lundi 14 mars 2016

Le Printemps de l’Humanité, un combat pour la survie du journal

Le Printemps de l’Humanité, un combat pour la survie du journal

Caroline Constant
Lundi, 14 Mars, 2016
L'Humanité

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Paris, le 12 mars 2016. Assemblée générale de l’association des lecteurs de l’Humanité avec de gauche à droite : Gilbert Garrel, syndicaliste cheminot, Nicolas Devers-Dreyfus, président de la société des lecteurs et lectrices, Patrick Le Hyaric, directeur du journal et l’acteur Philippe Torreton.
Photo : Patrick Nussbaum
Samedi après-midi, lors de l’assemblée générale des lecteurs et lectrices de l’Humanité, Patrick Le Hyaric a appelé à se mobiliser pour le journal, tandis que Philippe Torreton et Gilbert Garrel réaffirmaient leur attachement au titre.
«On meurt au travail, on meurt du manque de travail. On nous parle de guerre économique (…). Si on parle de guerre, il nous faut un journal pour nous dire ce qui se passe au front, et pas dans les salons. » Samedi après-midi, dans la salle du patronage laïque du 15e arrondissement de Paris, lors de l’assemblée générale des lecteurs et lectrices de l’Humanité, l’acteur Philippe Torreton a donné le ton : l’Humanité sert à nous défendre, à avoir un autre son de cloche que les médias dominés par les grands groupes économiques et financiers. Or, l’Humanité est en danger, et son directeur, Patrick Le Hyaric, a appelé, lui aussi, à entrer dans une forme de résistance, avec « le Printemps pour l’Humanité ». Histoire que le titre ne soit pas victime, lui aussi, de la guerre économique.
« Que serions-nous sans l’Humanité ? » alerte ainsi Gilbert Garrel, secrétaire fédéral de la fédération CGT des cheminots. « C’est un journal qui a une utilité pour soi, pour le mouvement syndical, progressiste et culturel », martèle le directeur. Un journal « d’informations générales qui s’adresse à l’immense majorité de nos concitoyens qui se reconnaissent dans la sphère de gauche, pour avoir accès à une information qui nourrit, qui sert à devenir un acteur politique ». Même et surtout si « l’Humanité n’est pas la Bible, mais un corps vivant qui évolue chaque jour, voire dans la journée ». L’Humanité, c’est un journal qui, face à une information « du top et du flop », qui « se rétrécit », se « racrapote », « représente une poche de débat qui perdure, parce qu’il ne reste plus que ça », martèle Philippe Torreton. L’Humanité sert surtout à donner de la voix à ceux qui en sont privés, ou dont le propos est déformé, à l’instar de Jean-Pierre Pernaut, sur TF1, qui a menti outrageusement, la semaine dernière, sur les congés des cheminots. Gilbert Garrel assure que le seul journal qui a décrypté toutes les réformes en cours sur la SNCF, qui a alerté sur leur dangerosité, c’est l’Humanité. Patrick Le Hyaric poursuit le propos : le journal de Jaurès a été le seul à tirer la sonnette d’alarme sur l’ouverture du capital d’EDF-GDF. « Si, à l’époque, nous avions été en mesure de peser davantage dans la société, on aurait peut-être pu créer les conditions pour empêcher un certain nombre de choses. »
Car le problème de l’Humanité est double : il est économique, puisque le journal est le seul quotidien d’informations générales de la presse française à ne pas être recapitalisé par un grand groupe. Et donc, avec l’augmentation constante des coûts de fabrication, il se retrouve dans une nasse économique, avec une baisse aussi constante des aides à la presse à faibles ressources publicitaires. Mais, au-delà, le journal souffre aussi d’un déficit de connaissance.

« Il nous faut mener une campagne politique pour protéger le journal »

« Nous sous-estimons nous-même le degré de connaissance du journal, pas seulement sur son existence, mais aussi sur son contenu », affirme Patrick Le Hyaric. Ce que confirme Taïs Hernandez, responsable CGT de l’AP-HP. Qui indique, pour beaucoup des syndiqués de son hôpital, l’Humanité est considéré comme un journal communiste, et juste ainsi. Elle, elle contourne les réticences en placardant les papiers, qui parlent des luttes, et des thématiques sur l’hôpital et la santé, en les balançant sur Facebook. « Nous avons beaucoup de jeunes adhérents, qui n’ont pas de culture militante, ni politique, ni syndicale », note-t-elle. Pour Gilbert Garrel, « il y a 20 000 sections syndicales CGT en France. Serait-il outrancier d’avoir 20 000 abonnements à l’Humanité, sachant que la plupart d’entre elles sont déjà abonnées à un titre », souvent de la presse locale. Or, « comment créer un accès des syndiqués à une autre forme d’informations, quand le prix du journal est à 1,90 euro, ce qui est compliqué pour certains salaires ? ». L’Humanité, c’est aussi un journal qui peut permettre à chaque citoyen de s’informer, et de se former aussi à une pensée critique. « Nos anciens camarades, même dans les camps, s’éduquaient entre eux. » Nous sommes aujourd’hui « obligés de faire des efforts », pour affronter, en face, les spécialistes de la communication politique et économique, qui a gangrené toute la société, relève Patrick Le Hyaric.
Alors, comment soutenir concrètement l’Humanité, dans ce contexte ?
« Il nous faut mener une campagne politique pour protéger le journal, martèle Patrick Le Hyaric. Une campagne qui passe par des dons, mais surtout par des abonnements, et des initiatives pour donner à voir, à connaître l’Humanité, pour faire reculer les idées reçues. » « Je crois que nous entrons dans une période où il nous faut gagner notre indépendance », en gagnant des lecteurs, beaucoup de lecteurs, afin d’être à l’abri des pressions financières. Et le combat, puisque c’en est un, ne fait que commencer, pour le directeur, qui conclut « On bouge encore. »

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