Damien Carême « Je refuse de les abandonner dans la boue »
Entretien réalisé par Emilien Urbach
Mercredi, 9 Mars, 2016
L'Humanité
Depuis lundi, le premier camp de réfugiés en France aux normes humanitaires a ouvert à Grande-Synthe (Nord). Une initiative combattue par l’État mais parfaitement assumée par le maire de la ville.
Depuis lundi, quelque 900 réfugiés sont sortis de l’insalubrité du camp du Basroch, à Grande-Synthe, et relogés dans un nouveau camp humanitaire créé par la ville, en collaboration avec Médecins sans frontières. Hier, la préfecture du Nord a « mis en demeure » le maire (EELV), Damien Carême, de retirer l’arrêté municipal permettant l’ouverture de cette infrastructure pourtant construite d’après les normes internationales. Réactions de l’intéressé.
Que répondez-vous au préfet qui se dit « inquiet » des dangers relevés par la commission communale de sécurité ?

Comment analysez-vous ce refus de l’État ?
Damien Carême J’accueille des réfugiés sur le territoire communal depuis 2006. À l’époque, et jusqu’à juillet dernier, ils étaient en moyenne une cinquantaine. Avec le blocage de la frontière, à Calais, ça a explosé : 500 fin septembre, 1 200 fin octobre, 1 800 fin novembre, 2 500 en décembre… Qu’est-ce que j’aurais dû faire ? On ne peut pas placer ces personnes en centres d’accueil et d’orientation contre leur gré. On ne va pas les expulser vers leur pays d’origine en allant à l’encontre des conventions internationales. Les accords du Touquet nous empêchent de les laisser passer en Angleterre. Soit on les disperse, soit on les accueille dignement. Pour ma part, je refuse d’abandonner des enfants dans la boue, là où on ne laisserait pas vivre un chien. Ce n’est pas du luxe. Ils ont juste un habitat chauffé et de l’eau. Ils font le rêve, depuis des années, d’aller en Angleterre. On ne peut pas leur demander d’y renoncer du jour au lendemain. Donnons-leur de quoi se mettre à l’abri dignement et ils pourront envisager de demander l’asile en France.
Que répondez-vous à ceux qui agitent le spectre de l’appel d’air ?
Damien Carême On gérera les arrivées en donnant les places qui existent. On interdira toute implantation imprévue. Ce mercredi, nous aurons mis à l’abri 1 500 personnes. C’est énorme pour une ville comme la nôtre. Il aurait fallu sans doute une infrastructure plus petite destinée à 200 ou 300 individus et en construire d’autres dans des villes qui en ont la volonté. On peut regretter que l’État refuse d’accompagner ce type de démarche. Ce n’est le projet de vie de personne de s’installer dans un camp dans le nord de la France, à Grande-Synthe. Mais les réfugiés sont là. Quand on les condamne à se cacher dans des fourrés boueux, ils sont, en effet, moins visibles et le FN a moins l’occasion de faire vrombir ses sirènes xénophobes. Mais ils sont là. Ils sont sur les routes. On ne peut pas nier cette évidence. Il faut pouvoir leur donner une réponse respectueuse de la dignité humaine.
Damien Carême, est maire de Grande-Synthe
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