lundi 10 avril 2017

Jean-Luc Mélenchon. « La victoire est à la portée de nos efforts »


Jean-Luc Mélenchon. « La victoire est à la portée de nos efforts »

CHRISTOPHE DEROUBAIX ET AURÉLIEN SOUCHEYRE
LUNDI, 10 AVRIL, 2017
L'HUMANITÉ
Jean-Luc Mélenchon, hier à Marseille, a demandé « un châtiment électoral exemplaire pour tous ceux qui ont voulu nous séparer, nous diviser ». Anne-Christine Poujoulat/AFP
Jean-Luc Mélenchon, hier à Marseille, a demandé « un châtiment électoral exemplaire pour tous ceux qui ont voulu nous séparer, nous diviser ». Anne-Christine Poujoulat/AFP
À deux semaines du premier tour, 70 000 personnes se sont rassemblées sur le Vieux-Port pour un meeting de Jean-Luc Mélenchon. « Si vous voulez la paix, préparez la paix ! » a lancé le candidat de la France insoumise.
Le bruit du léger vent marin dans les oreilles. Les gorges nouées. Des larmes rentrées ou exprimées. Un silence total. Un silence comme moment le plus expressif d’un rassemblement politique. Hier, 70 000 personnes, selon les organisateurs, rassemblées autour du Vieux-Port de Marseille ont observé, à la demande du candidat de la France insoumise soutenu par le PCF, une « minute de recueillement pour les morts en Méditerranée ». Moment intense, unique. Une communion qui dit un projet collectif. À deux semaines du premier tour de l’élection présidentielle, le candidat a prononcé dans la plus ancienne cité de France un discours sur la paix, histoire à la fois de répondre aux procès qui lui sont parfois faits (Syrie, Poutine), mais surtout de développer une valeur qu’il veut centrale dans le projet.

ILes guêpes et les abeilles

C’était samedi, veille du meeting. Où l’on parlait de migrants… d’abeilles et de guêpes. Marie, ancienne responsable du Parti de gauche à Marseille, a ouvert Le Funiculaire, un bar culturel dans le quartier mixte de la Plaine. Jean-Pierre Cavallié, qui a présidé la Cimade locale pendant trente ans, y présente un petit film de 10 minutes sur les villes sanctuaires en Angleterre. Rien de tel en France, même si pendant l’été 2015, il a constaté « un engouement incroyable de familles et de gens qui ont proposé d’accueillir des migrants. C’est un mouvement politique, pas politicien. Les réseaux d’aide s’organisent de façon horizontale ». Et d’ajouter : « On ne peut plus se cacher. Il faut assumer et revendiquer. » Il dit : « Lorsque vous tapez une guêpe, elles se sauvent toutes. Lorsque vous tapez une abeille, elles vous tombent toutes dessus. » Gilles Aspinas, travailleur social (également candidat du Front de gauche dans la circonscription du centre-ville) apprécie ce « combat pour remettre les pendules à l’heure, pour dire que des tas de gens sont solidaires et que la France n’est pas raciste ». En quittant l’assemblée, il lance avec un œil malicieux : « À demain… » Demain, au rendez-vous des abeilles.

ILa première campagne de Pierre, Thomas et Nicolas

Des affiches. Un peu de colle. Et hop ! Il est 11 heures et le bas de la Canebière a été repeint aux couleurs du candidat de la France insoumise. Pierre, Thomas et Nicolas prennent une pause pour répondre aux questions. Ces trois jeunes n’avaient jamais mené de campagne auparavant. Pierre, lycéen, ne peut même pas encore voter. « Ce n’est pas grave, je convainc d’autres d’aller voter. »
Les trois sont entrés en contact avec le discours du candidat par les réseaux sociaux et sa chaîne YouTube. « Je me suis rendu compte que son programme, c’était du solide. Il y avait du boulot », souligne Nicolas. Thomas a la fibre verte et a participé à des actions de Greenpeace : « Son programme écologique m’a tout de suite plu. » « C’est notre première campagne et le candidat qui nous plaît peut gagner. Le moment est vraiment encourageant », résume Pierre.

ILa part des anges

Que font là un oncologue, un responsable syndical du Port de Marseille, un auteur de polars, un intellectuel spécialiste de la Méditerranée, un psychanalyste et bien d’autres encore ? Ils ont répondu à l’invitation de Pierre Laurent, qui les a conviés à un moment d’échange à La Part des anges, à deux pas du Vieux-Port. Autour de planches de charcuterie et de fromage, des groupes se forment, discutent.
Pierre Laurent répond à une question : « On sent tous que nous sommes dans un moment où tout peut s’accélérer pour Jean-Luc Mélenchon. La situation est plus ouverte que jamais. La nature très brutale des programmes de Fillon et Le Pen et la nature dangereuse de la candidature de Macron se révèlent. La candidature de Jean-Luc Mélenchon est le point de convergence des mouvements de la société. Il y a une conjonction qui peut tout rendre possible. Il faut maintenant tout donner. Une page va se tourner, c’est sûr. Il nous faut construire la nouvelle majorité politique qui viendra. »
Entre Patrick Mennucci, député PS qui est resté fidèle à Benoît Hamon. Non, ce n’était pas l’invité mystère. « J’habite à côté, je suis voisin, je viens saluer quand même. » Plus loin, accoudé au zinc avec deux collègues syndicalistes, Olivier Mateu, secrétaire de l’union départementale CGT : « La direction du PCF nous a proposé un moment d’échange et nous avons accepté. Se déroule aujourd’hui un événement politique qui sert l’intérêt des travailleurs. Dans le camp progressiste, il y a des candidats qui portent autre chose que l’austérité permanente. »

