dimanche 28 février 2016

Une Europe des peuples, pas celle d’Ayrault

Une Europe des peuples, pas celle d’Ayrault

Jeudi, 25 Février, 2016
Humanité Dimanche

La chronique de Francis Wurtz (*). L'Europe "différenciée" chère à Ayrault, c'est toujours l'europe libérale à la manière de Merkel ou à celle de Cameron.
Notre nouveau ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, vient de s’expliquer sur sa conception de l’Europe (1). C’était au lendemain de la capitulation déplorable des dirigeants européens face au chantage du premier ministre britannique. Comment réagit-il au droit accordé à Londres de violer l’un des rares principes égalitaires de l’Union européenne en privant les résidents européens à faibles revenus des aides sociales accordées aux Britanniques de même condition ? « David Cameron avait demandé à l’Europe qu’elle l’aide à gagner son référendum. C’est ce que nous avons fait », plaida-t-il. Plus généralement, selon le ministre : « Chacun doit accepter une Europe différenciée dans laquelle ceux qui veulent plus d’Europe pourront avancer et ceux qui ne veulent pas aller plus loin n’y feront pas obstacle. » Voilà une formule trompeuse par excellence.
Une « Europe différenciée » ? En soi, pas de problème. Non seulement, à gauche, nous l’acceptons, mais nous la revendiquons ! Pour une double raison. D’abord, parce que « l’Europe » procède de nations au parcours historique et aux références culturelles spécifiques. Ensuite et surtout, parce qu’il n’y a, en démocratie, rien de plus légitime que le droit de chaque peuple de choisir son destin. Or les options politiques d’un peuple à un moment donné ne correspondent pas nécessairement aux aspirations, tout aussi légitimes, de la majorité de ses voisins. Ces différences-là ne doivent, en effet, nullement empêcher les pays concernés de coopérer le plus étroitement possible. Mieux : face à l’interdépendance qui se manifeste dans les domaines de plus en plus nombreux – financiers, économiques, environnementaux, culturels, politiques –, il est hautement souhaitable que puissent être élaborées, le plus souvent possible, des réponses communes aux enjeux communs. C’est ce que les communistes appellent « une Union de nations et de peuples souverains et associés » (2). Et ils ajoutent : « Une Union à géométrie choisie. » Cela veut dire : chaque société a le droit de décider dans quels domaines elle accepte d’exercer sa souveraineté en commun avec d’autres sociétés.
Est-ce cela que préconise Jean-Marc Ayrault ? Évidemment non ! Avec ce projet de gauche, il s’agirait d’une Union émanant des peuples, réalisée autour d’objectifs et sur des bases librement choisis et clairement assumés à chaque étape par les citoyens de chaque pays membre. Cela s’appelle la souveraineté populaire. C’est précisément parce qu’elle ignore ce droit imprescriptible que l’Union européenne suscite un véritable phénomène de rejet auprès de tant de citoyens qui ne sont pourtant ni nationalistes ni europhobes. « L’Europe différenciée » chère à notre ministre, c’est en quelque sorte la juxtaposition d’une Europe libérale de type fédéral (à la Merkel) et d’une Europe libérale de conception souverainiste (à la Cameron) !
À aucun moment, il n’aborde la question de base : « Que voulons-nous faire ensemble ? » Si la finalité principale est « l’économie de marché où la concurrence est libre », accompagnée de ses traductions concrètes – l’austérité, la déréglementation, et le torpillage du Code du travail –, comment s’étonner de la révolte des peuples – dramatiquement instrumentalisée, faute d’alternative visible, par les populismes bruns !
Depuis quelque temps, des dirigeants européens eux-mêmes disent craindre une « désintégration » de l’Union européenne. Ce n’est pas à souhaiter. Raison de plus pour rouvrir sans délai le débat sur sa « refondation ».

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