stockholm la finale de l’Europa League contre l’Ajax Amsterdam, les drapeaux du club ont été mis en berne. De son côté, Manchester City a ouvert dans son Etihad Stadium une structure d’accueil pour les rescapés et leurs proches. Dans cette métropole ouvrière, ouverte et cosmopolite, des voix s’élevaient, dès hier, pour dire le refus du repli, de la division, de la stigmatisation des musulmans. Un esprit de solidarité et de paix que résume en ces termes, sur son compte Twitter, le journaliste Dave Haslam : « Vous avez choisi la mauvaise ville si vous pensez que la haine peut nous déchirer ! »
Une émotion qui traverse les frontières
Emmanuel Macron s’est rendu hier à l’ambassade du Royaume-Uni et a affirmé sa « volonté de renforcer la coopération européenne en matière de lutte contre le terrorisme ». En présentant ses « sincères condoléances », le président russe, Vladimir Poutine, s’est dit disponible à « développer la coopération antiterroriste ». Donald Trump a, lui, assuré la Grande-Bretagne du « soutien indéfectible des États-Unis », tandis que la chancelière allemande, Angela Merkel, a fait part de son « horreur ». Une minute de silence a été organisée sur les marches du Festival de Cannes. Le PCF a tenu à rappeler qu’ « à chaque attentat, c’est l’humanité tout entière qui est frappée ». « Permettons à nos concitoyens de construire ensemble et concrètement une société solidaire. Il naîtra de ces conjonctions une puissance populaire capable d’isoler ceux qui veulent imposer une dictature et sa terreur », a écrit Patrice Bessac, maire de Montreuil, dans un message à son homologue de Manchester, Andy Burnham.

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