lundi 27 février 2017

Institution. Que peuvent les profs face au sexisme à l’école ?

Institution. Que peuvent les profs face au sexisme à l’école ?

Entretien réalisé par Mina Kaci
Mercredi, 22 Février, 2017
L'Humanité

Françoise Vouillot, enseignante-chercheuse, synthétise le rapport sur la formation des personnels de l’éducation à l’égalité entre filles et garçons que le Haut Conseil a remit le 22 février 2017.
Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a remis une étude sur la formation des personnels de l’éducation nationale au principe d’égalité. Sa corapporteure, Françoise Vouillot, déplore la persistance des stéréotypes et rappelle le rôle de l’école dans ce combat.
En quoi l’école est-elle centrale pour construire une société égalitaire ?
Françoise Vouillot Les élèves passent, en moyenne, entre quinze et dix-huit ans de leur vie à l’école, à raison de trente heures par semaine. C’est un temps crucial dans le développement intellectuel, social et émotif des futurs citoyens et citoyennes. Ce temps correspond à une période primordiale du petit humain. À l’école, on ne fait pas que découvrir les maths, la géo ou l’histoire, on y apprend aussi à devenir des filles et des garçons, des femmes et des hommes. Mais, comme ailleurs, l’école reste traversée par les stéréotypes de sexe et par les normes de masculinité et de ­féminité, par du sexisme, par ce que ­Françoise Héritier appelle la « valence différentielle des sexes », où le masculin vaut plus que le féminin. En famille et dès les premières années d’école, ils vont être exposés à ces normes de sexe, dont les enseignants n’ont pas toujours conscience.
Le comportement des enseignants est-il vraiment différent selon qu’ils s’adressent aux filles ou aux garçons ?
Françoise Vouillot Nous nous appuyons sur plusieurs années de recherche en ­sociologie ou en sciences de l’éducation qui montrent, dans différentes facettes de la vie à l’école, la réalité de certains comportements. Par exemple, on pense souvent que les garçons sont, « par ­nature », plus doués pour les maths et la physique. De même, en classe, les enseignants ont tendance à interagir plus fréquemment avec les garçons qu’avec les filles. Les sanctions disciplinaires, elles, concernent très majoritairement les premiers, avec pour conséquence de les amener à considérer le système punitif comme un moyen de se faire valoir et d’affirmer sa virilité. Les recherches ont également mis en lumière que les garçons occupent davantage l’espace à la récréation, tandis que les filles restent cantonnées sur les côtés de la cour.
Comment expliquez-vous le comportement des enseignants ?
Françoise Vouillot Les personnels ont été eux aussi, dans leur vie, imprégnés par les rôles assignés au masculin et au féminin ainsi que tous les stéréotypes de sexe qui façonnent la société.
Quel bilan faites-vous de la formation des enseignants sur cette question ?
Françoise Vouillot Depuis la loi de refondation de l’école, en 2013, il existe un module de formation à l’égalité entre filles et garçons dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espe). Sans nier les progrès, on constate néanmoins que l’offre de formation demeure incomplète. Dans l’enquête réalisée par le HCE, seule la moitié des Espe – douze sur les vingt-quatre qui ont répondu à notre étude – considèrent avoir formé la totalité de leurs étudiants et étudiantes. Cela reste très hétérogène : l’Espe de Créteil, par exemple, délivre une cinquantaine d’heures, tandis que d’autres organisent juste un débat de deux heures.
Pourquoi une telle situation ?
Françoise Vouillot Il y a vraiment un manque de personnels compétents pour assumer ces formations. Le cahier des charges du ministère n’est pas opérationnel pour l’instant car les moyens humains ne suivent pas. Et puis, les étudiants des Espe eux-mêmes ne sont pas toujours demandeurs, peu conscients de ces enjeux. Sans doute estiment-ils que nous sommes déjà dans une école égalitaire et républicaine.
Quelles propositions faites-vous ?
Françoise Vouillot Déjà, dans tous les Espe, on ne devrait habiliter que les maquettes de formation qui contiennent un module suffisamment long sur la question de l’égalité, pour être sûr que l’ensemble des ­enseignants soit sensibilisé. D’autres ­recommandations insistent également sur la nécessité d’une formation continue des acteurs du système éducatif, afin qu’ils changent leurs représentations, exercent un œil critique sur leurs outils ­pédagogiques et modifient leur pratique ­professionnelle.
Six recommandations du HCE
Dans les six propositions émises par le Haut Conseil à l’égalité, il est souligné la nécessité de conforter la présence de personnes ressources sur l’égalité dans chaque école supérieure du professorat et de l’éducation. De même, il est recommandé de faire de l’égalité une connaissance requise pour obtenir des diplômes d’enseignant, de personnel d’inspection, de direction, de conseiller d’orientation, de psychologue et de conseiller principal d’éducation. Il est, entre autres, suggéré de sensibiliser les présidents de jury de concours et d’intégrer cette question dans l’évaluation des stages des professeurs débutants.

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