lundi 29 février 2016

FIFA. Un technocrate suisse en chasse un autre

FIFA. Un technocrate suisse en chasse un autre

Christophe Deroubaix
Lundi, 29 Février, 2016
L'Humanité

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À Zurich (Suisse), vendredi, Gianni Infantino a remporté le scrutin dès le deuxième tour, devançant le cheikh Salman, membre de la famille royale de Bahreïn.
Photo : Olivier Morin/AFP
Gianni Infantino, le nouveau président de la Fifa, affiche le même profil que son prédécesseur, Sepp Blatter, et le même discours éternellement rassurant. Tout va bien au monde des scandales et des crises.
Lors du tirage au sort de l’Euro 2016 en décembre dernier, Gianni Infantino, alors secrétaire général de l’UEFA, avait égayé le moment de petites plaisanteries, de mots supposés d’esprit. En cinq langues, s’il vous plaît, seule la bonne blague en araméen nous ayant été épargnée. Histoire de montrer qu’un hyperpolyglotte comme lui, de bonne humeur permanente, qui plus est, pouvait prétendre à voir plus haut que la seule Europe. Aussitôt élu président de la Fifa, vendredi, il a confirmé son humour de comique troupier en déclarant : « La Fifa a traversé des moments tristes, une crise, mais c’est derrière nous. Nous devons aller de l’avant et appliquer les principes de bonne gouvernance. »
Dans les couloirs des palais de justice suisse ou américain, on a dû se prendre les côtes pendant quelques minutes. Qui peut donc prétendre que les scandales de corruption, le fait d’un système lui-même et non de quelques brebis égarées, « c’est derrière nous » ? La partie sur l’application « des principes de bonne gouvernance » est peut-être finalement aussi risible puisqu’elle figure dans tous les discours de l’ex-président déchu Sepp Blatter depuis son entrée en fonctions.

Pas besoin d’un tortionnaire à la tête du foot mondial

Donc, Gianni Infantino a été élu neuvième président de la Fédération internationale de football association (Fifa). Il a remporté le scrutin dès le deuxième tour avec 115 des 209 voix, devançant le cheikh Salman, membre de la famille royale de Bahreïn et, à ce titre, accusé par des ONG d’avoir trempé dans la répression du « printemps arabe » local en 2011. Les grands électeurs de la Fifa ont sans doute été apeurés de nouvelles révélations et scandales en perspective. Pas besoin d’un tortionnaire à la tête du foot mondial. Alors, ils ont fait le choix de la sécurité. Et quel plus sûr choix qu’un technocrate valaisan, n’est-ce pas ? Outre qu’ils sont nés à dix kilomètres de distance, mais à trente-quatre ans d’intervalle, Gianni Infantino, 45 ans, présente le même profil que Sepp Blatter : il est un pur produit de l’appareil, il a grandi politiquement dans l’ombre du « président » (Havelange pour l’un, Platini pour l’autre) avant de profiter des circonstances de l’histoire et des liens tissés pour devenir calife à la place du calife. De la même manière qu’en politique, la voie royale pour devenir député ou ministre semble consister à être d’abord directeur de cabinet ou conseiller plutôt que militant…
Infantino ne serait jamais devenu président de la Fifa si Michel Platini n’avait pas été suspendu. À peine l’ancien triple ballon d’or rencontrait-il des problèmes avec la justice que le juriste suisse annonçait sa candidature rendant, selon les témoignages, « fou de rage » son patron. Vendredi, il a fallu attendre la conférence de presse pour qu’Infantino-Brutus dise avoir une « très forte pensée » pour Platini-César, sans préciser toutefois de quelle nature elle était. Pas un mot lors de son discours d’intronisation…
En revanche, le nouvel élu a rassuré son monde : la crise est terminée, les leçons ont été tirées, de nouvelles règles adoptées. En guise de réformes, l’ensemble des mesures adoptées vendredi avant l’élection du nouveau « pape » relève de réformettes (limitation de l’exercice d’un mandat à douze ans mais refus d’une limite d’âge, création de comités de contrôle, séparation des fonctions « politiques » et commerciales) et de pétitions de principe (meilleure reconnaissance du rôle des femmes dans le football, « contrôle renforcé des flux d’argent », « principes universels de bonne gouvernance »). Mais le nœud gordien n’a pas été tranché : ce sont les mêmes personnes, exactement les mêmes, qui attribuent les compétitions et qui ensuite gèrent leur commercialisation.
Si Gianni Infantino croit réellement et sincèrement que la crise, « c’est derrière nous », il se trouvera peut-être une personne bien intentionnée pour lui livrer cette confidence : une autre crise couve toujours et elle finira bien par éclater, celle sur les conditions d’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar. Comme le lui a souhaité, non sans malice et vice, Sepp Blatter dans une lettre ouverte : « Bon courage ».
À peine élu, Gianni Infantino est déjà de sortie. Le nouveau président de la Fifa, Gianni Infantino, a fait sa première sortie officielle, hier matin, en inaugurant le musée de la Fifa à Zurich, en Suisse, une initiative due à son prédécesseur déchu, Sepp Blatter, suspendu pour six ans. « C’est un très beau musée qui reflète l’universalité du football. C’est une très belle idée de Sepp Blatter, un musée dont il a initié la création », a commenté Infantino. Le musée de la Fifa, installé dans le centre-ville de Zurich, a nécessité 128 millions d’euros d’investissement. Officiellement… Il a pour objectif d’accueillir 250 000 visiteurs chaque année.

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