mercredi 22 juin 2016

Aléas climatiques extrêmes et souveraineté alimentaire

Aléas climatiques extrêmes et souveraineté alimentaire

Gérard le Puill
Mercredi, 22 Juin, 2016

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Photo AP
Sécheresse prolongée en Inde, chaleur extrême et incendies aux Etats Unis, inondations en France, en Chine au Japon et dans certains pays d’Afrique. Six mois après la Cop 21à Paris, les aléas climatiques extrêmes menacent la souveraineté alimentaire des peuples tandis que les Bourses spéculent sur le grain. Notre maison commune brûle et les chefs d’Etat regardent ailleurs. 
L’année 2016 sera-t-elle marquée par une multiplication de phénomènes climatique extrêmes ? S’il est un peu tôt pour l’affirmer à la fin du premier semestre, force et de constater six mois après la conférence de Paris sur le climat, les catastrophes naturelles se multiplient. Depuis le début de l’année, l’Inde à connu dans plusieurs de ses provinces une sécheresse qui a gravement affecté les conditions de vie de 380 millions de personnes. On annonce désormais des pluies de mousson très abondantes avec les risques d’inondations que cela comporte. 
La sécheresse a aussi affecté d’autres pays en Asie, en Océanie, en Afrique et sur le continent américain. Aux Etats Unis, la vague de chaleur de ces derniers jours a fait monter la température entre 48 et 50°C dans certains états du sud, tandis que des incendies, non maîtrisables des jours durant, provoquaient de gros dégâts. Chacun se souvient aussi des feux de forêt qui ont fait fuir au milieu du printemps les habitants de Fort Mc Murray, dans l’Alberta au Canada.
En France, les inondations qui ont touché plusieurs communes d’Ile-de-France voilà quatre semaines n’avaient pas connu une telle ampleur depuis 1910. La situation aurait pu être pire qu’au début du siècle dernier si les grands barrages en amont de Paris n’avaient pas été là pour écrêter les volumes d’eau apportés par plusieurs affluents de la Seine dont l’Aube, la Marne et l’Yonne. Dans de nombreux départements métropolitains, des orages violents ont provoqué de gros dégâts sur les terres agricoles comme dans les habitations. S’y ajoutent les gelées tardives et la grêle sur de nombreux vignobles avec des pertes de rendements cette année et l’année prochaine. Les pluies exceptionnelles ont aussi touché de nombreux pays dans le monde ces dernières semaine, qu’il s’agisse de la Chine, du Japon, d’Amérique du sud, du Niger et d’autres pays africains.
Ces phénomènes climatiques extrêmes devraient interroger des décideurs politiques normalement constitués. Ils devraient les inciter à réfléchir sur l’urgence climatique, la nécessité impérative de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans toutes les activités économiques. Ce qui suppose de rompre avec la mondialisation libérale, gaspilleuse de capital productif, destructrice des écosystèmes à travers la course au profit. Mais il n’en est rien en France et en Europe.
Nos décideurs politiques occultent le fait que les destructions de récoltes induites par des phénomènes climatiques extrêmes appellent la mise en place de stocks de sécurité alimentaire gérés par les Etats de manière à lutter en amont contre les pénuries. Ces dernières semaines, il a suffit que les conditions de récolte du soja en Argentine soient rendues difficiles par la pluie pour que le prix de la tonne de tourteaux de soja importé arrivant dans les ports français augmente d’une centaine d’euros, soit environ 25% de hausse d’un coup.
Il faut ici savoir que l’Europe est le second importateur de soja dans le monde, juste après la Chine. Parce que leurs dirigeants n’ont pas voulu, à travers les différentes réformes de la Politique agricole commune (PAC), mettre en place une politique européenne de production de protéines végétales destinés aux bovins aux cochons comme aux volailles, les éleveurs européens se trouvent aujourd’hui pris en étau entre la hausse des coûts de production et la baisse des prix de marché pour le lait et la viande.
Cette hausse du soja va augmenter le prix de revient de chaque litre de lait, de chaque kilo de viande bovine, porcine et de volaille à un moment où, du fait de la sortie des quotas en avril 2015, un excédent de production laitière a fait baisser le prix du lait de 20% en deux ans. Comme si cela ne suffisait pas, l’Europe vient de reconduire pour six mois les sanctions économiques prises contre la Russie voilà deux ans. Cette sanction prolongée aura pour conséquence de fermer le marché russe aux exportations de viande porcine et de produits laitiers des pays membres de l’Union vers la Russie. Ce qui pèsera sur les cours à la production sur le marché intérieur européen. Dans le même temps, les chefs d’Etat, dont François Hollande, autorisent la Commission européenne à poursuivre les négociations commerciales de libre échange avec les Etats Unis d’un côté et avec les pays du Mercosur de l’autre. Or tous ces pays veulent vendre plus de viandes, plus de produits laitiers pour certains, plus de sucre de canne, plus de soja, plus de diester et d’éthanol en Europe. Si l’objectif premier de François Hollande et des ses homologues était de ruiner nos paysans et de remettre en cause la souveraineté alimentaire des peuples européens, ils ne s’y prendraient pas autrement!
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs», avait déclaré Jacques Chirac le 2 septembre 2002 au Sommet de la Terre de Johannesburg, reprenant une phrase soufflée par Nicolas Hulot. Hélas, rien n’a changé depuis chez les décideurs politiques français et européens.

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