jeudi 17 mars 2016

Une loi qui empoisonne la santé

Une loi qui empoisonne la santé

Kareen Janselm
Jeudi, 17 Mars, 2016
L'Humanité

Réuni depuis hier en états généraux, le Collectif pour la santé des travailleurs alerte contre la loi travail.
Durée, rythme et conditions de travail : le projet de loi El Khomri aura des conséquences délétères sur la santé des travailleurs. Voilà sans conteste l’avis global des 500 professionnels de la santé et experts de terrain réunis depuis hier à la bourse du travail de Paris pour les états généraux de la santé des travailleuses et travailleurs. Alors qu’une nouvelle réforme se dessine qui va compliquer les procédures de reconnaissances des maladies professionnelles, l’avant-projet de loi travail donne toujours plus de pouvoir aux employeurs pour adapter l’employé à l’entreprise, dans un contexte où la précarité augmente et les CDD raccourcissent. Où même le sacro-saint CDI n’est plus aussi protecteur.

Le gouvernement fait la sourde oreille

« Avec le projet de loi El Khomri, le salarié va se trouver à disposition de son employeur, alarme l’avocate Alexandra Soumeire, du Syndicat des avocats de France (SAF), avec un temps de travail qui ne sera plus défini par le contrat mais à l’initiative de l’employeur. La modulation du temps de travail va imposer l’alternance de grosses périodes de travail et de moins grosses, sans payer les heures supplémentaires. » La durée quotidienne du travail, par exemple, aujourd’hui limitée à dix heures, ne pouvait excéder 12 heures que dans certains cas précis encadrés par la loi. Avec le nouveau projet de loi, le dépassement pourra être enclenché pour tout motif lié à l’organisation de l’entreprise grâce à un accord collectif.
Les professionnels pointent les dangers d’un travail qui contraint, épuise, expose aux produits chimiques dangereux, aux cancers professionnels, rend malade, mais le gouvernement fait la sourde oreille. « L’employeur est déchargé de ses responsabilités sur l’aptitude du salarié, son reclassement, l’aménagement de poste, résume l’avocate Elodie Touaillon-Hibon. Toute la responsabilité repose désormais sur le médecin du travail. Le texte a remplacé la notion d’emploi par la notion de poste. Le salarié est considéré comme un pion. » Et si le salarié le refuse, il devra quitter l’entreprise. Les médecins dénoncent le basculement de leur mission en faveur des objectifs de l’employeur. Quand à l’expertise des CHSCT, celle-ci vit peut-être ses derniers jours. En contestant l’expertise devant le juge, l’employeur pourra la suspendre. Alors comment reprendre l’offensive face à un travail qui n’émancipe plus mais détruit ? « Défendre la qualité du travail pourrait être un enjeu fédérateur », a avancé Thomas Coutrot, chercheur et porte-parole d’Attac.

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