Pierre Thomas « François Hollande est en panne de solutions face à la crise agricole »
Entretien réalisé par Gérard Le Puill
Dimanche, 28 Février, 2016
Humanite.fr
Une réunion entre le chef de l’Etat, son ministre de l’Agriculture , des syndicalistes paysans et des représentants des organismes liés à l’agriculture comme le crédit Agricole , la Mutualité sociale agricole et les coopératives s’est tenue samedi matin sur le Salon . Pierre Thomas, éleveur dans l’Allier et dirigeant national du Mouvement de défense des exploitations familiales (MODEF) participait à cette table ronde. Entretien.
Comment s’est déroulée cette réunion après un parcours très chahuté du chef de l’Etat de stand en stand ?
Pierre Thomas. Il avait été convenu que les personnes invitées à cette rencontre seraient aussi présentes pour accueillir le président à l’entrée du salon. J’étais donc présent avant 7H au moment de l’arrivée de François Hollande, tout comme Xavier Beulin pour la FNSEA et les représentants des autres organisations syndicales. Mais il y avait déjà beaucoup d’agitation à cet endroit et beaucoup de drapeaux de la FNSEA. Les gens qui les portaient n’étaient pas tous des paysans, loin s’en faut. Je pense que le syndicat majoritaire avait aussi mobilisé pour la circonstance des salariés de ses différentes structures pour donner un tour peut-être plus politique que syndical à cette ouverture du Salon.
Xavier Beulin avait pourtant dit le 24 février qu’il n’y aurait pas, de la part de son syndicat, des manifestations d’hostilité mais questions précises adressées à tous les visiteurs politiques sur le Salon à propos des difficultés que connaît le monde agricole.
Pierre Thomas. Moi je rapporte ce que j’ai vu et je ne porte pas de jugement sur ces manifestations de mécontentement qui sont motivées par une situation catastrophique pour les éleveurs de bovins allaitants comme moi, mais aussi les producteurs de porcs , de lait de vache et même de beaucoup de céréaliers . Ce sont d’ailleurs des agriculteurs FNSEA et Jeunes Agriculteurs d’Ile de France, céréaliers pour la plupart, qui ont commis quelques dégâts sur le stand du ministère de l’Agriculture.
Venons- en à la rencontre avec Français Hollande. Comment s’est déroulé cet échange?
Pierre Thomas. Nous nous sommes exprimés à tour de rôle. J’ai remarqué que tous les syndicalistes paysans ont estimé qu’on ne pouvait pas laisser la loi de l’offre et de la demande fixer les prix agricoles quand l’offre dépasse la demande en volume, comme c’est le cas actuellement. Il suffit que cette offre dépasse la demande de 3 ou 4% pour que les prix payés aux paysans baissent de 20 à 25%. C’est le cas aujourd’hui pour le porc et le lait de vache en Europe, c’est davantage pour les céréales dont les cours s’alignent sur les cours mondiaux. Nous avons toujours dénoncé les politiques de dérégulation au MODEF et lutté pour ders prix planchers qui couvrent les coûts de production et rémunèrent le travail des paysans. Ce discours est moins habituel à la FNSEA qui défend souvent la compétitivité des exploitations par l’agrandissement. Mais nous voyons bien aujourd’hui que la fuite en avant dans une recherche de compétitivité, via des économies d’échelle, est inefficace et même dangereuse pour ceux qui s’y engagent dès que les prix chutent dans de telle proportions. Je n’oublie pas les discours de certains responsables du syndicat majoritaire qui, voilà encore un an, voulaient partir à la conquête des marchés mondiaux la fleur au fusil, à la faveur de l’abandon par l’Europe des quotas laitiers. Le libéralisme et le marché spéculatif ne seront jamais des solutions pour la production denrées périssables, ce qui est le cas de la production agricole. Les mêmes dirigeants du syndicat majoritaire en sont réduits aujourd’hui a réclamer des baisses de charges, des reports de cotisations qui ne compenseront jamais, loin s’en faut, les pertes de revenus quand nous ne percevons pas un juste prix pour nos produits.
