lundi 27 février 2017

Politique. Après l’affaire Fillon, comment éviter de tomber dans le piège du « tous pourris » ?

Politique. Après l’affaire Fillon, comment éviter de tomber dans le piège du « tous pourris » ?

Jeudi, 23 Février, 2017
L'Humanité

Avec les contributions de Éric Alt, magistrat, Isabelle Attard, députée EELV du Calvados et Daniel Lebègue, président de Transparency International France.
Rappel des faits. Les révélations au sujet de l’emploi d’assistante parlementaire de Penelope Fillon ont créé un climat de fin de régime. Quel rebond pour le débat démocratique ?

  • Il est urgent de lancer des réformes institutionnelles par Éric Alt, magistrat (*)
     
François Fillon avait tweeté : « Il y a une injustice sociale entre ceux qui travaillent dur pour peu et ceux qui ne travaillent pas et reçoivent de l’argent public. » Il n’avait pas anticipé l’effet boomerang. Mais, grâce à lui, nous en savons plus sur les privilèges de nos représentants. Sans doute sont-ils majoritairement honnêtes et rares sont ceux qui font un usage désinvolte de leurs « enveloppes collaborateurs ». Mais, sauf quelques notables exceptions, ils n’ont pas eu le courage de remettre en cause leurs petits avantages : absence de contrôle des frais de mandat, distribution des fonds de la réserve parlementaire pour maintenir des clientèles. Ils ne se sont pas inquiétés du spectacle de l’inviolabilité parlementaire invoquée non pour protéger la fonction, mais pour se soustraire à la justice. Grâce à lui, nous savons que la justice est égale pour tous, mais que certains se veulent toujours plus égaux que d’autres. Le parquet national financier fait son travail et ce serait un scandale… Sans doute préfèrent-ils la Cour de justice de la République, qui ménage les intérêts des puissants. Ou des procureurs qui demandent des consignes à la chancellerie…
Grâce à lui, nous en savons plus sur les parlementaires consultants, qui gagnent plus en consultant qu’en légiférant. Le mandat n’est alors plus qu’une activité annexe, qui peut être pratiquée en dilettante. Nous attendons ce que le déontologue de l’Assemblée nationale va dire d’un député qui facturait légalement 200 000 euros ses consultations à un assureur et qui souhaitait favoriser l’assurance privée en limitant le champ de la Sécurité sociale.
Grâce à lui, nous prenons la mesure de la dégradation de notre système présidentialiste, de l’addiction de certains de nos représentants à la richesse et au pouvoir, de la porosité entre le politique et l’économique… Mais en prenant conscience que le pire est probable, nous réalisons que le meilleur est possible.
Le meilleur n’est pas utopique. Ce serait tout simplement le retour à nos fondamentaux, inscrits dans la Déclaration des droits de l’homme de 1789, dont le préambule rappelle que « l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements ». Il s’agit seulement de donner de l’effectivité aux principes qui fondent la République. Car l’égalité devant la loi, l’égalité devant l’impôt, la liberté d’expression (la liberté de la presse), le droit pour les citoyens de demander compte aux agents publics de leur administration, leur égale admissibilité aux emplois publics, la séparation des pouvoirs (l’indépendance de la justice) sont autant d’obstacles aux abus et à la corruption. Il s’agit aussi de donner de l’effectivité aux droits économiques et sociaux, proclamés par la Déclaration de 1946, et toujours « particulièrement nécessaires à notre temps ».
Le décalage est aujourd’hui considérable entre ces principes fondamentaux et la réalité d’une monarchie républicaine, d’un pouvoir oligarchique et d’une souveraineté populaire devenue « zombie » – comme le dit si bien la politologue Chantal Mouffe. Les premières manifestations de rue contre la corruption témoignent qu’un seuil d’exaspération a été atteint.C’est pourquoi il y a urgence démocratique à faire des réformes institutionnelles majeures, à restituer au peuple une souveraineté dont il a été dépossédé, à sortir d’une culture politique frelatée. L’association Anticor propose, dans sa charte éthique pour la présidentielle, une déclinaison contemporaine des fondamentaux de la République. Ce serait déjà un premier pas pour retrouver un idéal politique où les citoyens reprennent la main pour décider de leur destin.
(*) Vice-président d’Anticor, association luttant contre la corruption et visant à rétablir l’éthique en politique.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire