dimanche 28 février 2016

Algues vertes ici, algues brunes là-bas... mêmes causes, mêmes effets

Algues vertes ici, algues brunes là-bas... mêmes causes, mêmes effets

Gérard Le Puill
Jeudi, 25 Février, 2016
Humanité Dimanche

A la source du mal, en Bretagne ou en Guadeloupe : trop de déjections animales, d'engrais, de cultures destinées au bétail...
Alors que l’agriculture française tient salon au paroxysme d’une crise provoquée par la dérégulation des marchés et le productivisme agricole (lire page 26), il est tentant de débuter cette chronique par cette devinette : quel est le point commun entre les rejets d’algues vertes sur les côtes bretonnes et d’algues brunes sur les côtes de Guadeloupe ?
Sur 7 % de la surface agricole française, la Bretagne concentre 58 % de la production porcine, 40 % de la production d’œufs de poule, 30 % de la volaille de chair, 22 % de la production laitière et pas loin de 20 % de la production de viande bovine : depuis une quarantaine d’années, elle a trop de déjections animales à recycler sur une trop petite superficie. Elle utilise aussi beaucoup d’engrais pour fertiliser les pâturages et faire pousser le maïs destiné aux vaches laitières. Du coup, les eaux de ruissellement charrient beaucoup de matières azotées via les rivières et les fleuves côtiers. Ce qui favorise la prolifération des algues vertes que les courants marins envoient s’échouer sur certaines plages.
En Guadeloupe, la présence des algues brunes est plus récente. De longue date, son principal lieu de prolifération était la mer des Sargasses où s’accumulent les débris végétaux venus de la côte Est des États-Unis. Mais ces algues n’arrivaient pas aux Antilles. On s’est donc intéressé au parcours de celles qui arrivent en Guadeloupe. Elles ont poussé récemment dans une zone maritime située au nord-est du Brésil. Selon Franck Mazeas, un scientifique qui travaille en Guadeloupe, elles se sont accumulées là, portées par des contre-courants marins. Les nutriments qui contribuent à leur développement exponentiel sont charriés par le fleuve Amazone. Une bonne partie de l’Amazonie a été défrichée pour faire de l’élevage ainsi que des cultures intensives de soja et de maïs afin de nourrir le bétail brésilien tout en captant des marchés en Europe et en Chine depuis quelques années.
Il faut savoir en effet que la Chine importe désormais plus de 80 millions de tonnes de soja par an et que l’Europe en importe près de 40 millions de tonnes. Ces cultures intensives de soja et de maïs utilisent beaucoup d’engrais azotés et d’herbicides dont on peut penser que les effets pervers sur la reproduction des poissons et des mollusques apparaîtront bientôt. Les dégâts environnementaux sur le milieu marin sont faciles à comprendre quand l’irrigation des cultures dopées aux nitrates pollue les cours d’eau à la suite du ruissellement. Car le fleuve Amazone récolte les eaux d’un millier de rivières qui drainent une zone couvrant 12 fois la superficie de la France et l’Amazone rejette dans l’océan 18 % des eaux douces de toute la planète.
Voilà sans doute pourquoi la Guadeloupe n’en a pas fini avec les algues brunes. Voilà aussi pourquoi la fuite en avant dans la spécialisation de l’agriculture que certains préconisent en France pour « surmonter » la crise agricole aggravera cette dernière à terme au lieu de la résoudre.

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