mercredi 8 février 2017

Le terrible témoignage de Théo, victime de viol à Aulnay

Le terrible témoignage de Théo, victime de viol à Aulnay

Laurence Mauriaucourt
Lundi, 6 Février, 2017
Humanite.fr

Le jeune homme de 22 ans, victime d’une pénétration anale avec une matraque policière, livre son récit des faits. Retour sur ce qui s’est passé à Aulnay-sous-Bois, les premières étapes de l’enquête et les réactions.  
Lundi 6 février
Le jeune homme qui a été victime de violences et de viol suite à son interpellation par quatre policiers à Aulnay, jeudi, qui a dû être opéré, est toujours hospitalisé. Les habitants, parmi lesquels de nombreux jeunes vêtus d'un T-shirt blanc réclamant "justice", se rassemblent au pied de l'immeuble où vit le jeune homme, dans la cité des 3.000.  Derrière une banderole "Justice pour Théo", ils marchent, en début d'après-midi, vers l'antenne du commissariat située au coeur de cette vaste cité de Seine-Saint-Denis, en chantant la Marseillaise.
Interrogée par BFMTV, Aurélie, la soeur aînée du jeune homme, lance "un appel au calme" et dit faire "confiance à la justice". "Mon frère est dans un état assez critique", a-t-elle indiqué.
Le jeune homme a raconté son interpellation à son avocat. . Extrait : " Il prend sa matraque et il me l’a enfoncée dans les fesses, volontairement. Dès qu’il m’a fait ça je suis tombé sur le ventre, j’avais plus de force. Là il me dit 'les mains dans le dos', j’ai dû mettre mes mains dans le dos, ils m’ont mis les menottes et là ils m’ont dit ‘assieds-toi maintenant’, je leur ai dit ‘j’arrive pas à m’asseoir, je sens plus mes fesses’, et ils m’ont mis des gaz lacrymogènes dans la tête, dans la bouche, un coup de matraque en pleine tête, et moi j’avais tellement mal aux fesses que cette douleur-là semblait éphémère (…) c’était vraiment trop dur pour moi. (...) Mon pantalon était baissé, j’avais vraiment mal ".
Le Défenseur des droits annonce qu’il va lancer à son tour une enquête.
Dimanche 5 février
Le jeune homme est toujours hospitalisé. Le parquet de Bobigny annonce « l'ouverture d'une information judiciaire pour violences volontaires avec arme par personnes dépositaires de l'autorité publique », estimant qu'il n’y aurait pas eu d’élément intentionnel de pénétration.  Mais, le juge d'instruction chargé de l'enquête décide, in fine, de poursuivre l'auteur présumé des coups de matraque télescopique en le mettant en examen pour "viol". Ses trois collègues pour violences volontaires en réunion.
Dimanche soir, un important dispositif policier est déployé dans Aulnay, comprenant une compagnie de CRS appelée en renfort. Les forces de l’ordre ont été la cible de tirs de mortier artisanal et cinq personnes ont été interpellées.
Samedi 4 février
Entre 21h et 23h, de brefs incidents éclatent dans la vaste Cité des 3.000, où une voiture est brûlée et une tentative d'incendie est constatée sur un bus. Des abribus sont également cassés, et le quartier plongé dans l'obscurité après le sabotage de l'éclairage public.
Vendredi 3 février
Théo est toujours hospitalisé, affirmant avoir subi des violences au moment de son interpellation, de son menottage ainsi que dans le véhicule de police. Les policiers continuent de nier. Leur garde à vue est prolongée de 24 heures. La scène a été filmée par des habitants. La vidéo commence à circuler sur internet.
Jeudi 2 février
1ère version des faits : vers 17h, à Aulnay-sous-Bois (Seine Saint-Denis), des policiers "procèdent au contrôle de l'identité d'une dizaine de personnes « après avoir entendu les cris caractéristiques des guetteurs de points de vente de stupéfiants", explique un communiqué du Parquet de Bobigny. Au cours de cette opération, les policiers "tentent de procéder à l'interpellation d'un homme de 22 ans" et, "au regard de la résistance de ce dernier", font "usage de gaz lacrymogène et, pour l'un d'entre eux, d'une matraque télescopique".
Plus tard, la version des faits se précise : les quatre fonctionnaires procèdent à un contrôle dans la Cité des 3.000 quand un jeune homme d'une vingtaine d'années "s'interpose violemment", selon une source policière. S'ensuit une "bagarre", filmée par les caméras de la police municipale, avant que le jeune homme, maîtrisé à l'aide de matraques, ne soit menotté puis emmené au commissariat de la ville, relate l’AFP.
Après son transport à l'hôpital Robert Ballanger d'Aulnay, un médecin constate que, Théo, la victime, par ailleurs blessé au visage et au crâne, présente "une plaie longitudinale du canal anal", une déchirure de 10 cm, et une "section du muscle sphinctérien ». Il lui prescrit 60 jours d'incapacité totale de travail (ITT).
Les quatre fonctionnaires, initialement soupçonnés de "viol", sont placés en garde à vue dans les locaux de la "police des polices", l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).
Les quatre hommes sont par ailleurs placés sous contrôle judiciaire et trois d'entre eux se voient interdire par le juge d'exercer l'activité de fonctionnaire de police. Le Ministre étend la sanction à l’ensemble des quatre hommes. Ces quatre agents de la brigade spécialisée de terrain (BST) d’Aulnay-sous-Bois ont  désormais "l’interdiction d’exercer l’activité de fonctionnaire de police" et "l’interdiction de paraître en Seine-Saint-Denis".

