lundi 25 juillet 2016

Calomnies

Calomnies

Par Paule Masson
Lundi, 25 Juillet, 2016
L'Humanité

L'éditorial de Paule Masson : "au-delà de toute prudence, l’emballement médiatique et politique a donné lieu à un déluge de réactions faisant le lien entre le terrible attentat de Nice et la fusillade de Munich, évoquant à qui mieux mieux un « nouveau » crime islamiste."
Après la sanglante fusillade intervenue vendredi soir dans un centre commercial de Munich, l’enquête a vite, très vite pris de la distance avec le soupçon d’attaque terroriste. Dès samedi, les autorités précisaient que le geste du tueur n’avait pas de lien avec l’« État islamique » et même que le coup de folie du forcené apparaissait dénué de motivation politique. Pourtant, au-delà de toute prudence, l’emballement médiatique et politique a donné lieu à un déluge de réactions faisant le lien entre le terrible attentat de Nice et la fusillade de Munich, évoquant à qui mieux mieux un « nouveau » crime islamiste. L’actuel président de la République, François Hollande, et son prédécesseur Nicolas Sarkozy ont tous les deux immédiatement qualifié le carnage « d’attaque terroriste ». C’est à qui alimenterait le premier le chaos, quitte à manipuler la réalité et à souffler sur les braises du plus dangereux des brasiers, celui de la peur et de la haine.
L’enquête dira. La politique gagnerait en crédibilité à respecter ce temps, à s’abonner à l’exactitude pour montrer qu’elle est capable de parler juste. « J’ai appris que le courage n’est pas l’absence de peur mais la capacité de la vaincre », disait Nelson Mandela le sage.
Pour l’heure, le profil du tueur révèle un jeune homme atteint de « phobie sociale », dominé par ses pulsions suicidaires, fasciné par les meurtres de masse. Les faits sont déjà bien assez graves pour qu’il soit inutile d’extrapoler sur une hypothétique troisième « guerre mondiale » liée au « totalitarisme islamique », comme le fait François Fillon dans le JDD. De là au « choc des cultures », il n’y a qu’un pas que franchit allègrement Alain Finkielkraut dans le Figaro Magazine, déclarant, toute honte bue, que « les djihadistes et les gauchistes ont un point commun : ils rêvent d’une guerre civile ». Fonder la politique sur le commerce de la peur mène décidément à toutes les calomnies.

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