mercredi 20 juillet 2016

En finir avec le jeu de dupes

En finir avec le jeu de dupes

Par Laurent Mouloud
Mercredi, 20 Juillet, 2016
L'Humanité

L'éditorial de Laurent Mouloud. "Magistrats, policiers, jusqu’aux parlementaires eux-mêmes, qui viennent de boucler une commission d’enquête sur l'état d'urgence, ont fait le constat que ce régime d’exception n’a pas d’impact sur la lutte contre le terrorisme proprement dit."
L’émotion est légitime. Mais il est toujours dangereux d’en faire le cœur d’une politique. Il en va ainsi de cette nouvelle prolongation – la quatrième – de l’état d’urgence que s’apprête à voter le Parlement. Le débat, enflammé par une droite en pré-campagne électorale, est lancé. Durcir les mesures ou pas ? Trois mois ou six mois de plus ? La raison n’a déjà plus droit de cité. Et pourtant, faut-il le rappeler, cette gesticulation autour de l’état d’urgence a tout du jeu de dupes.
En la matière, une seule question vaut : les Français, qui possèdent l’un des arsenaux législatifs les plus sévères d’Europe en matière de terrorisme, seront-ils mieux protégés par la prorogation ? Députés et sénateurs savent pertinemment que non. Magistrats, policiers, jusqu’aux parlementaires eux-mêmes, qui viennent de boucler une commission d’enquête sur le sujet, ont fait le constat que ce régime d’exception n’a pas d’impact sur la lutte contre le terrorisme proprement dit. Le drame de Nice, s’il le fallait, en apporte une nouvelle preuve : les « perquisitions administratives » et autres « assignations à résidence » auraient-elles permis d’appréhender en amont Mohamed Lahouaiej Bouhlel, parfait inconnu des services de renseignement ? En aucune façon.
Et pourtant, l’exécutif, aiguillonné par la surenchère des futurs candidats LR, entreprend de vendre à nouveau cette illusion d’action à un pays sous le choc. Ce faisant, il escamote des débats plus ardus sur les nombreuses fractures sociales et errements diplomatiques. Il prend aussi de lourdes responsabilités. La première sera, si par malheur un nouvel attentat endeuille le pays, de décupler le sentiment d’impuissance et de colère. La seconde, plus grave encore, est de suggérer peu à peu à nos concitoyens que liberté et sécurité ne vont pas de pair, que l’une ne peut se renforcer qu’au détriment de l’autre. Un argument fallacieux qui sape les fondements de notre société. Et, au final, ne peut faire que le jeu des propagandistes de Daech.

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