mardi 6 décembre 2016

Pisa. « Un discours qui se veut de vérité, mais qui est orienté »

Pisa. « Un discours qui se veut de vérité, mais qui est orienté »

Education
Entretien réalisé par Adrien Rouchaleou
Mardi, 6 Décembre, 2016
L'Humanité

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« que nous mettons en avant est l’absence de prudence du Pisa dans ses discours sur l’école en général ou sur ses propres données, qu’il s’agisse des tests ou des résultats. » photo richard damoret/REA
« que nous mettons en avant est l’absence de prudence du Pisa dans ses discours sur l’école en général ou sur ses propres données, qu’il s’agisse des tests ou des résultats. » photo richard damoret/REA
Richard DAMORET/REA
L’OCDE publie aujourd’hui sa traditionnelle étude Pisa pour 2015. Un classement des systèmes éducatifs loin d’être scientifique, rappellent les chercheurs Bertrand Daunay et Daniel Bart.
L’OCDE doit publier aujourd’hui les premiers résultats de son étude Pisa pour 2015. Un classement des systèmes éducatifs qui fait beaucoup de bruit tous les trois ans, mais qui mérite d’être lu avec distance et critique selon Bertrand Daunay et Daniel Bart, professeur et maître de conférences en sciences de l’éducation à Lille-III, auteurs du livre les blagues à Pisa. Le discours sur l’école d’une institution internationale (Éditions du croquant, 2016).
Comment fonctionne le Pisa ?
Daniel Bart Le programme Pisa est un programme international d’évaluation scolaire mis en place depuis 2000 par l’OCDE. Tous les trois ans, des tests sont réalisés auprès d’échantillons représentatifs d’élèves de 15 ans dans un nombre croissant de pays pour produire un outil de comparaison des performances et, in fine, un classement. L’étude porte principalement sur trois domaines : compréhension de l’écrit, culture mathématique et culture scientifique, avec parfois des évolutions, comme en 2012 avec l’apparition du domaine « culture financière ».
Quelles critiques faites-vous du Pisa ?
Bertrand Daunay Ce qui nous frappe le plus et que nous mettons en avant est l’absence de prudence du Pisa dans ses discours sur l’école en général ou sur ses propres données, qu’il s’agisse des tests ou des résultats. Cette forme d’arrogance va de pair avec une quasi-absence de référence aux différentes théories et un oubli de domaines majeurs de la recherche comme la sociologie ou la didactique. Cela interroge la validité de ce discours, qui se veut de vérité, mais qui est évidemment orienté.
Quelle vision idéologique porte le Pisa ?
Bertrand Daunay Tout discours est idéologique. L’orientation ne serait pas problématique si elle était assumée, claire et discutée. Ce qui pose problème, c’est l’absence de discours sur le discours, pour une institution qui veut penser l’avenir et qui finalement s’enferme dans un discours d’évidence.
Daniel Bart Le problème est qu’il y a très peu de distance et même une imposition tranquille de discours qui sont tout à fait discutables. Qu’une organisation internationale à vocation politique et économique comme l’OCDE ait une orientation idéologique est assez banal et nous, nous ne faisons qu’interroger ce qui est masqué par ce discours d’évidence.
Faut-il prendre le Pisa au sérieux ?
Bertrand Daunay  Suffisamment de gens prennent le Pisa au sérieux pour qu’on ne puisse pas nier qu’il faille le prendre au sérieux… Et, c’est certain, la publication aujourd’hui des résultats de la nouvelle enquête suscitera de nombreuses réactions. Ce que nous disons en revanche, c’est que ce sérieux trouve ses limites quand on voit ce que les textes du Pisa contiennent de curieux…
Daniel Bart Ce qui est étonnant, c’est l’articulation entre une prétention très forte à la « scientificité » et, en réalité, la pauvreté de certains aspects de son discours. Du coup, cela produit des propos de « bon sens », qui tendent plus à la culpabilisation des personnes, notamment les enseignants et les parents, qu’à la mise en cause des orientations promues par l’OCDE…

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