mercredi 20 juillet 2016

Du bac à la fac, un véritable parcours du combattant

Du bac à la fac, un véritable parcours du combattant

Louis Belin
Mercredi, 20 Juillet, 2016
L'Humanité

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Aujourd’hui 37 universités « sous tension », comme celle de Paris-VIII, à Paris, reconnaissent devoir limiter les inscriptions dans au moins une de leurs filières.
Aujourd’hui 37 universités « sous tension », comme celle de Paris-VIII, à Paris, reconnaissent devoir limiter les inscriptions dans au moins une de leurs filières.
Photo : Magali Bragard
Sous pression budgétaire et démographique, les universités françaises ne garantissent plus l’accès de tous les bacheliers à une formation supérieure. Et certaines continuent de pratiquer des tirages au sort, fustige un rapport de l’Unef rendu public hier.
Chaque année, le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur augmente (+ 40 000 en 2015, sur un total de 2,4 millions). Pour la rentrée 2016, les universités françaises ont, d’ores et déjà, reçu 22 000 demandes d’inscription supplémentaires par rapport à 2015. Soit l’équivalent des effectifs de l’université de Poitiers. Cette tendance, qui devrait permettre à la France de rattraper son retard en nombre de diplômés, n’assure plus, dans les faits, le droit de chacun à un avenir, alerte un rapport de l’Unef rendu public hier.

À l’origine du problème, l’asphyxie budgétaire

Ce n’est pas une nouveauté : depuis des années, l’université française manque de moyens. En 2010, l’investissement moyen par an et par étudiant était estimé à près de 6 000 euros. Aujourd’hui, il est de 5 760 euros. Des difficultés imputables, d’une part, à l’augmentation croissante du nombre d’étudiants et, d’autre part, à un budget qui stagne. En conséquence, les universités, qui manquent de personnel et d’infrastructures satisfaisantes, ne peuvent accueillir tous les bacheliers désireux d’entreprendre des études supérieures ni même garantir de bonnes conditions d’études à ceux qui ont pu s’inscrire.
L’augmentation de 850 millions d’euros du budget de l’enseignement supérieur, annoncée par le gouvernement pour la rentrée 2017, permettra de financer certaines mesures réclamées par les syndicats pendant la mobilisation contre la loi travail, comme l’augmentation des bourses étudiantes ou celle du point d’indice des fonctionnaires. Surtout, elle dotera les universités de 100 millions d’euros supplémentaires. L’Unef estime que c’est insuffisant, et réclame une augmentation de 1 milliard d’euros, ce qui permettrait à chacune des 75 universités françaises d’obtenir, non pas 1,4, mais 3,5 millions d’euros afin d’augmenter les capacités d’accueil en premier cycle.
En l’état actuel des choses, l’université ne peut faire autrement que refuser des candidats. Dans son article L. 612-3, le Code de l’éducation garantit pourtant que « le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat ». Un principe qui a permis la démocratisation de l’enseignement supérieur depuis les années 1960. Aujourd’hui pourtant, 37 universités « sous tension » reconnaissent devoir limiter les inscriptions dans au moins une de leurs filières. Ce n’a pas toujours été le cas. À la rentrée 2014, l’université de Limoges affichait encore 15 filières sur 24 avec des capacités d’accueil illimitées. En septembre, il n’y en aura aucune. De même, à l’université Lyon-II, 30 % des étudiants ayant choisi une formation en premier vœu sur APB dans cet établissement se sont vu refuser l’accès à la filière de leur choix pour la prochaine rentrée. Soit plus de 2 300 candidats.
Devant ces difficultés, les universités tirent au sort ou sélectionnent les candidats selon des critères qui leur sont propres. Pour l’année universitaire 2016-2017, 32 formations universitaires ont mis en place un tirage au sort. C’est notamment le cas de nombreuses filières Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives). Très demandées, elles offrent 22 000 places pour 29 000 candidats. C’est également le cas de nombreuses filières de sciences, de lettres ou de langues, comme à l’université de Pau. La solution peut être perçue comme juste, puisqu’elle met tous les candidats à égalité, mais aussi inéquitable, puisqu’elle ne tient pas compte des résultats de chacun. Encore récente, cette pratique a surtout été jugée illégale par le tribunal administratif de Bordeaux, le 16 juin dernier. L’avocat Romain Foucard, dont le client avait vu sa candidature en faculté de sport rejetée au terme d’un tirage au sort, avait alors su démontrer que cette procédure était dépourvue de toute base réglementaire officielle. Une faille juridique qui laisse espérer de nombreux candidats déçus, en attendant l’instauration d’un cadre réglementaire.
La pratique de la sélection, elle, est de plus en plus répandue. L’Unef estime à 60 le nombre d’universités qui sont aujourd’hui dans l’illégalité. Elles n’étaient que 27 il y a trois ans. Cette sélection peut se faire sur dossier, sur entretien, en exigeant des prérequis (filière, niveau de langue) ou encore en développant des parcours de doubles diplômes. C’est ainsi que la bi-licence sciences-histoire de l’université Paris-Sorbonne (Paris-IV) mentionne un « recrutement hors APB, sur entretien », ou que la licence anglais de la même université exige un niveau de langue correspondant au niveau B2 du Cadre européen commun de référence. Cette sélection rend les filières qui la pratiquent plus attractives, et créent ainsi un système à deux vitesses, au sein duquel s’opposent filières spécialisées à fort taux d’encadrement, effectifs réduits et nombre d’heures de cours élevé, à d’autres formations plus générales qui subissent une dégradation constante des conditions d’étude et du taux de réussite de leurs étudiants.
Pour l’Unef, la publication récente de documents confidentiels au sujet de l’algorithme d’APB « aura servi à démontrer que, non seulement le ministère est au courant de ces pratiques, mais qu’il les facilite à travers son portail d’admission ». L’organisation étudiante demande ainsi au ministère de faire respecter la loi dans les universités par un travail d’investigation et des sanctions. Il n’est pourtant pas évident que sanctionner, financièrement par exemple, une université déjà pauvre soit une idée pertinente. Des réajustements s’imposent cependant. À Lyon-II, par exemple, 53 % des filières ont reçu moins de candidatures en premier vœu que de places disponibles.

