mardi 27 décembre 2016

Josiane Balasko : « Je suis une féministe instinctive »

Josiane Balasko : « Je suis une féministe instinctive »

theâtre.
Entretien réalisé par Marie-José Sirach
Lundi, 26 Décembre, 2016
L'Humanité

sur les planches, josiane balasko dégage une force tellurique tranquille. photo Pascal Victor/ArtComArt
sur les planches, josiane balasko dégage une force tellurique tranquille. photo Pascal Victor/ArtComArt
Pascal Victor/ArtComArt
À l’affiche aux Bouffes du Nord à Paris avant de partir en tournée jusqu’en avril prochain, la comédienne joue la Femme rompue, un monologue de Simone de Beauvoir. Un rôle dramatique qu’elle endosse avec force et talent.
Sur scène, elle est Muriel. Une femme entre deux âges. Seule. Esseulée. Essorée par la vie. « Ma fille est morte et on m’a volé mon fils », hurle-t-elle au plus profond d’elle-même à la face du monde.
Dans la vie, elle est Josiane Balasko. L’une des actrices les plus populaires de sa génération. Un physique, une gueule, une gouaille. Comédienne, scénariste, réalisatrice, elle s’est imposée moins par conviction que par nécessité. Passées les années Splendid et la série des Bronzés, elle a tour à tour incarné une mégère alcoolique dans Un crime au paradis, une post-soixante-huitarde dépravée dans Absolument fabuleux, une flic déprimée dans Cette femme-là, une secrétaire intérimaire dans Trop Belle pour toi, Marguerite Duras dans J’ai vu tuer Ben Barka, une lesbienne qui bouleverse un couple hétéro dans Gazon maudit ou récemment une sexagénaire épanouie dans Retour chez ma mère.
Elle n’hésite pas à remonter sur les planches. En ce moment au Théâtre des Bouffes du Nord (1), elle est Muriel, cette Femme rompue d’après un texte de Simone de Beauvoir mis en scène par Hélène Fillières. Un exercice inhabituel pour l’actrice, un genre, dramatique, qu’elle fréquente peu. Mais Balasko dégage une force tellurique tranquille. Cette femme, rejetée de tous, s’accroche à la vie, avec l’énergie du désespoir, quand d’autres auraient tout abandonné. Elle est sonnée, elle titube, se lève, se recouche. Lucide et naïve. Balasko donne vie à Muriel. Nous fait éprouver ses errements, ses doutes et ses sursauts de vie. Parfois, elle laisse éclater sa rage. Une colère froide. Parfois, elle se laisse submerger par la tristesse. Mais elle repart. KO, debout.
Qui est Muriel ?
Josiane Balasko Une femme qui se met à nu et qui dit ce qu’on ne dit pas, surtout quand on est une femme de sa condition. Elle use d’un langage masculin, un langage qui dérangeait à l’époque de Beauvoir et dérange encore aujourd’hui. C’est Hélène Fillières, que je ne connaissais pas, qui est venue me trouver avec ce texte que je n’avais jamais lu. J’ai été séduite par le personnage, ce langage, cru, violent. Hélène a gommé quelques références datées, mais ce sont les mots de Beauvoir intacts que l’on retrouve,
Mis à part le sofa dans lequel elle se love ou se vautre, vous n’usez d’aucun artifice…
Josiane Balasko C’est logique. Cette femme n’est pas maquillée, ne met pas de faux cils ou de rouge à lèvres car elle n’attend rien. Le fait que ce soit une femme assez forte physiquement enlève du pathos. Elle redoute le jugement des autres, elle vit dans la peur et dans la rage. Et parfois, au milieu de cette rage, on croise des moments drôles. Mais c’est Beauvoir qui veut ça : la mauvaise foi de Muriel peut provoquer des moments cocasses. L’écriture de la Femme rompue est inhabituelle chez Beauvoir. On a le sentiment qu’elle se lâche, qu’elle s’amuse à régler ses comptes, peut-être avec Sartre, qui sait ? Mais c’est un texte qui n’a rien perdu de sa puissance. Il y a cette histoire de deuil, de solitude, toujours d’actualité. Une femme seule n’est toujours pas bien acceptée.
Vous parliez du physique de Muriel. Le vôtre ne vous a jamais posé de problèmes ?
Josiane Balasko Quand on est môme, que l’on veut être actrice, on a toutes envie d’avoir un physique de jeune première. Ce n’était pas mon cas. J’ai lorgné du côté des modèles masculins et j’ai observé les comiques. Je me suis dit que, s’ils y arrivaient avec leurs tronches, y avait pas de raison que je n’y arrive pas ! Même si Truffaut pensait que « le travail de metteur en scène consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes » – comme quoi, on a beau être un grand cinéaste… Bref, les choses évoluent. Aujourd’hui, plus de femmes font du cinéma et les jeunes réalisateurs ne se braquent plus sur le physique. On a donc de moins en moins d’artistes formatés…
Simone de Beauvoir, le féminisme…
Josiane Balasko Pas besoin de lire Beauvoir pour la pratiquer. Disons que je suis une féministe instinctive. On dépend toujours des autres mais jamais je n’ai voulu dépendre d’un patron, d’un homme. Je n’imaginais pas ne pas gagner ma vie. Le modèle de la femme au foyer résiste encore. La femme est toujours discriminée au travail, côté salaire, et si en plus elle fait des gosses…
Vos projets ?
Josiane Balasko J’ai terminé un film, les Nouvelles Aventures de Cendrillon (de Lionel Steketee) où ma fille joue Cendrillon et moi la marâtre. Et j’écris en ce moment une pièce, Un chalet à Gstaad, qui raconte un dîner entre exilés fiscaux. Je crois que, par la comédie, on peut dire beaucoup de choses, non ?

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