mardi 9 février 2016

Derrière les barreaux, des vies de femmes


Derrière les barreaux, des vies de femmes

AUDREY LOUSSOUARN
MARDI, 9 FÉVRIER, 2016
L'HUMANITÉ

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@WHAT'S UP FILMS
Détenues France 2. 23 heures. La journaliste de France 2 Marie Drucker s’est munie d’une caméra pour filmer le quotidien de femmes en prison. Une magnifique plongée dans leur intimité et leurs réflexions.
Dans l’atelier, les femmes, blouses sur le dos, sont à leur poste. Elles discutent. Rien de bien léger : elles réfléchissent ensemble de la possibilité ou non d’un « deuil ». Celui d’avoir commis un crime. Marie Drucker plante le décor de sa nouvelle réalisation. Durant deux ans, elle a intégré les murs d’une prison pour femmes, dont elle tait le nom. Françoise, Édith ou encore Danielle, toutes ont été condamnées à de très longues peines. Betty a pris 25 ans. Elle avait 18 ans quand elle a commandité le meurtre du mari de celle qu’elle aimait. Sa jeunesse, elle la vit entre ces murs clos. Ces femmes viennent de toutes les conditions sociales, certaines ont eu des vies dures. Aucune n’est floutée. « Je voulais leur donner un visage et une voix », souligne à ce propos Marie Drucker : « Je me suis rendu compte, concernant les femmes, qu’il existait beaucoup de travaux sur la dépendance, l’anorexie ou les violences conjugales. Mais rien sur les femmes en prison. C’est une marginalité jusqu’au bout. »
Marie Drucker laisse aux images le temps de parler d’elles-mêmes, chose rare aujourd’hui à la télévision. La réalisatrice s’immerge dans ce que ces femmes ont de plus intime, avec tout de même une certaine pudeur. Face caméra ou entre elles, elles confessent leurs préoccupations, leurs regrets et leurs angoisses, sur ce qui fait que tout bascule, l’enfermement, la peur d’en sortir ou ce qui les fait tenir. Les femmes sont d’une transparence absolue. « Nous avons respecté leur rythme. Parfois, nous arrivions et elles n’étaient pas en forme. Alors nous attendions le lendemain. L’avantage de ne pas être dans un rythme de reportage », dit Marie Drucker. Parfois, elles se montrent extrêmement dures avec elles-mêmes. « Apparemment, c’est très féminin. Les hommes, eux, se retranchent beaucoup derrière l’erreur judiciaire », tente d’expliquer la journaliste. Leur amitié, tournée vers le réconfort, est forte. Preuve en est quand l’une d’elles se verra refuser son allégement de peine…
On le devine au visionnage, Marie Drucker reste en retrait, filme sans trop s’immiscer. D’ailleurs, elle a choisi de ne faire aucun commentaire en fond. « Ce n’est pas un sujet sur la prison, par ses chiffres et ses conditions de vie. Je n’avais pas de données factuelles à ajouter. Ensuite, qu’aurais-je pu dire de plus fort que leurs paroles ? Je voulais m’effacer derrière leurs mots », souligne la présentatrice du JT de France 2. Les postes de télévision sont omniprésents dans le film. Du coup, pour elle, pas facile de casser son image de personnalité publique. « Il n’y a eu aucune familiarité. J’ai passé des mois à leur rendre visite, sans filmer, pour qu’elles se familiarisent avec moi. Ce n’était pas évident pour elles. » L’administration pénitentiaire, tout comme les femmes, a eu complètement confiance en Marie Drucker. Aucun droit de regard n’a été demandé.

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