Que vous a répondu le président Hollande ?
Pierre Thomas. Il était très mal à l’aise. Il nous a fait part de son accord pour plus de régulation au niveau européen. Mais il a insisté sur le fait que la France était très isolée sur cette question, parfois seule contre tous. Il a évoqué le rôle joué par l’Allemagne, l’Espagne, les Pays Bas et quelques autres qui ont augmenté leur production laitière ou porcine, voire les deux dans le but de gagner de nouveaux marchés. Il a aussi évoqué les tensions entre les transformateurs et les distributeurs. La négociation qu’ils mènent depuis des mois doit se terminer le 29 février sur les prix auxquels les centrales d’achat paieront les produits transformés en 2016. Le chef d l’Etat n’a pas exclu de modifier la redoutable Loi de modernisation économique, votée par la droite en 2008, qui a donné trop de pouvoirs aux distributeurs face aux transformateurs, lesquels font à leur tour payer la facture aux paysans en faisant baisser du lait et de la viande, y compris en important davantage de denrées à transformer dans le seul but de faire chuter les cours sur le marché intérieur. Voilà pourquoi, suite à cette rencontre avec le chef de l’Etat, Je crains toujours une longue période de prix agricoles bien trop bas. Certains prendront prétexte pour préconiser des restructurations qui réduiront encore le nombre d’exploitations et d’emplois agricoles tout en étant inefficaces et douloureuses, notamment dans l’élevage. Hier, devant le président de la République, le représentant du Crédit agricole s’est dit prêt à consentir des prêts aux paysans désirant emprunter cette voie qui mène encore plus à une agriculture industrielle et capitalistique. Celle qui dans des secteurs comme le lait et la production porcine est la plus fragilisée aujourd’hui en raison de la lourdeur des emprunts.
Comment vivez-vous cette crise comme éleveur de bovins à viande ?
Pierre Thomas. Je suis sur une exploitation de 84 hectares avec 40 vaches allaitantes et leur suite. Depuis ma conversion en agriculture biologique je dépends moins de la fluctuation des cours qui touche beaucoup les éleveurs en conventionnel. Je m’en sors car ma viande est vendue sur un marché segmenté avec des clients réguliers. Mes bovins de boucherie sont abattus à la SICABA, un abattoir de proximité. J’ai aussi fait le choix d’être le plus autonome possible en fourrages pour le bétail, car plus on est dépendant des achats d’aliments et autres intrants, plus on est fragilisé en temps de crise et de prix bas. Mais je constate que le discours dominant sur l’agrandissement des exploitations pour réaliser des économies d’échelle resurgit déjà auprès des paysans.

Xavier Beulin avait pourtant dit le 24 février qu’il n’y aurait pas, de la part de son syndicat, des manifestations d’hostilité mais questions précises adressées à tous les visiteurs politiques sur le Salon à propos des difficultés que connaît le monde agricole.
Pierre Thomas. Moi je rapporte ce que j’ai vu et je ne porte pas de jugement sur ces manifestations de mécontentement qui sont motivées par une situation catastrophique pour les éleveurs de bovins allaitants comme moi, mais aussi les producteurs de porcs , de lait de vache et même de beaucoup de céréaliers . Ce sont d’ailleurs des agriculteurs FNSEA et Jeunes Agriculteurs d’Ile de France, céréaliers pour la plupart, qui ont commis quelques dégâts sur le stand du ministère de l’Agriculture.
Venons- en à la rencontre avec Français Hollande. Comment s’est déroulé cet échange?
