mercredi 30 mars 2016

La police a eu la main très lourde au lycée Bergson

La police a eu la main très lourde au lycée Bergson

Mehdi Fikri
De Paris à Nantes, en passant par Lyon (notre photo), les dénonciations d’agressions se multiplient depuis jeudi dernier.
Photo : Robert Pratta/reuters
Au-delà du cas médiatisé du jeune Adan, de nombreux élèves de cet établissement parisien ont été victimes d’une féroce répression. Les témoignages s’accumulent et la FCPE réclame une « véritable enquête ».
Une élève noire traitée de « pute » par une policière, un autre menacé par un agent de la BAC : « On peut vous frapper jusqu’à la mort ! » L’intervention policière du jeudi 24 mars, devant la cité scolaire Bergson, dans le 19e arrondissement parisien, n’en finit plus de surprendre par sa violence. Les images du jeune Adan, 15 ans, recevant sans raison un coup de poing au visage, ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux, allant jusqu’à « choquer » le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. Cette agression fera l’objet, a promis le préfet de police de Paris, d’une enquête de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Mais depuis, d’autres vidéos sont venues montrer que cette « bavure » était loin d’être un cas isolé. Une multitude d’élèves de Bergson ont fait l’objet, ce jour-là, de coups de matraque injustifiés, de « balayettes » ou encore de gazages intempestifs à la lacrymogène. D’après Ilies, un des lycéens, certains policiers auraient également proféré des menaces « de mort ou de viol ».

Déshabillé et laissé en caleçon

La FCPE de l’établissement relaie nombre d’images de jeunes plus que malmenés par les forces dites de sécurité. Une des vidéos montre un policier en civil, capuchonné et sans brassard, distribuer des coups de matraque dans le dos d’élèves qui se dispersent tranquillement. Sur une autre, un agent tacle un jeune qui sortait du bahut, puis on voit un autre assis sur un muret, se faire attraper, coller au sol et embarquer sans ménagement. Il s’agit vraisemblablement de « Steven » (1), un mineur isolé qui vit en foyer et dont le sort inquiète particulièrement la FCPE. « Il été placé jeudi en garde à vue et il a passé la journée au commissariat. D’après les témoignages, il aurait été déshabillé et laissé en caleçon », s’indigne Isabelle Konopnicki, une parente d’élève. Il n’a été relâché qu’une trentaine d’heures plus tard, sur intervention du maire du 19e arrondissement. Le jeune, blessé, s’est vu octroyer deux jours d’ITT à sa libération. « Le comble, c’est que les policiers, de leur côté, ne se sont pas privés de porter plainte contre lui ! » ajoute Isabelle Konopnicki. La FCPE s’interroge également : pourquoi la brigade anticriminalité – la BAC – a été dépêchée devant le lycée ? « Ce sont les jeunes qui manifestent que l’on traite comme des criminels ? » s’insurge la parente d’élève. Pour elle, la hiérarchie policière a visé spécifiquement Bergson. « Les policiers n’agissent pas au hasard. C’est un collège-lycée populaire, avec de nombreux élèves issus de l’immigration. » Et il est généralement à la pointe des mouvements de contestation.
Un autre témoignage qui circule sur Internet renseigne sur l’ampleur des exactions policières. Anne-Sophie, une habitante de la rue Pailleron, a assisté à tout depuis la fenêtre de son appartement. Elle parle de la « brutalité systématique ». Notamment à l’encontre d’un « garçon de 14 ou 15 ans », « passé à tabac sur la chaussée (…) par au moins quatre policiers, lesquels s’acharnaient sur lui à coups de matraques, deux d’entre eux le frappant sur le corps et en plein visage, tandis que deux autres le rouaient de coups de pieds, d’abord dans les jambes pour le faire tomber – à deux reprises – puis dans les flancs alors qu’il était déjà à terre. Je suis aussitôt intervenue en criant par la fenêtre, mais ils ne m’entendaient pas (…). De force, ils ont relevé le garçon complètement sonné, titubant, et l’ont emmené. » Anne-Sophie évoque également une jeune fille recevant « des coups de matraque provoquant sa chute, puis l’acharnement sur son corps alors qu’elle avait chuté »…
Plusieurs plaintes ont été déposées par des parents d’élèves. Et la FCPE demande qu’une « véritable enquête » soit menée. En attendant, Ilies, le lycéen, s’inquiète : « J’espère que la police ne remettra pas ça lors du blocage prévu ce jeudi. »

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