mercredi 26 octobre 2016

Alassane Ouattara en monarque républicain

Alassane Ouattara en monarque républicain

Côte d’Ivoire
Rosa Moussaoui
Mercredi, 26 Octobre, 2016
L'Humanité
  
Le Front populaire ivoirien (FPI) proteste contre le projet de réforme constitutionnelle du président Alassane Ouattara, à abidjan, le 8 Octobre. PHOTO Thierry Gouegnon/REUTERS
Le Front populaire ivoirien (FPI) proteste contre le projet de réforme constitutionnelle du président Alassane Ouattara, à abidjan, le 8 Octobre. PHOTO Thierry Gouegnon/REUTERS
REUTERS
Le 30 octobre prochain, les électeurs ivoiriens doivent se prononcer sur un projet de réforme constitutionnelle consacrant l’entrée du pays dans une IIIe République aux allures monarchiques.
Puisqu’il ne peut se succéder encore à lui-même après un deuxième mandat, Alassane Ouattara entend choisir son dauphin. Et conforter son emprise sur la vie politique ivoirienne, en attendant l’élection présidentielle de 2020. Voilà tout l’enjeu du référendum convoqué le 30 octobre prochain par le président ivoirien. Ce jour-là, les électeurs doivent se prononcer sur un projet de réforme constitutionnelle consacrant l’entrée du pays dans une IIIe République aux allures monarchiques.
Principale disposition mise en avant par le régime pour légitimer ce chantier constitutionnel, la clarification des conditions d’éligibilité du président de la République, pour mettre fin aux controverses empoisonnées sur l’« ivoirité ». Un concept ethniciste longtemps instrumentalisé pour écarter Alassane Ouattara de la course au pouvoir et dont on doit la paternité à… Henri Konan Bédié, aujourd’hui principal allié du président ivoirien. Il s’agit, assure le clan Ouattara, d’en finir avec les germes des conflits – politiques, communautaires, fonciers – qui minent toujours sourdement le pays, pour « pérenniser la stabilité et la paix ».

Désignation d’un vice-présidentet d’un tiers des sénateurs

Mais la revendication d’un « acte constitutionnel plus moderne respectant les droits et devoirs de tous les citoyens » dissimule mal un renforcement démesuré des pouvoirs présidentiels. Parmi ces nouvelles prérogatives, la désignation par le palais d’un vice-président, clairement appelé à succéder à l’actuel chef de l’État. La manœuvre vise en fait à « régler » le cas Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale, ancien chef rebelle dont les hommes ont largement contribué à installer Alassane Ouattara au pouvoir, à l’issue de la crise post-électorale de 2011. « Rien dans ce texte ne m’est étranger », assure l’intéressé. Il faut dire que Soro sait ses ambitions présidentielles contrariées par les exactions de ses troupes, en 2011 et même avant… Autres dispositions controversées, la création d’un Sénat dont les membres seraient désignés, pour un tiers d’entre eux, par le président, ou encore le sort incertain réservé à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).
Sans les réconcilier, le texte suscite un rejet unanime parmi ceux qui se revendiquent du Front populaire ivoirien (FPI), toujours déchiré entre fidèles de Laurent Gbagbo et partisans de l’ancien premier ministre Pascal Affi N’Guessan. Ce dernier, qui appelle au boycott du référendum, reproche à Alassane Ouattara d’« opérer avec la Côte d’Ivoire comme un propriétaire vis-à-vis d’un patrimoine personnel ». « Ce qu’il nous propose, c’est moins qu’une Constitution, c’est son testament pour organiser la dévolution de son patrimoine à ses successeurs de manière à ce que ce patrimoine reste dans la famille », accuse-t-il. Samedi dernier, lors d’un meeting interdit par les autorités, Aboudramane Sangaré, fidèle du président déchu, a fustigé au nom du FPI une « Constitution de la discorde, de la fracture sociale ». À ses côtés, l’ancien président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, a appelé à la « désobéissance civique » pour « le retrait pur et simple » du texte. Au total, une trentaine de représentants de la société civile et de l’opposition politique se sont succédé pour dénoncer une « entreprise hasardeuse et dangereuse », propre, selon eux, à attiser les conflits dans un pays toujours divisé malgré les déclarations d’intention du pouvoir sur la « réconciliation nationale ». « Un groupe d’experts en lieu et place d’une constituante, un texte caché jusqu’au dernier moment, des parties prenantes empêchées de critiquer les options retenues, une campagne référendaire d’une semaine : personne ne peut croire que ce débat soit vraiment démocratique », résume Alpha Diallo, président de l’Alliance démocratique africaine, une formation qui partage pourtant, sur le terrain économique, les options libérales d’Alassane Ouattara.
Le président, lui, fait campagne en promettant une « assurance vie pour la paix ». Devant ses partisans rassemblés, samedi, au stade Felix-Houphouët-Boigny d’Abidjan, il a implicitement reconnu que le principal enjeu de ce scrutin résidait dans la participation. « Quand il y a la paix, les gens se disent (ce n’est) pas la peine de voter ; alors il faut voter cette fois-ci », a-t-il imploré.

Un indigné en prison
Le porte-parole des Indignés ivoiriens,  David Samba, croupit toujours derrière les barreaux de la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). Condamné en
2014 à six mois de prison pour « troubles à l’ordre public », il est incarcéré depuis plus d’un an. Avant son jugement, puis son transfert à la Maca, il est resté trois
mois dans les geôles de la DST, « cible de maltraitances, mal nourri, privé d’avocat, sans le moindre contact avec l’extérieur », témoigne Jean-Jacques Guigon, de la CGT,
qui a pu lui rendre visite il y a quelques semaines. Plus de 300 prisonniers politiques sont incarcérés en Côte d’Ivoire, dans l’attente d’un procès.

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