jeudi 1 septembre 2016

À Champigny, les parents d’élèves font aussi leur rentrée scolaire

À Champigny, les parents d’élèves font aussi leur rentrée scolaire

 
Dans Les écoles de Champigny. les parents d’élèves, les enseignants, les syndicats et la municipalité sont mobilisés contre les fermetures de classes. PHOTOPQR/LE PARISIEN/Fabienne Huger
Dans Les écoles de Champigny. les parents d’élèves, les enseignants, les syndicats et la municipalité sont mobilisés contre les fermetures de classes. PHOTOPQR/LE PARISIEN/Fabienne Huger
PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP
Après une longue mobilisation au printemps dernier, les parents d’élèves de Champigny-sur-Marne se préparent à une nouvelle année d’engagements. Leur credo : empêcher les fermetures, obtenir des effectifs réduits dans les classes et les remplacements de profs.
Tranquillement ou en courant, seuls ou accompagnés, cartables à roulettes en main ou sac à dos sur les épaules, plus de 12 millions d’élèves vont retrouver ce jeudi leur école, collège ou lycée, mais aussi leurs professeurs et leurs copains. Ils ont été précédés par les 861 000 enseignants dont la rentrée a eu lieu hier. Chaque matin, près d’un quart de la population prendra ainsi le chemin de l’école. Le groupe scolaire Maurice-Denis, à Champigny-sur-Marne, a déjà repris vie. Certes, le soleil et la pluie ont eu raison des couleurs des banderoles accrochées à la façade depuis le printemps dernier. Les mots d’ordre contre les fermetures de classes ont perdu de leur éclat mais ils pourraient le retrouver bien vite. À deux pas de là, des parents sont aux aguets, prêts à reprendre leur place. En début de semaine, ils – enfin plutôt elles – étaient une petite dizaine à se retrouver pour une opération de « mise sous pli » des informations du comité local FCPE à destination des parents. L’enveloppe se retrouvera dans les cartables des bambins de maternelle et de primaire. Le lendemain, malgré les enfants dont il faut s’occuper, les derniers préparatifs pour lancer cette année scolaire, la fatigue de la journée de travail, ou encore, pour la présidente du comité local de l’école, Charlotte Malek, un bébé à venir dans tout juste un mois, plusieurs d’entre elles comptent participer au collectif des parents d’élèves de Champigny. Dans cette ville populaire du Val-de-Marne, onze classes étaient menacées de fermeture. La mobilisation des parents et des enseignants, mais aussi de la municipalité, a permis de réduire un peu la saignée. Tous veulent désormais obtenir plus. « C’est étrange, nous n’entendons jamais parler de suppression de classes à Saint-Maur ou à Vincennes, contrairement à Champigny, Vitry, Fontenay-sous-Bois, des villes populaires », font remarquer Charlotte Malek et Élise Cador, les animatrices du comité de parents de cette école du centre-ville.
Fatoumata N’ze N’gong a elle aussi prévu de se rendre à la réunion du collectif, malgré un emploi du temps bien chargé, entre ses deux enfants scolarisés, l’un en CM1, le second en 6e, et son travail d’auxiliaire de puériculture. Elle exerce de nuit dans un foyer d’accueil de jeunes femmes isolées au cours de leur maternité. En février dernier, le sang des parents du quartier du Bois l’Abbé où elle vit n’avait fait qu’un tour en apprenant la fermeture de quatre classes, deux en primaire, deux en maternelle, dans leur école classée en éducation prioritaire (REP+). «Nous subissions déjà des non-remplacements, notamment celui d’un congé maternité. Les parents s’inquiètent forcément du retard pris par leurs enfants et des acquisitions qui leur manquent. » S’en était suivi cinq mois d’occupation quotidienne du groupe scolaire organisée par un collectif créé par les occupantes. « À cette occasion, j’ai découvert des femmes extraordinaires, raconte Valérie Cerveaux, enseignante à l’école Anatole-France, présente dans le quartier depuis une vingtaine d’années. Je les voyais organiser la garde des tout-petits pour participer aux réunions le soir ainsi qu’aux manifestations. Elles se préoccupaient de tous les enfants, et pas seulement des leurs. Elles sont vraiment dans l’intérêt collectif. Cela contredit tellement le regard souvent porté sur ces familles, accusées de ne pas s’occuper de leurs enfants. » Un bel hommage, une éclaircie notable dans le ciel de plus en plus orageux des relations entre professeurs et parents.

