jeudi 15 décembre 2016

Technologie. Galileo enfin localisé

Technologie. Galileo enfin localisé

Laurent Mouloud
Jeudi, 15 Décembre, 2016
L'Humanité

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Le programme Galileo est doté d’un budget de 13 milliards d’euros. Photo ESA-P. CARRIL
Le programme Galileo est doté d’un budget de 13 milliards d’euros. Photo ESA-P. CARRIL
Lancé en 1999, le système de navigation européen, censé concurrencer le GPS américain, devrait commencer à émettre aujourd’hui.
Le 17 novembre, la France entière avait les yeux rivés sur Baïkonour, au Kazakhstan, où l’astronaute Thomas Pesquet décollait à bord d’un Soyouz pour la Station spatiale internationale. Le même jour, pourtant, un autre événement cosmique s’est joué à des dizaines de milliers de kilomètres dans un relatif anonymat. À Kourou précisément, en Guyane, où une fusée Ariane 5 a placé en orbite quatre nouveaux satellites Galileo. Un largage à 23 000 kilomètres d’altitude qui vient compléter la « constellation Galileo » – désormais quinze satellites – et devrait permettre, pour la première fois, de rendre opérationnel ce fameux système de géolocalisation européen.
Les premiers signaux sont attendus pour aujourd’hui. Et marqueront une étape cruciale de ce projet emblématique, lancé il y a dix-sept ans par l’Union européenne pour concurrencer le Global Positioning System (GPS) américain. Il était temps, diront certains, tant les enjeux de la navigation par satellite sont aujourd’hui devenus cruciaux. Et pas seulement pour entendre une voix numérisée vous répéter : « Tournez à gauche ! »

140 000 emplois à la clé

Les services utilisant notre position géographique ont envahi la vie quotidienne. Commander une pizza, retrouver sa voiture ou ses clés, analyser le parcours de son jogging... Les applications sur smartphones et tablettes, fondées sur la navigation par satellite, pullulent. Tout comme les « objets connectés » qui y ont recours. Que ce soit le collier qui surveille la santé de votre animal de compagnie, la balise qui vous dira où se trouve votre enfant retardataire, le capteur proposé aux personnes âgées et qui envoie un SOS en cas de chute, sans parler des futures voitures autonomes... La liste des usages est sans fin, du plus futile au plus sérieux. Et pèse d’ores et déjà très lourd dans l’économie. Selon le Cnes, l’agence spatiale française, quelque 10 % du PIB européen dépend aujourd’hui des systèmes de positionnement par satellites. D’ici à 2030, ce pourcentage pourrait grimper à environ 30 % et déboucher sur la création de 140 000 emplois.
Or, pour l’instant, le secteur de la géolocalisation est dominé par le GPS américain, qui comporte de nombreuses restrictions et est placé, de surcroît, sous contrôle des autorités militaires. Face à cette concurrence, Galileo fait valoir ses atouts. Il s’avance sous statut civil. Et promet une réelle avancée technologique. Par rapport au GPS, mais aussi au Glonass (russe), le système de navigation européen offrirait un positionnement d’une précision inégalée, de l’ordre du mètre, voire de quelques centimètres pour le service payant. « Avec le GPS, on sait où un train se trouve sur la carte de France, avec Galileo on sait sur quelle voie il se trouve », répète Jean-Yves Le Gall, le président du Cnes. Galileo sera néanmoins compatible avec le GPS, ce qui permettra d’accéder aux deux systèmes simultanément pour améliorer la qualité de la position. Enfin, ça, c’est sur le papier. Pour que cette précision soit vraiment optimale sur tout le globe, il va falloir attendre que la constellation de satellites Galileo – une trentaine à terme– soit au complet. Date envisagée : 2020. Le maillage sera alors suffisant pour que le signal passe même dans les « canyons urbains », ces rues étroites bordées par de hauts immeubles où, pour l’instant, les ondes ont du mal à se frayer un chemin. Mais fournira également une aide précieuse pour repérer au plus juste tout appel de détresse. « Aujourd’hui, il faut au moins trois heures pour qu’une personne, perdue en mer ou en montagne, soit détectée », indique Lucia Caudet, porte-parole de la Commission européenne. Avec Galileo, il ne faudra que « 10 minutes ».
Au-delà de cette précision millimétrée, Galileo proposera deux services que ne possède pas le GPS américain. Le signal émis sera d’abord daté à quelques milliardièmes de secondes près. Ensuite, il possédera un système d’authentification « qui permettra à l’utilisateur d’avoir la certitude d’utiliser le signal Galileo », souligne le Cnes. Une sorte de clé de sécurité rendant impossible tout piratage à distance d’un smartphone, par exemple, ou d’un des futurs véhicules autonomes que l’on nous promet. « On entend ici ou là que l’ambition, c’est que rapidement on ne dise plus que “Galileo est le GPS européen” mais que “le GPS est le Galileo américain”, s’amuse Jean-Yves Le Gall, optimiste. Ça mettra un certain temps quand même... »
Doté d’un budget de plus de 13 milliards d’euros (dont 2,4 pour la France), le programme Galileo n’est plus à ça près. Lancé en 1999 par l’Union européenne, il devait être mis en service en 2008... Mais le trajet de ce projet phare, soumis dès le départ aux rivalités entre États, va s’avérer chaotique. La Commission européenne a d’abord tenté de financer cette gigantesque ambition par un partenariat public-privé. Mais le consortium, composé de groupes industriels européens, ne parviendra jamais à s’entendre. Et, en 2008, le projet sera finalement placé sous la responsabilité de la Commission avec un budget entièrement public. En 2014, cette fois, deux satellites sont envoyés mais sur une mauvaise orbite, tandis qu’un troisième reste hors service depuis 2012 suite à une panne d’antenne...
Galileo paiera-t-il tous ces retards ? Le risque est réel. Car dans cette course à la technologie, les systèmes de navigation concurrents se modernisent aussi. Le GPS américain et le Glonass russe se sont déjà attelés à renouveler leurs réseaux de satellites. Quant au Beidou, qui fonctionne uniquement en Chine, il promet une couverture mondiale également en 2020.

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