lundi 13 juin 2016

Loi El Khomri. Tous à Paris le 14 juin !

Loi El Khomri. Tous à Paris le 14 juin !

Pierre-Henri Lab
Jeudi, 9 Juin, 2016
Humanité Dimanche

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Trois mois de mobilisation n'ont pas fait reculer le mécontentement ni entamé la riposte des salariés.
Photo : AFP
Le Sénat a durci le projet de loi. Le gouvernement joue le pourrissement. Il cherche à monter l’opinion publique contre les grévistes et à affaiblir la mobilisation en semblant répondre à certaines revendications. Les sept syndicats, toujours unis, appellent à une manifestation nationale le 14 juin. Départ à 13 h 15, place d’Italie, à Paris.
«Tous à Paris le 14 juin ! » L’intersyndicale CGT, FO, Solidaires, FSU, UNEF, UNL et FIDL appelle salariés, lycéens et étudiants à participer massivement à la manifestation nationale pour le retrait du projet de loi El Khomri. « Ce ne sera pas un baroud d’honneur », a assuré le secrétaire général de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly, qui prévient que d’autres mobilisations suivront. Une réunion de l’intersyndicale devrait en décider dès le 14 juin. En attendant ces nouveaux rendez-vous pour venir à bout du gouvernement, qui s’est trouvé avec la majorité de droite au palais du Luxembourg un allié de circonstance, la manifestation nationale devra « submerger les pavés de la capitale », comme l’a souhaité le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, à l’issue du 37e congrès de son parti.

La référence aux 35 heures supprimée

À partir du 13 juin, le Sénat examinera en séance plénière le projet de loi. « On va revenir au minimum à la version initiale de la loi El Khomri (…), qui nous allait très bien », avait promis son président LR, Gérard Larcher. L’objectif est d’ores et déjà plus qu’atteint. La commission des Affaires sociales a durci le texte. Un amendement à l’article 2 sur l’inversion de la hiérarchie des normes a supprimé toute référence aux 35 heures. Autrement dit, chaque branche et chaque entreprise pourra fixer sa propre durée du temps de travail. Le plafonnement des indemnités prud’homales a été réintroduit. Les sénateurs LR proposent de doubler les seuils sociaux : l’élection de délégués du personnel ne sera obligatoire qu’à partir de 20 salariés, contre 10 actuellement, et la mise en place d’un CE à partir de 100, contre 50 aujourd’hui. En cas de licenciement économique, seules la situation économique au plan national et les activités similaires pourront être prises en compte. Les parlementaires ont aussi décidé d’offrir la possibilité aux patrons des entreprises de moins de 50 salariés d’organiser des référendums pour valider leurs propres accords… Et ce n’est pas fini ! À un an de l’élection présidentielle, la droite, qui s’est lancée avec le gouvernement dans le concours du « plus libéral que moi tu meurs », devrait en remettre une couche lors de l’examen en plénière. Certains amendements proposent d’autoriser de l’apprentissage dès 14 ans ou encore de permettre à un accord d’entreprise d’abaisser le taux de majoration des heures supplémentaires en dessous du taux minimum fixé par un accord de branche.

Les grévistes qualifiés de « preneurs d’otages »

En durcissant le projet El Khomri, la droite sénatoriale offre au président de la République et au premier ministre l’occasion de se revendiquer de gauche en revenant à la version imposée avec le 49-3.
Depuis le début du conflit, le gouvernement mise sur l’essoufflement. Pour y parvenir, il s’emploie à monter la population contre les grévistes, que plusieurs ministres n’ont pas hésité à qualifier de « preneurs d’otages ». Après les avoir accusés de nuire « au redémarrage de l’économie », puis de mettre en danger le bon déroulement de l’Euro de foot, l’exécutif n’a pas hésité à instrumentaliser les inondations provoquées par la crue de la Seine et de ses affluents. Les appels « solennels » à la reprise du travail à la SNCF de son PDG, Guillaume Pepy, et de Manuel Valls lui-même, n’ont pour but que de présenter les cheminots comme insensibles à la détresse des sinistrés. La propagande gouvernementale semble marquer des points. Selon un sondage BVA/iTélé/Orange du 5 juin, le soutien aux grèves a reculé de 54 % à 45 % en trois semaines. Cela dit, les Français sont toujours aussi peu favorables au texte. Selon un sondage IFOP- « JDD » publié le même jour, seuls 17 % d’entre eux souhaitent son maintien en l’état, contre 40 % qui veulent qu’il soit modifié et 46 % qu’il soit retiré.

Matignon contraint à des concessions

Pour affaiblir la mobilisation, le gouvernement mise aussi sur la satisfaction de revendications de branches ou d’entreprises. Après avoir concédé provisoirement le maintien du taux de majoration des heures supplémentaires des routiers pour obtenir que ceux-ci lèvent leurs barrages, le gouvernement a obtenu que les agents de la direction générale de l’aviation civile (DGAC) ne se mettent pas en grève du 3 au 5 juin en s’engageant à stopper les réductions d’emplois contre lesquelles les appelaient à se mobiliser l’ensemble des syndicats. À la SNCF, le gouvernement est parvenu à ce que la CFDT, puis l’UNSA se désengagent du mouvement reconductible sur le temps de travail. Mais ces ralliements n’ont pas suffi à enrayer la grève, qui perturbe très fortement le trafic depuis le 31 mai. À l’appel de la CGT et de SUD, les cheminots continuent de contester le projet d’accord de branche qui, en allongeant le temps de travail, en réduisant les délais de prévenance et les temps de repos, est synonyme de dumping social. Même si les cheminots arrachent un accord favorable au niveau de la SNCF, la faiblesse de celui de branche entraînera un tel décalage entre les conditions de travail de l’entreprise publique et celles de ses concurrents que sa viabilité ne sera pas assurée. Si la stratégie de céder à des revendications de branches ou d’entreprises peut s’avérer payante, elle est aussi risquée. En agissant ainsi, le gouvernement suscite aussi de nouvelles mobilisations. En témoignent l’appel à la grève des syndicats de pilotes d’Air France (SNPL, SPAF et Alter) du 11 au 14 juin (voir page 8) et l’appel à manifester le 14 juin des chauffeurs de taxi contre le projet El Khomri et la concurrence d’Uber.
Malgré les manœuvres gouvernementales, l’intersyndicale se montre confiante sur la poursuite de la mobilisation. « Le 14 juin s’annonce de grande ampleur », assure Catherine Perret, du secrétariat confédéral de la CGT, s’appuyant sur un décompte partiel sur seulement 48 départements faisant état de 2 500 places de train et de 261 bus commandés au 6 juin « malgré les réticences des entreprises de transport ». « Notre objectif, c’est encore et toujours le retrait », poursuit la syndicaliste, qui note l’isolement grandissant du gouvernement. Le nouveau président de la CFE-CGC, François Hommeril, a réaffirmé son rejet du projet El Khomri, n’hésitant pas à dire que cette « loi sent le moisi » (voir page 18). Alors que la fédération de l’énergie du syndicat de l’encadrement s’est jointe à la grève dans le secteur, Catherine Perret annonce « la disponibilité de l’intersyndicale pour une expression commune avec la CFE-CGC ». Et plus si affinités.

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