« Les enseignants ont besoin de nous, les parents »

Ceux du plus gros collège du Val-de-Marne se sont également engouffrés dans le vent de la colère des écoles élémentaires. « Nous avons répondu à l’appel d’urgence des professeurs du collège », explique joyeusement Hélène Bidault, la présidente du comité local FCPE du collège Paul-Vaillant-Couturier. « C’est fou. Les enseignants seuls n’arrivent pas à se faire entendre de leur administration. Ils ont besoin de nous, les parents », s’étonne-t-elle. Bien leur en a pris : ils ont depuis obtenu un troisième conseiller pédagogique d’éducation (CPE), certes stagiaire (le ministère n’a créé aucun poste de CPE cette année). Le maintien du poste d’infirmière un temps remis en cause leur a également été confirmé. Qu’en est-il de la réforme du collège ? Hélène Bidault a en main un dossier remis au moment de l’inscription en 6e de son jeune fils. Mais rien pour l’aîné qui entre en 3e. « Cette réforme, j’en connais juste les grandes lignes. Mais sur les séances d’accompagnement (AP) ou les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), c’est le flou total. En revanche, je sais que l’application de la réforme va varier d’un établissement à l’autre. En résumé, je suis dans l’expectative. » À son agenda des prochaines heures, les questions à poser au principal du collège sur les conditions de la rentrée, et en particulier les effectifs par classe, qualifié de « problème numéro un » : « Comment s’occuper sérieusement de tous les élèves à trente par classe ? » interroge-t-elle. « Et que dire des professeurs absents et jamais remplacés, comme l’an dernier l’un des profs de maths ? Le rectorat nous rétorque qu’il y a pénurie dans cette discipline. Il est grand temps de revaloriser ce métier. En tout cas, nous allons voir si nous aurons tous nos profs à la rentrée », promet cette cadre de la Sécurité sociale qui dit « ne pas avoir l’esprit militant mais s’intéresser à la pédagogie ».

« Il faut informer, défendre, pousser à la mobilisation »