IBleu, blanc, rouge

Tout autour de l’estrade, de nombreux citoyens lèvent des drapeaux français. « Bien sûr qu’il faut le brandir. Ce drapeau, j’en suis fier, affirme Vanessa. C’est le drapeau de la Révolution française, le drapeau de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, le drapeau du pouvoir au peuple. Hors de question de le laisser aux fachos ou aux faux républicains. Ce drapeau, ce n’est pas un repli sur soi, c’est tout le contraire, c’est le drapeau de l’émancipation de tous et il a toute sa place aussi bien dans nos mains qu’au-dessus des bâtiments de la République. On ne laissera pas voler notre pays par ceux qui prônent la haine et l’inégalité, et on ne se laissera pas voler notre drapeau. » À quelques pas, Mathilde agite elle aussi la bannière tricolore. « Il faut que la France retrouve son esprit révolutionnaire », mesure-t-elle avant de chanter, heureuse, la Marseillaise.

IL’avenir en commun de Jean-Pierre, Gisèle et Alain

Sous l’ombrière du Vieux-Port et son miroir géant qui protège du soleil, Jean-Pierre, Gisèle et Alain écoutent avec enthousiasme. « On est là pour soutenir Jean-Luc Mélenchon, mais on est surtout là pour soutenir un programme qui fait sens, qui appelle à en finir avec les inégalités et l’injustice sociale, à en finir avec les guerres et la destruction de la nature et à en finir avec la monarchie présidentielle, bref, à renouer avec l’intérêt général en mettant les décisions dans les mains de tous. » Les amis réunis font campagne autour de l’Avenir en commun et sentent que « quelque chose se passe ». « Le message est devenu audible et est pris en considération. Les consciences s’éveillent. Il y a de la demande. Les gens viennent nous voir, nous parlent du candidat et du programme, de la nécessité d’une refondation démocratique, du besoin d’écologie et de solidarité. »

I« La gauche qui ne trahit pas »

Sur le Vieux-Port, porte d’entrée historique de la France, un couple est installé en terrasse. « Elle est pas belle, la vie ? On a écouté le discours en plein soleil, un verre à la main ! » lancent Maria et Samuel. Ces Strasbourgeois en week-end à Marseille n’ont pas fait le déplacement pour Mélenchon. « On ne savait pas. Mais ça tombe très bien, on a prévu de voter pour lui. En 2012, on avait choisi Hollande. Le PS nous semblait plus équilibré, plus crédible, mieux armé pour gouverner et faire gagner la gauche. On a vu ce que ça a donné… Cette fois, il nous faut une vraie gauche, radicale, qui ne va pas s’endormir au pouvoir et trahir. » Et le couple de poursuivre : « C’était très bien le passage sur l’abrogation de la loi El Khomri, l’appel à voter contre tous ceux qui l’ont laissé passer, la promotion des 35 heures, le rappel sur ‘‘les riches en France qui vivent au-dessus de nos moyens’’ et la guerre qui est faite aux pauvres dans notre pays. Il est temps de partager les richesses, de vivre tous ensemble dans la dignité. »

ILes rameaux de la paix

Au milieu de son discours, Jean-Luc Mélenchon montre un rameau d’olivier. « L’arbre de la Méditerranée, de la paix », annonce-t-il. D’autres l’imitent. Le candidat prône alors la sortie de l’Otan, fustige les guerres et les armes, tance la Constitution de la Ve République qui permet au président français de démarrer une guerre sans en rendre compte au Parlement avant quatre mois. « C’est en mettant l’écologie au poste de commande que l’on ouvre une nouvelle ère. 100 % d’énergies renouvelables nous soustraient à la tyrannie des énergies carbonées et des guerres qu’elles portent en elles », développe-t-il. Catherine a elle aussi un rameau d’olivier à la main. « Je ne savais pas que Mélenchon allait faire un discours sur la paix. Je sors de l’église, je suis catholique et c’est le dimanche des Rameaux », explique-t-elle, avant de préciser qu’elle se retrouve dans la définition de la laïcité de Mélenchon, qu’elle estime proche de celle de 1905. « J’y suis attachée, je trouve que cela marche bien et je ne souhaite pas qu’elle soit remise en cause. Elle est garante de notre bonne entente entre toutes les croyances. »

IBrèves de meeting

Quelques échanges et réactions saisis sur le vif pendant le discours de Jean-Luc Mélenchon. Deux minutes après le début du discours : « Putain, c’est un poète, ce mec. » « Il devrait faire du rap, je te dis. » Mélenchon persiste et signe son discours du Prado : « Hier comme aujourd’hui, je me réjouis que la France soit métissée. » Il rappelle que Marseille est née, il y a 2 600 ans, du mariage d’une Gauloise et d’un Grec « si bien que nos ancêtres les Gaulois, avant les enfants des sans-culottes que nous sommes tous, ont écrit leurs premiers textes en grec » : « Tu vois, t’avais dit qu’il ne referait pas le même discours qu’en 2012… » « Franchement, là, il me scotche… » Quand Mélenchon parle de l’État palestinien : « Eh, sista, enfin un mec qui parle des frères et des sœurs de Palestine. » Sur le lien entre écologie et paix : « Franchement, je n’aurais pas fait le lien, moi. » « Ouais, c’est pas con. » Le public scande : « Dégagez ! dégagez ! » : « C’est pas trop mon truc, ça ». « Moi, non plus, mais il faut constater que ça prend. » « La victoire est à portée de voix », assure le candidat. On a une opportunité historique de rupture avec la politique de Sarkozy-Fillon et celle de Hollande-Macron, en plus de repousser Le Pen. » 

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