Parmi les déclarations :
-              "Y en a marre des cow-boys dans les quartiers", a lancé Houria, 44 ans, habitante d’Aulnay à l'AFP. "On en a marre de la violence. Mon fils a 15 ans, ce sera lui qui demain se fera baisser le pantalon et violer +sans faire exprès+? Les policiers ne respectent pas les jeunes, comment voulez-vous qu'ils les respectent ensuite?", s'est-elle interrogée.
-              Rabia, 50 ans, mère d'un fils de 19 ans et d'une fille de 17 ans, a expliqué que "ce qui s'est passé a choqué tout le monde". Elle a dit avoir "peur" pour son enfant, car "ça peut lui arriver aussi". Même si "les contrôles d'identité se passent bien" d'habitude, là ça a tourné au "drame".
-              "Sur la vidéo, on voit un coup de matraque télescopique, à l’horizontale, vers la victime. Le coup traverse le caleçon, nous pensons que c’est celui-ci qui entraîne la blessure". Source « proche du dossier, dans Le Monde.
-              Quand les policiers sont arrivés sur place dans la Cité des 3.000, raconte un témoin dans Le Parisien, "ils ont giflé un petit. Par la suite, le petit Théo a voulu s’interposer pour défendre son pote (…) et les flics n’ont pas aimé." "Il y a des échanges de mots mais on ignore ce qui se dit, complète une source proche de l’enquête dans Le Monde. Assez rapidement, les policiers font usage de gaz lacrymogène".
-              Les avocats de l'un des trois policiers accusés de violences, Pascal Rouiller et Sandra Chirac Kollarik, ont expliqué dans un communiqué que ce dernier "récus(ait) toute faute qui lui serait personnellement imputable, et s'était expliqué en garde à vue sur l'usage qu'il a dû faire de la force dans le cadre d'une interpellation qui malheureusement a dégénéré"
-              Bruno Le Roux "réaffirme avec la plus grande fermeté sa détermination à voir l'exemplarité et le respect guider en permanence l'action et le comportement des forces de l'ordre".
-              "Des faits inacceptables pour des policiers", selon Pierre Laurent, secrétaire national du PCF
-              Dimanche matin, le maire LR de la commune, Bruno Beschizza, avait de son côté dénoncé la requalification des accusations de "viol" en "violences", "vécue comme un détournement de vérité", selon lui.
-              "C'est un vrai choc, comme on n'en a jamais connu à Aulnay. Théo (le jeune homme blessé) est un citoyen français engagé dans la vie de son quartier, c'est une famille exemplaire", a dit à l'AFP Hadama Traoré, qui a grandi aux "3.000" et vient de fonder un mouvement citoyen, "La révolution est en marche".
-              Pour le président PS de la Seine-Saint-Denis, "les conditions de cette interpellation, ses motifs posent de très nombreuses questions". "S'il y a des milliers de policiers qui font correctement leur travail (...), encore trop d'interpellations tournent au cauchemar pour certains jeunes. C'est l'image de la République qui est mise à mal, il est urgent d'y remédier", estime Stéphane Troussel dans un communiqué.
-              Dans un communiqué, Dominique Sopo, président de SOS Racisme, a souligné que "les bavures continuent" et a estimé que "les habitants des quartiers populaires ne sont pas des sous-citoyens et la République, dans toutes ses composantes, leur doit le respect."
"C’est une affaire exceptionnellement grave (...), ce gamin n’est pas connu des services, il appartient à une famille de gens parfaitement intégrés qui ne cherchent pas d’histoires. (...) Il y a une exigence vis-à-vis de la justice, la famille veut des réponses", a réagi sur France Inter ce lundi 6 février l’avocat de la victime, Eric Dupond-Moretti,
Une autre affaire du même genre vécue à Drancy
Début janvier, six mois de prison avec sursis avaient été requis dans une autre affaire contre un policier municipal de Drancy (Seine-Saint-Denis), accusé d'avoir violenté avec sa matraque un homme de 27 ans lors d'une interpellation mouvementée en 2015. Le certificat médical établi cette nuit-là avait attesté d'une "pénétration". Le tribunal doit rendre sa décision le 20 février.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire