jeudi 29 décembre 2016

Dernière image pour Maurice Failevic, un réalisateur humainement engagé

Dernière image pour Maurice Failevic, un réalisateur humainement engagé

Gérald Rossi
Mercredi, 28 Décembre, 2016
L'Humanité

Maurice FAILEVIC, dans un atelier devant une machine, lors du tournage de son téléfilm De la belle ouvrage, EN 1971 PHOTO Claude James/Ina/AFP Forum
Maurice FAILEVIC, dans un atelier devant une machine, lors du tournage de son téléfilm De la belle ouvrage, EN 1971 PHOTO Claude James/Ina/AFP Forum
Ina
Cinéaste et documentariste de terrain, militant du PCF, il débuta sa carrière derrière la caméra en 1967 pour la série télévisée les Femmes aussi. On lui doit des dizaines de films et documentaires sur le monde du travail. Il s’est éteint dans la nuit de lundi à mardi. Il avait 83 ans.
Un citoyen du documentaire et du cinéma de fiction. Un homme engagé. Avec des convictions fortes. Et en même temps, « sa modestie a caché sa vigueur de création », nous disait hier après midi son ami Jack Ralite, ancien maire communiste d’Aubervilliers, et longtemps animateur des états généraux de la culture. Maurice Failevic est mort dans la nuit de lundi à mardi, à l’âge de 83 ans. En 1953 il avait fait le choix de rejoindre le Parti communiste français, et il lui est resté fidèle, témoignent ses amis militants du 19e arrondissement de Paris. « C’était un gars qui comptait », dit encore Jack Ralite. La formule résume bien l’homme. « Il était branché sur le social, mais pas de façon lourde (…), il était attentif aux autres, pour comprendre et les comprendre, qu’ils soient ouvriers, agriculteurs, que ce soient des enfants… »
Son arrivée à la télévision s’est faite un peu par hasard. « C’était plus pour des raisons matérielles que par envie », disait-il. Au sortir de son service militaire, il réalise donc son premier documentaire pour une des émissions phares d’alors, les Femmes aussi, que pilotait Éliane Victor. Et puis « J’ai passé un long bail avec la télévision », racontait-il, sans abandonner le cinéma pour autant. Car c’est d’abord au 7e art que se destinait Maurice Failevic, qui était passé par l’Idhec (l’Institut des hautes études cinématographiques, devenu la remarquable Femis). Il en est ensuite devenu pendant une dizaine d’années un des formateurs.

C’était la grande époque de la culture populaire, du TNP, de Jean Vilar…

Mais la télévision, qui en était encore à ses débuts et dont le public ne cessait de croître, était un média « qui bougeait. Nous inventions en permanence. Très vite je me suis passionné pour l’outil. C’était la grande époque de la culture populaire, du TNP, de Jean Vilar… Nous avions l’impression d’avoir à notre disposition l’outil de culture populaire, celui qui pénètre chez les gens qui ne vont pas au théâtre, qui ne fréquentent pas les bibliothèques. Il y avait une sorte de mission formidable », se souvenait-il en 2003.
Cet outil, avec son collègue documentariste Marcel Trillat, il l’a utilisé dans le bon sens du terme, aussi pour tenter de comprendre l’histoire contemporaine du communisme. C’est ainsi qu’a vu le jour en 2011 l’Atlantide, qui a « fait le point de l’intérieur »(du PCF). Dans une interview à l’Humanité, ils déclaraient : « On a essayé de choisir des gens qui parlent vraiment, qui ne nous fassent pas du baratin, qui n’essaient pas a posteriori d’embellir leur rôle ou de réécrire l’histoire. »
Cette même pensée décortiquée, mise à nu, Failevic est aussi allé la chercher dans une fiction de 2005, Jusqu’au bout, très inspirée de la lutte des ouvriers de Cellatex, une filature de rayonne employant alors 153 personnes à Givet, dans les Ardennes.
Des hommes et des femmes brutalement jetés à la rue et qui décident de résister. Par tous les moyens… Et ce sont ces fils de résistance, d’humanisme, de soif de vivre, tout simplement, que l’on retrouve dans ce téléfilm brûlant que France 3 diffusa en début de soirée.C’était la guerre, récompensé par le Fipa d’or en 1993, a pointé la caméra sur la guerre d’Algérie, une « guerre sans nom », comme l’a souligné aussi Bertrand Tavernier. C’était la dix-neuvième fiction que Maurice Failevic réalisait et, là encore, le film s’appuie fortement sur la réalité. Tout en respectant la démarche du début : tenter de décrire que qu’il y a derrière la simple image. Dans une interview au Monde en 1978, il précisait : « Jusqu’à présent, j’ai fait des films de fiction très proches du réel. Je souhaite “décoller” du réel, et le film historique m’aide à franchir ce pas, à aller vers la fiction, à me libérer des règles du documentaire. » Pour ne pas être un simple collecteur, pourrait-on ajouter. Discret jusqu’au bout du chemin, Maurice Failevic a choisi de faire don de son corps à la science. Pour aider la recherche. Un dernier geste d’humanité.
Filmographie et distinctions
Maurice Failevic a réalisé près de cinquante films et documentaires, parmi lesquels, en 1968, Naissance d’un spectacle, un événement ordinaire ; en 1970, un reportage sur les derniers mineurs de l’Aveyron ; en 1976, le Journal d’un prêtre ouvrier ; en 1977, 1788, une remarquable et remarquée chronique de la vie villageoise à la veille de la Révolution française ; en 1981, les Saltimbanques et le Cheval vapeur ; en 1987, Bonne chance, Monsieur Pic, etc. Il a également été salué par plusieurs distinctions : prix de la critique en 1971 pour De la belle ouvrage ; prix de la critique en 1975 pour Gouverneurs de la rosée ; prix Futura en 1983 pour le Jardinier récalcitrant ; Fipa d’or en 1983 pour C’était la guerre ; prix SACD de la télévision en 2001 ; Fipa d’argent en 2005 pour Jusqu’au bout.

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