vendredi 14 avril 2017

Rinà Rajaonary. « Les jeunes ont besoin du statut stable du CDI »


Rinà Rajaonary. « Les jeunes ont besoin du statut stable du CDI »

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SÉBASTIEN CRÉPEL
JEUDI, 13 AVRIL, 2017
L'HUMANITÉ
« Beaucoup de jeunes vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 900/euros par mois », dénonce la présidente de la JOC Rinà Rajaonary. Photo Julien Jaulin/Hanslucas
« Beaucoup de jeunes vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 900/euros par mois », dénonce la présidente de la JOC Rinà Rajaonary. Photo Julien Jaulin/Hanslucas
La Jeunesse ouvrière chrétienne réunit 10 000 jeunes à Paris, samedi, pour promouvoir « l’emploi digne » auprès des candidats à l’Élysée, explique sa présidente, Rinà Rajaonary.
Vous réunissez 10 000 jeunes à une semaine du premier tour de la présidentielle. Est-ce une démonstration de force pour faire peser l’avis des jeunes dans la campagne ?
Rinà Rajaonary C’est l’objectif. Cette journée doit permettre aux jeunes des quartiers populaires d’être vus et entendus. Le quinquennat qui s’achève les a oubliés. Trop de jeunes vivent dans l’instabilité et la précarité. Nous allons briser les idées reçues, avec 10 000 participants qui se démènent pour financer leur voyage, parfois pour venir de très loin jusqu’à Paris pour parler d’emploi digne.
Quel regard portez-vous sur cette campagne qui a peu parlé des jeunes ?
Rinà Rajaonary On a le sentiment d’être une génération un peu oubliée, comme si la jeunesse était une variable d’ajustement pour les responsables politiques : on s’affiche avec elle seulement quand on en a besoin, car nous sommes considérés comme une génération qui s’abstient. Pendant ce temps, notre sort s’aggrave, avec un jeune sur deux au chômage dans certains quartiers. Il faut des politiques pour s’attaquer au chômage globalement, et non des contrats spécifiques pour les jeunes, les seniors, etc. La flexibilité de l’emploi reste dangereuse pour chacun d’entre nous, et nous refusons la mise en concurrence des générations, car nous pensons qu’il faut veiller à l’unité des travailleurs.
N’êtes-vous pas à contre-courant, au moment où l’on vante aux jeunes le statut d’indépendant ou le revenu universel face à la rareté de l’emploi ?
Rinà Rajaonary Quand on les consulte, les jeunes répondent très majoritairement qu’ils aspirent à un CDI, c’est-à-dire un statut stable et protecteur qui leur permette de se projeter dans l’avenir et de mener leurs projets. Si cela, c’est être à contre-courant, alors nous l’assumons ! Les jeunes des quartiers populaires n’ont pas les mêmes armes ni les mêmes réseaux pour se faire une place dans la vie que d’autres plus privilégiés qu’eux. Il leur faut donc un statut dans lequel ils se sentent en confiance et en protection dans l’emploi. Et puis, ce n’est pas parce qu’on revendique un CDI qu’on s’imagine dans la même entreprise pendant cinquante ans : l’idée, c’est d’avoir cette protection en permanence, et disposer d’un droit à la formation tout au long de la carrière pour pouvoir évoluer.
La dignité, c’est le CDI, mais ce n’est pas que cela pour les jeunes… Qu’est-ce que cela recouvre pour la Jeunesse ouvrière chrétienne ?
Rinà Rajaonary Le CDI, c’est un statut protecteur, mais ça ne suffit pas. Beaucoup de jeunes vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 900 euros par mois. Nous réclamons donc un salaire qui permet de vivre décemment, et nous ajoutons un troisième critère : pouvoir être fier de son travail. La jeunesse n’est pas fainéante, elle est fière du travail bien fait, et elle aspire à la force du collectif. Mais elle ne veut pas non plus être condamnée à travailler plus que 35 heures, car elle veut aussi vivre autre chose que le travail.
L’extrême droite séduit une frange importante de la jeunesse précarisée, comment la JOC fait-elle face à ce problème ?
Rinà Rajaonary Nous prenons beaucoup de temps à la JOC pour décrypter avec les jeunes les programmes de l’extrême droite. Nous menons aussi des actions pour alerter sur les dangers d’un discours qui nous dresse les uns contre les autres, développe l’isolement et considère que nos frères d’ici ou d’ailleurs ne font pas partie de notre commune humanité. Mais si nous récusons ces idées, nous ne rejetons pas les jeunes qui les partagent, au contraire, nous allons vers eux pour en discuter. Cela donne de bons résultats. Et puis, nous menons le combat avec d’autres organisations de jeunesse et associations chrétiennes. On ne peut pas rester passifs.
Appelez-vous les jeunes à voter ?
Rinà Rajaonary La JOC n’a pas de candidat, mais elle incite les jeunes à participer à la vie citoyenne et politique. Nous avons créé pour cela le dispositif « Impose ta voix », grâce auquel les jeunes se retrouvent ensemble pour décrypter les programmes politiques et les aider à se positionner et à affirmer leurs convictions. L’idée, c’est non seulement de voter, mais de donner du sens à son vote.

À J – 8 du premier tour de la présidentielle, les représentants des candidats ont rendez-vous avec les jeunes des quartiers populaires. À Paris, porte de la Villette, à l’invitation de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), 10 000 d’entre eux venus de toute la France « débattront et construiront de nouvelles propositions en faveur de l’emploi digne et de l’autonomie », explique la JOC. Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, François Fillon et Benoît Hamon ont été sollicités. Un cahier de doléances sera remis aux candidats, à l’Union européenne et à l’Organisation internationale du travail.

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