jeudi 24 mars 2016

Des clips chocs pour faire oublier le racisme d’État

Des clips chocs pour faire oublier le racisme d’État

Pierre Duquesne
Mardi, 22 Mars, 2016
L'Humanité

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Manuel Valls à Créteil (Val-de-Marne), en avril 2015. le premier ministre a relayé en personne les clips sur les réseaux sociaux.
Photo : Hamilton/Réa
La campagne nationale contre le racisme et l’antisémitisme est critiquée par les associations, qui dénoncent des politiques publiques qui légitiment les discours racistes et les divisions.
C’est une « campagne choc », comme celles auxquelles nous avait habitués la prévention routière. Depuis dimanche, le gouvernement diffuse sur nos écrans six clips pour dénoncer le racisme et l’antisémitisme. « Attention, ces propos et ces images peuvent choquer », dit une voix avant un dispositif toujours identique. Des images d’agressions ultraviolentes sur lesquelles sont superposées des voix off de propos racistes que l’on peut entendre aux comptoirs des cafés. « Le racisme, ça commence par des mots. Ça finit par des crachats, des coups, des sangs », conclut le spot.
Manuel Valls a relayé en personne les clips sur les réseaux sociaux. Quant à François Hollande, il s’est invité hier matin au lancement de la semaine d’éducation contre le racisme et l’antisémitisme au musée de l’Immigration, appelant à « l’unité » de la nation devant des lycéens ébahis. Et d’ajouter : « Ce qu’espèrent les fanatiques, les extrémistes, c’est nous diviser, que nous puissions être constitués en catégories, en communautés qui auraient des intérêts différents. Non. Nous sommes une unique nation. »
Enfin ! Enfin le gouvernement qui fait de l’antiracisme et de l’égalité la mère de tous les combats, devrait se dire tout militant antiraciste, avant de se ranger derrière les mots-clés #TousUnisContreLaHaine ! Ce n’est pas l’avis des militants antiracistes. « Cette campagne, culpabilisante et violente, dénonce les idées reçues comme s’il s’agissait d’un problème moral, mais à aucun moment il ne démonte ces arguments », déplore Françoise Dumont, présidente de la Ligue des droits de l’homme. Pis, le gouvernement fait croire que le racisme « n’est qu’un problème entre individus, de gens lambda, sans jamais parler du racisme institutionnel ». Or, insiste Françoise Dumont, « ce sont des pratiques sociales qui font qu’une personne noire ou arabe a jusqu’à quinze fois plus de chance d’être contrôlée par la police et qu’une personne qui s’appelle Mohammed aura moins de chance de trouver un emploi ». Parler de « haine » dépolitise aussi la question du racisme, explique Sihame Assbague, ancienne porte-parole du collectif Stop le contrôle au faciès. « La haine, c’est un sentiment. Or, le racisme est sous-tendu par une idéologie, une certaine vision de l’histoire et des discours politiques. » Et depuis 2012, la situation s’est empirée. Abandon du récépissé des contrôles d’identité, débat sur la déchéance de nationalité, sans parler des discours de Manuel Valls contre l’accueil des réfugiés à Munich, sur les Roms « qui n’ont pas vocation à s’intégrer » ou sur le voile, « question essentielle de la République »… Le gouvernement n’a cessé d’attiser les divisions. Il devrait d’abord balayer devant sa porte et montrer l’exemple.

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