jeudi 15 décembre 2016

Diplomatie des décombres

Diplomatie des décombres

Par Patrick Apel-Muller
Jeudi, 15 Décembre, 2016
L'Humanité
  
Dans un quartier rebelle d'Alep, le 13 décembre 2016 lors d'une opération menée par les forces gouvernementales syriennes pour reprendre la ville. Photo : AFP
Dans un quartier rebelle d'Alep, le 13 décembre 2016 lors d'une opération menée par les forces gouvernementales syriennes pour reprendre la ville. Photo : AFP
L'éditorial de Patrick Apel-Muller. « Cette victoire du régime syrien ne clôt pas la guerre (...) Elle marque, en revanche, l’échec des grands pays occidentaux qui avaient choisi le conflit à outrance.»
Alep est tombée à l’issue d’une bataille furieuse, sanglante. Les premières victimes en sont les populations de l’est comme de l’ouest de la ville. Cette victoire du régime syrien ne clôt pas la guerre ; elle peut même ouvrir la voie à d’autres enchaînements meurtriers. Elle marque, en revanche, l’échec des grands pays occidentaux qui avaient choisi le conflit à outrance, donné carte blanche aux sponsors de Daech, l’Arabie saoudite et le Qatar, laissé la Turquie ouvrir ses frontières aux djihadistes, fourni des armes et des instructeurs. Les autorités françaises ont joué un rôle particulièrement néfaste, couvrant leurs choix guerriers du vernis des droits de l’homme, effectivement bafoués par le régime d’Assad. Elles les poursuivent aujourd’hui sur le terrain de la propagande, trop souvent relayées par des médias qui se gardent de vérifier les faits et entretiennent une image manichéenne du conflit. Cependant, le ministre des Affaires étrangères vient d’entrebâiller une porte, si souvent claquée dans les années passées, pour des négociations de paix et pour une transition politique. Mais que de bombes, de sang et de drames pour y parvenir ! C’est une diplomatie des décombres.
« Pour rétablir la paix, il faut y croire », martelait Jean Jaurès. Hélas, l’Élysée a préféré – sur ce terrain proche-oriental comme sur d’autres – la doctrine Sarkozy, celle des interventions militaires et du primat de la force. En contribuant à faire capoter le processus de Genève, en ne dialoguant qu’avec les forces d’opposition syriennes favorables à ses options, en mettant comme préalable à tout l’éviction d’Assad, l’exécutif français a contribué à torpiller les chances de sortir de ce bourbier sanglant et s’est aveuglé sur la fragilité de Damas. Elle a permis l’intervention russe, qui a changé la donne et rajoute de nouvelles inconnues à l’équation. Il est urgent de déblayer les décombres de notre diplomatie et de la reconstruire, en cessant de s’enivrer du parfum de la poudre et des rhétoriques martiales.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire