lundi 29 février 2016

Irlande. Sévère sanction électorale pour les partis austéritaires

Irlande. Sévère sanction électorale pour les partis austéritaires

Thomas Lemahieu
Lundi, 29 Février, 2016
L'Humanité

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Gerry Adams (au centre), le leader du Sinn Féin, fêtait hier sa victoire à Dundalk, où il a été réélu dans sa circonscription du comté de Louth.
Photo : Paul Faith/AFP
Les résultats des législatives signent la défaite du gouvernement sortant. Le Labour, en particulier, qui a appliqué les consignes de la troïka, pourrait ne se retrouver qu’avec une poignée d’élus dans la future assemblée, où le Sinn Féin et le reste de la gauche radicale progressent.
Dublin (Irlande), envoyé spécial.  Les bureaux de vote ont fermé vendredi soir à 22 heures en Irlande et, dimanche, en début de soirée, dans de nombreuses circonscriptions, les opérations d’attribution des sièges, extrêmement laborieuses avec la proportionnelle par préférences transférables, se poursuivaient. Mais une chose est certaine : les partis traditionnels qui ont imposé l’austérité au pays ces dernières années – Fianna Fáil jusqu’en 2011, puis Fine Gael et le Labour – sont plus discrédités que jamais. Au début des années 1980, les frères ennemis conservateurs - héritiers de camps opposés pendant la guerre civile – et les travaillistes dominaient totalement la vie politique irlandaise avec 93 % des votes ; après les législatives de vendredi, leurs scores cumulés culminent à 56,4 %. Si Fianna Fáil, qui a gouverné l’Irlande pendant 80 ans avant d’être sévèrement sanctionné après la crise financière, récupère légèrement avec 24,3 % des premières préférences (contre 17,5 % en 2011), la coalition sortante apparaît comme la grande perdante. Fine Gael, le parti du premier ministre, Enda Kenny, qui avait basé toute sa campagne sur la « reprise » et la « stabilité » politique, est en chute libre : il passe de 36,1 % à 25,5 %. Mais ce sont les travaillistes du Labour qui prennent la claque la plus magistrale : avec 6,6 % des voix (contre 19,5 % en 2011), ils pourraient ne se retrouver qu’avec une poignée d’élus dans la future assemblée. À Dublin, Joan Burton, la patronne du Labour, sauve sa tête de justesse, mais le parti perd 16 autres sièges dans la capitale. Avec la désintégration du parti travailliste, Fianna Fáil et Fine Gael, qui ont mené toute la campagne en excluant vigoureusement cette perspective, paraissent condamnés à tenter de former une coalition totalement inédite en Irlande et, d’après les observateurs, à s’entre-dévorer, laissant le champ libre à une opposition de gauche radicale.

Le Sinn Féin est, avec 25 %, le premier parti pour les jeunes

Dans ce contexte, les regards se tournent vers le Sinn Féin. Le parti républicain, très engagé dans le mouvement contre l’austérité, rassemblé sous la bannière de la coalition Right2Change (Droit au changement), ne réitère pas sa performance des européennes de 2014 (19,5 %), mais, avec 13,8 %, il continue sa progression par rapport aux dernières législatives (9,9 %), malgré les attaques permanentes de la presse dominante et des partis austéritaires. Ses dirigeants comme Gerry Adams ou Mary Lou McDonald écrasent la concurrence dans leurs circonscriptions à Louth et à Dublin centre. Selon un sondage à la sortie des urnes, le Sinn Féin est, avec 25 %, le premier parti pour les jeunes entre 18 et 34 ans, loin devant Fine Gael (20 %). « Notre nombre de députés va augmenter de manière importante, se réjouit Martin McGuinness, vice-premier ministre Sinn Féin en Irlande du Nord, samedi, à Dublin. Avec son programme d’austérité qui a endommagé tout le pays, le gouvernement sortant a été puni. La poussée des partis et des indépendants de gauche doit inciter à sortir de ce programme. Le Sinn Féin, qui s’affirme comme le principal parti à gauche, y veillera pour protéger la société. » Très active dans les luttes contre la taxe sur l’eau courante, la coalition d’extrême gauche – Anti-Austerity Alliance/People Before Profit – réalise de très bonnes performances, avec un transfert important de préférences par les électeurs du Sinn Féin dans les circonscriptions urbaines à Dublin et à Cork, où elle présentait des candidats. « Cela montre bien qu’il y a une aspiration à une véritable gauche qui viendra remplacer le Labour ! » lance Ruth Coppinger, élue de l’Alliance anti-austérité à Dublin ouest.

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