Pierre Thomas. Nous nous sommes exprimés à tour de rôle. J’ai remarqué que tous les syndicalistes paysans ont estimé qu’on ne pouvait pas laisser la loi de l’offre et de la demande fixer les prix agricoles quand l’offre dépasse la demande en volume, comme c’est le cas actuellement. Il suffit que cette offre dépasse la demande de 3 ou 4% pour que les prix payés aux paysans baissent de 20 à 25%. C’est le cas aujourd’hui pour le porc et le lait de vache en Europe, c’est davantage pour les céréales dont les cours s’alignent sur les cours mondiaux. Nous avons toujours dénoncé les politiques de dérégulation au MODEF et lutté pour ders prix planchers qui couvrent les coûts de production et rémunèrent le travail des paysans. Ce discours est moins habituel à la FNSEA qui défend souvent la compétitivité des exploitations par l’agrandissement. Mais nous voyons bien aujourd’hui que la fuite en avant dans une recherche de compétitivité, via des économies d’échelle, est inefficace et même dangereuse pour ceux qui s’y engagent dès que les prix chutent dans de telle proportions. Je n’oublie pas les discours de certains responsables du syndicat majoritaire qui, voilà encore un an, voulaient partir à la conquête des marchés mondiaux la fleur au fusil, à la faveur de l’abandon par l’Europe des quotas laitiers. Le libéralisme et le marché spéculatif ne seront jamais des solutions pour la production denrées périssables, ce qui est le cas de la production agricole. Les mêmes dirigeants du syndicat majoritaire en sont réduits aujourd’hui a réclamer des baisses de charges, des reports de cotisations qui ne compenseront jamais, loin s’en faut, les pertes de revenus quand nous ne percevons pas un juste prix pour nos produits.
Que vous a répondu le président Hollande ?
Pierre Thomas. Il était très mal à l’aise. Il nous a fait part de son accord pour plus de régulation au niveau européen. Mais il a insisté sur le fait que la France était très isolée sur cette question, parfois seule contre tous. Il a évoqué le rôle joué par l’Allemagne, l’Espagne, les Pays Bas et quelques autres qui ont augmenté leur production laitière ou porcine, voire les deux dans le but de gagner de nouveaux marchés. Il a aussi évoqué les tensions entre les transformateurs et les distributeurs. La négociation qu’ils mènent depuis des mois doit se terminer le 29 février sur les prix auxquels les centrales d’achat paieront les produits transformés en 2016. Le chef d l’Etat n’a pas exclu de modifier la redoutable Loi de modernisation économique, votée par la droite en 2008, qui a donné trop de pouvoirs aux distributeurs face aux transformateurs, lesquels font à leur tour payer la facture aux paysans en faisant baisser du lait et de la viande, y compris en important davantage de denrées à transformer dans le seul but de faire chuter les cours sur le marché intérieur. Voilà pourquoi, suite à cette rencontre avec le chef de l’Etat, Je crains toujours une longue période de prix agricoles bien trop bas. Certains prendront prétexte pour préconiser des restructurations qui réduiront encore le nombre d’exploitations et d’emplois agricoles tout en étant inefficaces et douloureuses, notamment dans l’élevage. Hier, devant le président de la République, le représentant du Crédit agricole s’est dit prêt à consentir des prêts aux paysans désirant emprunter cette voie qui mène encore plus à une agriculture industrielle et capitalistique. Celle qui dans des secteurs comme le lait et la production porcine est la plus fragilisée aujourd’hui en raison de la lourdeur des emprunts.
Comment vivez-vous cette crise comme éleveur de bovins à viande ?
Pierre Thomas. Je suis sur une exploitation de 84 hectares avec 40 vaches allaitantes et leur suite. Depuis ma conversion en agriculture biologique je dépends moins de la fluctuation des cours qui touche beaucoup les éleveurs en conventionnel. Je m’en sors car ma viande est vendue sur un marché segmenté avec des clients réguliers. Mes bovins de boucherie sont abattus à la SICABA, un abattoir de proximité. J’ai aussi fait le choix d’être le plus autonome possible en fourrages pour le bétail, car plus on est dépendant des achats d’aliments et autres intrants, plus on est fragilisé en temps de crise et de prix bas. Mais je constate que le discours dominant sur l’agrandissement des exploitations pour réaliser des économies d’échelle resurgit déjà auprès des paysans.
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