mercredi 24 février 2016

Loi travail. Les communicants mitraillent

Loi travail. Les communicants mitraillent

Kareen Janselme
Mercredi, 24 Février, 2016
L'Humanité

Grosse artillerie et communication : les ministres avancent en rang serré pour soutenir la ministre du Travail avant même la présentation de sa loi régressive.
La jeune ministre El Khomri n’ira pas seule au charbon. Puisque François Hollande a misé sur la baisse du chômage pour pouvoir se présenter à l’élection présidentielle et que la réforme du Code du travail est la solution miracle, selon lui, pour embaucher, l’actuel président a sonné le rappel des troupes pour le soutenir. Le gouvernement des communicants s’est mis en ordre de bataille.
En première ligne, Manuel Valls, Emmanuel Macron et Myriam El Khomri se sont rendus ensemble lundi à Mulhouse (Haut-Rhin) dans les entreprises Solvay et Protechnic, en passant par la case Pôle emploi de la ville. Leur programme : discuter « emploi » mais surtout désamorcer la bombe constituée par l’avant-projet de loi travail, qui a déclenché l’ire des syndicats et d’une bonne partie de la gauche. Aux régressions affichées par le texte qui a fuité dans la presse (salaires et horaires modulables, semaine à 60 heures autorisée, inversion de la hiérarchie des normes, licenciement économique élargi), Manuel Valls a opposé la démarche « résolument moderne » du gouvernement.

« Cette réforme du Code du travail ne nous aidera en rien »

« Il faut dépasser les clivages et le conservatisme pour mettre en œuvre une économie qui marche : nous sommes au XXIe siècle quand d’autres sont encore au XIXe siècle », a expliqué le premier ministre, se rangeant résolument dans le camp des Modernes. Ce jour-là, à Mulhouse, une centaine d’Anciens étaient venus manifester leur colère contre la loi travail aux abords de l’agence Pôle emploi de Mulhouse-Drouot. Comme le syndicaliste Joël Moreau, ancien ouvrier de PSA Mulhouse et ancien délégué central CGT pour le groupe PSA, qui a été arrêté et placé en garde à vue. Les Modernes savent aussi s’appuyer sur de vieilles méthodes pour faire taire les voix discordantes.
Autre front de communication : Internet et les réseaux sociaux. Sur sa page Facebook, Manuel Valls en rajoute sur le « progressisme » de l’action gouvernementale : « Notre devoir, c’est donc d’aller plus loin, pour vaincre les conservatismes », a-t-il insisté. Très à la page, ce gouvernement 2.0 avait déjà annoncé par tweet le remaniement ministériel du 11 février dernier. Maintenant, c’est sur le site Gouvernement.fr que les représentants de l’autorité assurent jouer la transparence sur la loi travail dans une opération désintox intitulée « le vrai/faux du gouvernement ». Quelques points de la loi sont mis en exergue et de soi-disant rumeurs démenties. Bizarrement, aucun moyen de vérifier ces affirmations : le vrai texte, le projet officiel, lui, n’apparaît nulle part ! Et pour cause, il est encore à l’étude au Conseil d’État. Et il pourrait même être amendé avant son passage en Conseil des ministres à en croire l’ancien ministre du Travail François Rebsamen, qui évoquait sur Europe 1 les « erreurs de communication » de sa successeure en abordant déjà la possibilité de passer en force le texte par 49.3, ou encore son « erreur de vouloir redéfinir ce qu’on appelle le licenciement économique », précisant même que « la nouvelle définition ne peut pas être celle qui est proposée dans le texte ».
Malgré ces quelques tacles à Myriam El Khomri, François Rebsamen est lui aussi monté au créneau pour défendre François Hollande, usant du canal plus traditionnel de la presse écrite. Le maire de Dijon a salué « la gauche réaliste qui est au pouvoir », celle qui « agit sur le concret de ses concitoyens » face aux « théoriciens nostalgiques d’une gauche idéaliste ». La gauche idéaliste, « radicale », serait donc ringarde à se pétrifier autour des acquis sociaux ? Elle ne comprendrait plus ce nouveau monde ? C’est clairement ce qu’affirme Ségolène Royal dans le même journal, cette autre ministre appelée à la rescousse pour sauver la loi travail, qui nous explique la réalité du monde du travail : « Je ne sens pas dans les entreprises de conflits entre les directions des entreprises et les salariés. Jamais les salariés n’ont fait autant corps avec leurs entreprises. »
Sa vision naïve et irréaliste rendrait presque invisible la tribune d’un chef d’entreprise qui lui répond sur la page d’en face : « Cette réforme du Code du travail ne nous aidera en rien. Au contraire. (…) Mon problème, ce sont les salaires trop bas et la consommation en berne. » Mais aussi, détaille-t-il, le dumping social, les heures supplémentaires non payées, le non-respect des conventions collectives et tous les contrôles que les différentes administrations n’ont plus les moyens d’effectuer… Mais ces solutions-là n’ont pas été évoquées dans l’avant-projet de loi travail.

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