Qu’est-ce qui pousse ces parents – très souvent les mamans en élémentaire et de plus en plus les pères au collège et au lycée – à s’investir dans l’école quand tant d’autres semblent ne pas s’y intéresser ? Une histoire de famille, pour Élise Cabot et Charlotte Malek, qui réfutent pourtant l’idée d’héritage. Leurs mères respectives ont, comme elles, siégé dans un conseil d’école et animé un comité local de parents. « Nos enfants nous voient créer des liens. Ils apprennent que les autres existent. Ce sont nos valeurs. Mais il est vrai que le réflexe de faire du collectif est un peu perdu. Beaucoup considèrent que ce qui arrive aux autres ne les concerne pas. » Elles s’en agacent. Racontent les dizaines de réunions proposées pour expliquer la réforme des rythmes scolaires, une conférence avec une chronobiologiste et leur surprise face à des parents qui, le jour de la rentrée, constatent les changements d’horaires. Ou encore « ceux qui croient à toutes sortes de balivernes sur les ABCD de l’égalité ou l’obligation d’enseigner l’arabe dès le CP. Et là, s’indignent les deux jeunes femmes, tout le monde en parle ». Accepteraient-elles de siéger dans les instances départementales de l’éducation nationale ? La réponse est sans appel. C’est non. Toutes deux évoquent le temps qui leur manque et leur métier qu’elles ne veulent pas sacrifier. Aucune ne fait allusion au nouveau statut du parent délégué. Annoncé l’an dernier, il permet de dédommager les salariés des heures de réunions officielles et à ceux qui visent un diplôme de faire reconnaître leur expérience associative dans le cadre d’une VAE (valorisation des acquis de l’expérience).
Là encore, ce n’est pas ce nouveau statut qui a motivé Fatoumata N’ze N’gong. Cette maman a renoué avec l’action des parents d’élèves l’an dernier, après une coupure. « L’école se dégrade. On parle du bien des enfants et de leur avenir. Il faut informer, défendre, pousser à la mobilisation. » Elle aussi juge que la place des parents est au côté des enseignants. « Seuls, ils ne peuvent pas faire face. » Hélène Bidault abonde contre l’isolement et l’entre-soi. «Être affilié à une association permet de prendre des distances et de croiser les points de vue avec les parents des autres établissements. Et puis d’être relayé et reconnu par l’éducation nationale, la mairie, les institutions », explique-t-elle.
Des avantages que la masse des parents d’élèves, notamment issus des catégories populaires, ignorent ou regardent parfois de très loin. « Pour que les parents participent au quotidien des écoles, il faudrait s’interroger sur ce que l’école fait aux parents. Quelle participation elle encourage. Quelles sont les compétences nécessaires pour y trouver une place », suggère Pierre Perrier, chercheur et professeur en sciences de l’éducation à l’université de Bretagne. Aucune des militantes n’évoque les obligations de l’école à l’égard des familles. Une longue liste d’obligations pourtant inscrites dans un décret adopté il y a dix ans mais très peu appliqué. Le sociologue ne croit pas aux solutions miracles. Éviter de convoquer des conseils de classe ou d’école à 15 h 30 en pleine semaine (ce qu’interdit le fameux décret de 2006) serait un bon début. « La relation à l’école doit être modulée en fonction du contexte. L’histoire, les ressources locales, la sociologie du quartier, l’existence d’une maison de quartier sont à prendre en compte. Les parents se sentent vite incompétents », relève Pierre Perrier.

« Les tensions sont de plus en plus fortes »

Ce sentiment d’incompétence, les familles le ressentent d’autant plus que leur propre histoire avec l’école a été difficile ou quand leurs propres enfants sont en échec. « Parler avec la directrice d’école, le principal, ne va pas de soi. À plus forte raison quand la dégradation de la situation de l’école pèse sur les relations avec les enseignants. Les tensions sont de plus en plus fortes », explique Gilles Bailleux, responsable local de la FCPE. Le militant y voit un phénomène nouveau, symptôme de l’anxiété des parents face à un cumul de dysfonctionnements et aux désarrois des enseignants. « Certains parents considèrent l’école comme une prestation. Ils ont avec elle un rapport marchand », regrette Gilles Bailleux. Pour mobiliser contre les fermetures de classes, la FCPE 94 organise lundi prochain, à 13 heures, un rassemblement devant l’inspection académique, à Créteil, ainsi qu’une manifestation, le mercredi suivant, au ministère, rue de Grenelle, à Paris.
vacances scolaires : un calendrier qui fait polémique
La polémique enfle sur le choix du calendrier des vacances scolaires 2016-2017. Les vacances de la Toussaint, prévues, pour toutes les académies, du jeudi 20 octobre au mercredi 2 novembre, soit quinze jours à cheval sur trois semaines, posent de sérieux problèmes aux parents d’élèves. Par ailleurs, la fin de l’année scolaire risque d’être longue pour les élèves des académies de Créteil, Montpellier, Paris, Toulouse et Versailles, premiers à partir en congés au printemps. Ils devront cumuler douze semaines d’école, bien au-delà des sept semaines préconisées. Le ministère évoque la complexité d’élaboration du calendrier. Liliana Moyano, la présidente de la FCPE, invite la ministre à revoir sa copie : « Il faut parfois bouger », a commenté, hier, la représentante des parents d’élèves.

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