jeudi 17 décembre 2015

État d’urgence : pourquoi il faut refuser sa constitutionnalisation

État d’urgence : pourquoi il faut refuser sa constitutionnalisation

Mercredi, 16 Décembre, 2015
L'Humanité

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PHOTO LOIC VENANCE/AFP
Depuis trois semaines, les dérives liées à l’état d’urgence se multiplient. Loin de traquer les seules filières djihadistes, ce régime dérogatoire aux libertés a une fâcheuse tendance à viser le mouvement social. De nombreuses voix s’élèvent pour refuser son inscription dans la Constitution.
L a réunion a eu lieu le 20 novembre à Matignon, au lendemain de la décision, votée par l’Assemblée nationale, d’étendre l’état d’urgence pendant trois mois. Face à Manuel Valls, l’ensemble des responsables syndicaux sont regroupés. Avec, pour beaucoup, la même inquiétude : que les mesures exceptionnelles adoptées la veille dé- bordent largement du seul cadre de la lutte antiterroriste. Céline Verzeletti, membre de la direction confédérale de la CGT, se souvient très bien de la réponse rassurante du premier ministre. « Non, je vous le confi rme, on est bien dans la lutte contre le terrorisme, et rien d’autre. Il ne s’agit pas d’entraver les libertés syndicales. » Manuel Valls va même plus loin. À part la grande mobilisation citoyenne de la COP21, il n’y aura pas d’interdiction des petites manifestations… Presque un mois plus tard, la responsable syndicale, dont l’organisation avait pris position contre le prolongement de l’état d’urgence, tire un bilan dépité. « Malheureusement, nos craintes se sont confi rmées. » Les préfets font un usage « élastique » des mesures d’exception Bien loin de traquer les seules fi lières djihadistes, le régime dérogatoire de l’état d’urgence a aussi une fâcheuse tendance à réprimer durement le mouvement social. Les interdictions de rassemblement et les assignations à résidence (354 depuis le 14 décembre) contre des personnes « dont le comportement peut constituer une menace pour la sécurité et l’ordre public » sont parfois utilisées par les pré- fets avec une élasticité coupable. Les mouvements sociaux et citoyens sont menacés Depuis trois semaines, les exemples se multiplient (lire page 6). Il y a eu des coups d’éclat, comme l’impressionnante répression de la manifestation de la place de la République, le 22 novembre, débouchant sur 58 interpellations et des gardes à vue de parfois quarante-huit heures. Mais pas seulement. Ici, c’est une cégétiste convoquée au commissariat pour avoir organisé une manifestation pour la paix. Ailleurs, une poignée de salariés empêchés par la police de tracter devant leur entreprise car ils sont « plus de deux » dans la rue. Ou encore cette traditionnelle manifestation de soutien à Mumia AbuJamal, interdite au nom d’un risque de trouble à l’ordre public… Autant de restrictions et brimades qui, mises bout à bout, ne peuvent qu’amener à la conclusion que le mouvement social est dans le viseur. Et inquiéter d’autant plus à l’heure où le gouvernement entend graver l’état d’urgence dans le marbre de la Constitution.

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