jeudi 25 février 2016

Les exilés de la « jungle » gagnent un maigre répit

Les exilés de la « jungle » gagnent un maigre répit

Emilien Urbach et Laurent Mouloud
Mercredi, 24 Février, 2016
L'Humanité

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La juge Valérie Quemener a créé la surprise en décidant de se transporter sur place, mardi, à Calais.
PHOTO DENIS CHARLET/AFP
Le tribunal administratif de Lille ne statuera pas avant mercredi sur le référé introduit par des associations et plusieurs centaines de migrants pour tenter d’obtenir un report de l’évacuation de la zone sud du bidonville.
Hier, à 9 heures, Valérie Quemener, magistrate au tribunal administratif de Lille, crée la surprise en arpentant les allées boueuses du plus grand bidonville d’Europe, à Calais. Quelques heures plus tard, elle présidait l’audience qui devait décider si l’évacuation de « la jungle », qui devait débuter hier soir, était, oui ou non, « une violation des droits fondamentaux des individus », comme l’affirment les exilés et associations qui ont saisi sa juridiction. Mais voilà, il faudra patienter encore. Son jugement ne sera pas rendu avant ce mercredi. Les exilés de Calais et leur soutien gagnent un maigre répit, mais aucune certitude sur leur avenir.

« Évitons de déplacer le problème »

Lors de l’audience, les associations ont dénoncé l’attitude de l’État. « Votre décision doit être rendue de toute urgence. Ne pas suspendre l’arrêté immédiatement c’est exposer toutes les personnes vulnérables à un grand danger. Il ne s’agit pas d’une demande de pérenniser le bidonville, mais on ne peut pas se contenter de solutions bâclées », a affirmé Me Julie Bonnier, avocate de 10 associations et 250 migrants. « Vous devez suspendre cette décision pour que cesse la terreur, pour que cessent les tensions, il ne faut pas déplacer le problème par une évacuation, il faut le solutionner », a-t-elle lancé à l’intention de la présidente Valérie Quemener.
Représentants de l’État et associations ont, une nouvelle fois, débattu du nombre réel de migrants présents sur la zone sud de la jungle. Les premiers parlent de « 800 à 1 000 » migrants, les seconds en comptent près de 3 500. « Le comptage de la préfecture a été fait par la PAF (police aux frontières – NDLR) à 7 heures du matin, or, à cette heure-là, les migrants ne sont pas sur place, explique Me Julie Bonnier. Il y a une mauvaise analyse de la situation avec de mauvaises données, aujourd’hui, nous n’avons pas les moyens de faire face à la prise en charge des personnes concernées sur la zone sud. » À l’inverse, Étienne Desplanques, directeur de cabinet de la préfète du Pas-de-Calais estime que « l’essentiel de ces personnes peuvent être accueillies sur la zone nord », évoquant 580 places dans des tentes à proximité et les quelque « 300 » places restantes dans les containers industriels aménagés en dortoirs, mais sans eau, sans cuisine, sans intimité…
L’objectif d’expédier les migrants dans les 102 centres d’accueil et d’orientation (CAO), disséminés en France, ne convainc pas plus les associations. Les objectifs et la gestion de ces CAO manquent cruellement de transparence et, de toute façon, ils fermeront pour la plupart au mois de mai. Pour Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France, la position du gouvernement n’est qu’« hypocrisie. Si Bernard Cazeneuve se souciait réellement du sort des exilés, il aurait déjà pris en compte nos recommandations ». Hier, de nombreux responsables associatifs et plusieurs personnalités signataires de l’appel « Calais : les bulldozers ne sont pas une politique » étaient présents à l’audience. Avec un message clair : « Les jours prochains, nous irons à Calais pour le clamer haut et fort : nous ne sommes pas condamnés à choisir entre la “jungle” et sa destruction. »

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