lundi 21 décembre 2015

La grève des Sidel fait naître des solidarités

La grève des Sidel fait naître des solidarités

 
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JÈrÙme LALLIER
Les salariés de l’entreprise Sidel, qui fabrique des machines à embouteiller, ont entamé une grève le 14 décembre 
en réaction à un plan de licenciements. La solidarité s’organise et consolide le rapport de force.
Envoyé spécial, Octeville-sur-Mer (Seine-Maritime).  « Ce n’était pas dans la culture de Sidel de faire la grève. » Barbara et Isabelle (*) n’en reviennent toujours pas. Et pourtant, elles viennent de passer une partie de la nuit et la matinée devant la porte de leur usine de machines à embouteiller, sous les barnums de l’UL CGT, avec plus d’une centaine de leurs collègues. Devant le feu de palettes alimenté jour et nuit, entre deux éclats de rire témoignant de la cohésion des salariés, on se remémore comment on en est arrivé là. « Dès juillet 2015, des rumeurs de plan social couraient dans l’usine », se souvient Werner Le Doaré, élu CGT au CHSCT. On a donc émis un droit d’alerte et, dès la rentrée de septembre, la direction a convoqué une réunion lors de laquelle elle a annoncé les suppressions de postes de son plan de sauvegarde de l’emploi ». Sur les 821 salariés qui font tourner le site de Sidel à Octeville-sur-Mer près du Havre, 190 seraient sur la sellette.
 

« 90 % des salariés 
sont mobilisés »

Selon l’intersyndicale CGT, CFE-CGC, CFDT, avec le soutien de l’Unsa, c’est une conséquence directe de la stratégie du groupe Tetra Laval (géant de l’emballage connu pour ses produits Tetra Pak), qui a racheté Sidel au début des années 2000. Commencent alors des négociations autour de l’accord de méthode. Pendant ce temps, les organisations syndicales travaillent avec tous les services (techniciens, vente, recherche et développement, etc.) pour développer des contre-propositions afin d’assurer la pérennité du site et maintenir les exigences de qualité. Car, en voulant transférer des compétences vers le site de Parme en Italie, la direction de Sidel prend le risque de perdre des contrats avec des firmes bien connues d’eau minérale ou de boissons gazeuses et de mettre en péril l’existence du site d’Octeville. D’ailleurs, « depuis 2013, de telles erreurs managériales ont déjà été commises, occasionnant une chute des ventes que nous n’avons pas récupérées depuis », souligne Thierry Lemblé, élu CFE-CGC au comité d’entreprise et au Comité de groupe européen. Ce cadre en recherche et développement rentré chez Sidel rappelle par ailleurs que des entreprises de sous-traitance travaillent pour Sidel. Sociétés de maintenance, de montage, d’électricité sont aussi concernées par la situation dans ce qui reste une des plus grosses usines du secteur. Au reste, c’est tout le bassin havrais qui regarde vers Sidel depuis que la grève est votée à une large majorité le 14 décembre. « 90 % des salariés sont mobilisés », se réjouit Reynald Kubecki, délégué du personnel et secrétaire du syndicat CGT du site. « Et la solidarité s’organise. Pour pouvoir tenir, on fait une grève tournante. » À 14 heures, en s’approchant du feu sur lequel cuisent des grillades bien méritées, les équipes qui ont travaillé le matin viennent remplacer leurs collègues sur le piquet de grève. De main en main, un cahier circule pour recueillir les inscriptions de ceux qui resteront la nuit. « On ne va pas laisser faire un tel gâchis », lance Stéphane, un salarié non syndiqué mais qui n’entend rien lâcher, comme en écho à la chanson de HK et les Saltimbanks qui résonne dans les haut-parleurs. Il faut dire que la solidarité va bien au-delà des seuls salariés de l’usine. « Une dame que l’on ne connaissait pas est passée ce matin avant d’aller à son travail et nous a donné des pleins sachets de croissants et de pains au chocolat », se réjouit un salarié. « Le boucher-charcutier d’Octeville a ramené des pâtés et des ouvriers de l’entreprise d’engrais Yara et de la société Total viennent nous soutenir », précise un autre. Et lorsque Reynald Kubecki est menacé d’être convoqué au commissariat, ce sont plus de 2 000 dockers et quelque 2 000 autres salariés du Port autonome du Havre qui annoncent être prêts à faire la grève pour le soutenir. « Quand on touche à un camarade de la CGT, on touche à toute la CGT », prévient un syndicaliste. Lundi soir, une délégation a investi le conseil municipal du Havre et jeudi, ils devaient interpeller les élus réunis en conseil d’agglomération du Havre (Codah), tandis que les délégués syndicaux étaient reçus par le sous-préfet mardi. Sur le piquet de grève, reconduite tous les soirs en assemblée générale, on remplit déjà les plannings pour Noël et le jour de l’An.

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