Bac pro et techno : les laissés-pour-compte

Entre 2000 et 2014, le pourcentage de bacheliers des filières professionnelles et technologiques souhaitant entreprendre des études supérieures est passé de 17 % à 35 %. Pourtant, alors qu’ils représentent 50 % des baccalauréats délivrés et que 80 % des bacheliers pro ont des parents employés ou ouvriers, l’ascenseur social est en panne : un bachelier professionnel sur trois est refusé à l’entrée d’une filière STS préparant au BTS, où leur réussite est pourtant la plus importante. Nombre d’entre eux se voient ainsi contraints d’intégrer une filière générale, par défaut.
Ces filières sont certes traditionnellement sélectives. Mais les bacheliers professionnels et technologiques sont ceux qui reçoivent le moins de réponses favorables par le système APB, en STS comme en IUT : alors que 96,7 % des bacs généraux se voient formuler une proposition dès le premier tour, c’est le cas pour seulement 56,5 % des bacs pro. L’Unef réclame donc une augmentation des capacités d’accueil en STS pour ces bacheliers professionnels et en IUT pour les bacheliers technologiques, ainsi qu’une augmentation des quotas et la mise en place de passerelles automatiques en licence 3.
Avec 44 % d’une classe d’âge diplômée au début des années 2010, l’objectif de 60 %, fixé par le président de la République lui-même, semble encore bien lointain. L’urgence, elle, est pourtant là.
SOS Inscription en campagne. Première confrontation directe avec l’enseignement supérieur, APB est une étape compliquée pour les bacheliers, qui ne sont pas toujours très bien accompagnés. L’Unef, qui a encouragé la réforme de la procédure APB, relance cet été et jusqu’à la rentrée sa campagne pour permettre aux bacheliers d’accéder aux études de leur choix. Dans l’ensemble des sections locales, les militants cherchent des solutions pour les futurs étudiants, qui peuvent également se renseigner sur les offres de bourse ou l’accès au logement. Plus d’info au 0 806 079 069 (non surtaxé) ou via le mail

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