lundi 22 février 2016

Palestine. Lettre ouverte de Patrick Le Hyaric à Jean-Marc Ayrault

Palestine. Lettre ouverte de Patrick Le Hyaric à Jean-Marc Ayrault

Patrick Le Hyaric
Lundi, 22 Février, 2016
Humanite.fr

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Photo AFP
De retour d’une mission de parlementaires européens en Palestine, le député Patrick Le Hyaric interpelle le ministre des Affaires étrangères sur "la nécessité de déployer une force de protection internationale du peuple palestinien qui en même temps contribuerait à la sécurité des populations israéliennes." Il suggère que la France soutienne une telle proposition.
Lettre ouverte à Jean Marc Ayrault, par Patrick Le Hyaric :
 
Monsieur le Ministre,
De retour d’une mission de parlementaires européens en Palestine je me dois de vous informer de ce que j’y ai vu.
D’abord, comme vous le savez la situation ne cesse de s’y aggraver du fait de l’amplification de la colonisation impulsée par le gouvernement israélien. C’est le cas à Jérusalem-Est et dans plusieurs endroits des territoires dont le coeur de la vieille ville d’Hébron où des rues entières sont privatisées, les colons israéliens y installent des barrières de contrôle, accaparent des maisons, et créent toutes les conditions pour que les palestiniens quittent certains quartiers dans la vieille ville d’Hébron.
C’est le cas aussi dans tout l’espace baptisé « zone C » où les « paysans bédouins » sont chassés, leurs terres volées, leurs maigres habitations et bâtiments de ferme démolis dans une violence aussi brutale que le silence qui entoure ces vols punissables par le droit international.
 
Tous les palestiniens de la rue que nous avons rencontrés ne comprennent pas cette impunité à l’égard du gouvernement israélien. Ils le vivent comme une injustice devenue de plus en plus insupportable. Ils nous demandent d’agir.
Tout aussi incompréhensible est pour eux l’attitude de pays européens et de l’Union européenne qui financent des projets utiles à la vie dans les villages ou les villes, pour l’accès à l’eau, la santé ou l’éducation, détruits par l’armée israélienne sans qu’aucun compte ne soit demandé, sans qu’aucune sanction ne soit prise.
 
Pourtant l’Union européenne dispose d’un outil juridique contre les démolitions israéliennes, les atteintes répétées aux droits humains, le vol de terres et de maisons : l’application de l’article 2 de l’accord d’association Union Européenne - Israël qui prévoit que celui-ci est suspendu dès lors que les principes de démocratie et de respect des libertés sont violés.
Les responsables de l’URNWA en poste à Gaza nous ont fait part de l’insupportable dégradation de la situation qu’ils constatent avec notamment la difficulté persistante de construire des logements détruits lors de la dernière offensive guerrière de l’armée israélienne.
Je dois aussi vous informer de l’immense attente que suscitent les propositions d’initiatives françaises formulées ces derniers mois par votre prédécesseur.
 
Tous les dirigeants qui comptent en Palestine, le premier ministre, M. Nabil SHAATH, M. Saeb EREKAT, Mme Samia Bamya, Vice-ministre chargée des affaires européennes au Ministère des Affaires Etrangères, ont beaucoup insisté sur la nécessité de réussir ces nouvelles initiatives politiques et diplomatiques. J’ai compris qu’ils comptent beaucoup sur la France, donc sur vous-même Monsieur le Ministre.
 
Ces deux actes forts seraient d’une part le dépôt d’une résolution au Conseil de sécurité condamnant la colonisation et l’occupation israélienne. D’autre part la relance sous des formes nouvelles d’une conférence internationale sur la base du droit international pour parvenir à une solution à deux Etats viables, en sécurité, dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine.
 
Dans l’esprit des dirigeants palestiniens il s’agirait d’un processus. Ils accepteraient pour l’amorcer, un forum d’un format limité à quelques pays européens, à des membres du Conseil de sécurité de l’ONU, à l’Egypte, à des représentants de la ligue Arabe.
Ils nous ont également informés que se tient actuellement à Doha des réunions visant à une unité nationale Palestinienne entre le Fatah et le Hamas en prévision de la préparation d’élections générales.
 
Ils refusent avec fermeté que les mouvements terroristes utilisent la cause palestinienne pour justifier leurs crimes et souhaitent entamer un processus démocratique en Palestine.
Celui-ci ne sera possible qu’avec l’arrêt de la colonisation, un début de négociation et la réconciliation palestinienne.
Enfin, plusieurs de nos interlocuteurs ont évoqué la nécessité de déployer une force de protection internationale du peuple palestinien qui en même temps contribuerait à la sécurité des populations israéliennes.
Les instruments juridiques existent pour une telle initiative avec les résolutions des Nations Unies dont la 605 de 1987, la 672 de 1990, la 904 de 1994.
Je suggère que la France soutienne une telle proposition qui permettrait dans un premier temps de modifier le climat actuel et de sécuriser les populations.
Si vous poursuivez les démarches engagées, nul doute que vous trouverez à vos côtés des élus, des parlementaires, des forces politiques dans notre pays et au-delà pour réussir, enfin, un processus de reconnaissance de deux Etats et la fin de l’occupation.
Tels sont les quelques éléments que je souhaitais porter à votre connaissance, en souhaitant ardemment que vous puissiez porter rapidement sur la scène internationale ces deux initiatives sur lesquelles la diplomatie française s’est déjà engagée.

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