lundi 24 octobre 2016

CETA : Le jour le plus long chez les résistants wallons

CETA : Le jour le plus long chez les résistants wallons

Gérard Le Puill
Lundi, 24 Octobre, 2016
Humanite.fr
  
BRUNO FAHY / AFP
Ce  lundi 24 octobre va être une journée de forte pression sur la Wallonie afin de tenter d’arracher  au gouvernement belge l’accord, du  seul pays sur 28,  qui manque encore pour que l’Union européenne et le Canada signent le 27 octobre  cet accord  de libre échange connu sous le nom de CETA.
On sait que le Canada  a donné jusqu’à ce soir  aux Européens pour avoir une ultime réponse, faute de quoi Justin Trudeau ne viendra pas à Bruxelles  le 27 octobre.  La  résistance de la Wallonie, partie francophone de la Belgique tiendra-t-elle en dépit des pressions et du chantage  que l’on peut imaginer ? Ce matin, André Antoine, président du Parlement de Wallonie, affirmait sur la radio belge RTL  qu’il « ne sera pas possible de respecter l’ultimatum » de la Commission européenne.
Pour nous , Français , cette résistance de la Wallonie, aura montré quelques chose d’important : si un pays comme la France  avait été soucieux  de l’intérêt général en Europe, à commencer par la production agricole et les enjeux climatiques, il aurait dit non à  ce traité. La France pouvait, en mettant en exergue  les enjeux liés à la Conférence de Paris sur le climat,  montrer que cet accord n’est pas compatible avec les objectifs de la Cop 21 comme l’ont souligné la Fondation Nicolas Hulot et ATTAC.  Elle ne l’a pas fait alors que cet accord, s’il est ratifié,  conduira l’Europe à offrir des débouchés au pétrole canadien extrait des sables bitumineux. Or c’est le pétrole le plus polluant d’entre tous, tant  dans le processus  d’extraction comme  au niveau de la combustion. Il y avait là deux bonnes raisons, en plus de toutes les autres, pour faire capoter le CETA qui ressemble dans son contenu à ce que serait en plus dévastateur le TAFTA  en cours de négociation avec  les Etats Unis.
Pourtant, les mises en garde n’ont pas manqué pour le gouvernement français.  Encore en fin de semaine dernière, les prises de position ont été nombreuses dans  le monde paysan pour demander au président de la République et à son gouvernement de  pas ratifier l’accord de libre échange entre  l’Union européenne et le Canada. Selon le syndicat Jeunes Agriculteurs, « les positions de la Wallonie  doivent  interroger les décideurs  français : les conséquences de cet accord international sont très inquiétantes concernant l’agriculture. Sur les filières viande, des contingents supplémentaires  de viande bovine (45.000 tonnes) et de viande porcine (75.000 tonnes sont à prévoir», souligne le syndicat dans un communiqué avant de rappeler que l’agriculture française  « fait face à de multiples crises ».
Une lettre de l’interprofession  bovine à François Hollande
L’Interprofession bovine  fait part de  la même inquiétude  dans une lettre au président de la République  dans laquelle on peut lire : « Les éleveurs ont tout à craindre du CETA. Tandis  qu’ils se battent actuellement pour continuer à vivre péniblement de leur métier,  et alors que le marché est déjà saturé, comment pourraient-ils  supporter la concurrence déloyale de viandes canadiennes  produite au sein de véritables usines  à viandes, dans lesquelles sont engraissés plusieurs dizaines de milliers d’animaux, aux farines animales et aux antibiotiques permanents ? De plus, vouloir se dédouaner sous prétexte  d’hypothétiques débouchés  européens, pour ne pas dire français sur  ce marché canadien lui-même  saturé par ses propres viandes,  ou celles de ses voisins, n’apporte pas de réassurance, bien au contraire », dit la lettre à François Hollande.
S’agissant du porc  c’est la Fédération régional FNSEA des Pays de la Loire  qui alerte sur la baisse du prix du porc   charcutier  qui passe de 1 ,53  à 1,34 €  en trois semaines, perdant  ainsi les  19 centimes  qui assuraient depuis trois mois la rémunération des éleveurs. « Alors  que les éleveurs ont à peine eu le temps de bénéficier de quelques bouchées d’oxygène, cette baisse  de près de 20 centimes du cours, en un mois seulement, les replonge   dans une situation critique », indique la FRSEA  des Pays de la Loire.
Pendant trois mois,  les cours du porc s’étaient assez bien tenus en Europe car la Chine avait décidé  d’augmenter ponctuellement    ses  importations. Mais  les Etats Unis visent aussi le marché chinois  et sont « actuellement en phase de surproduction » indique le syndicat qui ajoute ce commentaire : « Lorsque le cours  américain atteignait il y a deux ans des niveaux exceptionnels , les cours français dégringolaient. Aujourd’hui, alors que le cours  baisse aux USA, il baisse aussi chez nous : cherchez l’erreur », lit-on dans ce communiqué.
Le rôle de Sarkozy, Fillon , Attali et Macron
