jeudi 24 mars 2016

« Le Japon se trouve dans une situation dangereuse »

« Le Japon se trouve dans une situation dangereuse »

Entretien réalisé par Lina Sankari
Mercredi, 23 Mars, 2016
Humanite.fr

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Pour Morihara Kimitoshi " si la nouvelle loi sur la sécurité était votée, le recours à la force, au droit de tuer constituerait un véritable danger et serait anticonstitutionnel".
Photo : Reuters
Responsable des relations internationales du Parti communiste japonais, Morihara Kimitoshi revient sur les négociations inédites avec le Parti démocrate dans le cadre des sénatoriales.
Malgré les importantes manifestations, le premier ministre Shinzo Abe n’a pas renoncé à la loi sur la sécurité qui autorise les Forces d’autodéfense à participer à des opérations extérieures au nom de « l’autodéfense collective ». Quels risques ce texte fait-il courir au pays ?
Morihara Kimitoshi. C’est du jamais-vu depuis la fin de la bataille du Pacifique. Par le biais de sa Constitution pacifique, le pays a renoncé à jamais à la guerre et l’automne dernier, Shinzo Abe a révisé l’interprétation de la loi fondamentale. Si la nouvelle loi était votée, le Japon pourrait par exemple mener des opérations conjointes avec l’armée américaine en Irak ou en Syrie. Jusqu’à aujourd’hui, les Forces d’autodéfense déployées à l’extérieur se contentent de participer à des projets de reconstruction ou des opérations médicales, supervisées par les Nations Unies. Or, la légalisation du recours à la force, du droit de tuer constitue un véritable danger et est anticonstitutionnel.
Selon vous, les Etats-Unis ont-ils fait pression pour voir la Constitution du Japon évoluer ?
Morihara Kimitoshi. Le Japon, et en particulier le Parti libéral-démocrate de Shinzo Abe, n’a jamais rejeté les demandes américaines. Notre histoire politique est jalonnée d’exemples en ce sens. Mais jusqu’à présent, les Etats-Unis comprenaient les limites imposées par notre Constitution et ne nous ont jamais vraiment demandé d’aller plus loin. Si l’on envisage le cas de la mer de Chine, on se rend compte à quel point toute évolution de la constitution serait risquée. Si un accident intervient dans cette zone, les Etats-Unis enverront des navires et nous demanderons de déployer des troupes en accord avec notre nouvelle Constitution.
En juillet se tiendront les sénatoriales. Comment évoluent les discussions avec le Parti démocrate du Japon (PDJ) ?
Morihara Kimitoshi. Il faut tout d’abord comprendre que la situation dangereuse dans laquelle se trouve le pays à l’heure actuelle : redémarrage des centrales nucléaires, loi de guerre, Traité transpacifique, Abenomics… Dans ce contexte, nous tentons de créer un cadre de discussions avec les démocrates et quatre autres partis pour répondre à la colère populaire et gagner la majorité des deux tiers à la Chambre haute afin de bloquer les projets de Shinzo Abe. C’est d’une importance capitale car, pour l’heure, le vote de la loi s’apparente à une simple formalité pour Abe. Les négociations sont toutefois compliquées car la partie la plus conservatrice des démocrates n’est pas très enthousiaste à l’idée d’une coalition avec les communistes et craint de perdre une partie de son électorat.
Dès lors, sur quelles bases discutez-vous avec le PDJ ?
Morihara Kimitoshi. Si les discussions sont sérieuses et que nous nous sommes entendus avec quatre autre partis au niveau national pour une coopération, de nombreux sujets posent problème. Nous tombons d’accord sur la loi de guerre, le Traité transpacifique et les Abenomics et c’est le plus urgent. En revanche, en ce qui concerne le nucléaire, le Parti démocrate dépend beaucoup du Rengo, la confédération des syndicats ouvriers japonais, qui est la confédération majoritaire dans les compagnies d’électricité. Cela signifie que tous deux soutiennent le redémarrage des centrales nucléaires contrairement aux communistes. Nous sommes déjà parvenus à nous entendre sur le fait que le Japon ne se mette pas de nouveau en situation de dépendance vis-à-vis du nucléaire. Nous avons trouvé un candidat commun dans la préfecture de Miyagi et espérons que cela donne une impulsion dans les autres circonscriptions.

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