En France, une partie de l’erreur  est à chercher  dans la mise en place de la Loi de modernisation économique (LME) que Nicolas Sarkozy et François Fillon ont fait voter par une majorité de députés  et de sénateurs en 2008. Depuis  cette date, le pillage de ses fournisseurs par la distribution augmente. Cet automne encore,  les négociations commerciales  sur les prix pour 2017 entre les négociateurs  des centrales d’achat et ceux de leurs fournisseurs conduisent les premiers  à exiger des baisses permanentes de prix des seconds. Selon l’observateur de la distribution Oliviers Dauvers,  interrogé  le 14 octobre par l’hebdomadaire   « La France Agricole », cela donne lieu  à « des batailles féroces. Les promotions ont pris le relais de la guerre des prix, mais  c’est toujours au fournisseur de payer. On atteint le  plus haut niveau historique  d’agressivité ».
Le pillage des petits et moyens industriels  de l’agro-alimentaire par les distributeurs résulte d’une suggestion faite à Sarkozy en 2007 par Michel- Edouard Leclerc. Pour faire passer la pilule,  on commanda un rapport à une commission présidée par  Jacques Attali  afin que les négociations  commerciales fassent l’objet d’un bras de fer permanent. Le rapporteur  de ce guide pour un pillage inédit du travail des paysans par les grandes surfaces était déjà Emmanuel Marcon, jeune protégé de Jacques Attali. Depuis que François Hollande  est devenu président de la République, les choses ont encore empiré.  L’agressivité commerciale des distributeurs est telle que, depuis la mise en place du CICE, certains distributeurs  demandent à leurs fournisseurs  de leur ristourner sous forme de baisse de prix l’équivalent de la moitié  des sommes perçues à ce titre. Or les grandes surfaces  sont pourtant  les plus gros bénéficiaires direct du CICE,  presque tous leurs salaires étant sous la barre de 2,5 fois le SMIC. Elles ont profité de cette manne pour investir dans l’augmentation  des surfaces de linéaires que permettait  la LME et  pour bétonner de nouvelles terres agricoles afin monter ces magasins « drive » ce l’on voit fleurir un peu partout.  Au final, tout cela ne fait pas augmenter les ventes globalement  mais augmente  le bilan carbone du contenu de notre assiette  en ruinant ceux qui produisent la nourriture ! Beau résultat pour le CICE.
Même le patron de Système U tire la sonnette d’alarme
Pour sortir  de cette situation qui ruine les paysans et beaucoup de PME, Oliviers Dauvers estime qu’une  « première étape serait  d’interdire la négociabilité   du tarif industriel. En d’autres termes, que l’on redonne la primauté aux conditions générales de vente  sur les conditions générales d’achat, comme auparavant. C’est le seul moyen  de changer le rapport de force  et la négociation. Sinon, les distributeurs continueront de  serre la vis au maximun», affirme cet observateur.
La situation faite aux petits et moyens fournisseurs de la distribution,  et finalement aux paysans,  est telle que  Serge Papin , président  de l’enseigne Système U  et seul dans son camp  à s’inquiéter d’une politique de pillage  qui finira par  « tuer la poule au œufs d’or »,  s’est prononcé pour la fin  du principe de négociations annuelles sur les prix. En France, selon lui, « on a une idée assez précise  de ce qu’on vendra l’an prochain   en lait, porc, bœuf  pour pouvoir sortir  de ce cadre ». Estimant que la LME  est devenue une jungle  il a déclaré lors d’une  conférence de presse tenue le 4 octobre dernier : «  Si on veut sortir de cette négociation annuelle, et on le peut, il faudra une collaboration  entre les PME et les distributeurs  pour tirer dans le même sens au lieu de s’opposer ». Serge Papin ajoute qu’à l’issue de la prochaine élection présidentielle, mettre fin  à la négociation   annuelle nécessitera  un vote du Parlement  car « rien de change le point de vue des  grands acteurs (des enseignes, NDLR) .Pourquoi remettraient-ils en cause  ce qui a fait leur   plus grande compétitivité  pendant des années ? » demande-t-il en guise de conclusion.
 Voilà donc un sujet d’interpellation pour les candidats et les candidates à la présidence de la République comme à la députation.      


 
Un accord incompatible  avec les objectifs de la Cop 21
Selon ATTAC  , « le  texte du CETA ne fait aucune mention de l’urgence climatique, ou de l’accord de Paris sur le climat, pas plus que d’un objectif  déduction d’émission de gaz à effet de serre(…) La protection   des investisseurs intervient  au détriment  de la capacité  des Etats et collectivités  à opérer la transition énergétique, les entreprises extractives   et d’infrastructures  étant dotées de moyens nouveaux  pour empêcher  les   Etats de contrôler , voire limiter leurs activités. Il n’y a aucun dispositif contraignant en matière d’environnement  ou de développement durable. Le CETA promeut  et organise  la libéralisation  du secteur de l’énergie au détriment des énergies renouvelables et de la sobriété énergétique. Le CETA institue une préférence pour les énergies fossiles - et plus largement  les matières premières-  au détriment du déploiement des énergies renouvelables », analyse Maxime Combes pour ATTAC.
Que dire de plus, si ce n’est qu’il faut un sacré toupet chez François Hollande et l’équipe gouvernementale de Manuel Valls pour prétendre qu’il s’agit là d’un bon  accord.

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