jeudi 24 mars 2016

Des téléopérateurs fliqués jusque dans leur « pause pipi »

Des téléopérateurs fliqués jusque dans leur « pause pipi »

Jeudi, 24 Mars, 2016
Humanite.fr

Les téléopérateurs de Téléperformance à Blagnac, dans la banlieue de Toulouse, sont désormais contraints de demander officiellement par mail l'autorisation de prendre une pause, même pour aller aux toilettes. Ce serait une exigence du client : Patrick Drahi…
"J'ai 53 ans et depuis que je suis sorti de l'école je ne demande plus l'autorisation d'aller faire pipi" a déploré mercredi Thierry Godec, délégué CFDT de l'entreprise. Les téléopérateurs de l’entreprise Téléperformance sont désormais fliqués, mesurés, quantifiés par un logiciel qui enregistre chaque minute de leur journée. "Ce logiciel oblige en fait les téléconseillers à travailler plus vite car il limite le temps (à 90 secondes, ndlr.) dont ils disposent par exemple pour +historiser+ l'appel qu'ils viennent d'avoir", a expliqué le syndicaliste.
Avec ce nouveau logiciel, le téléopérateur qui désire une pause dans les appels avec les clients doit désormais demander par mail l'autorisation. Et qu'il s'agisse d'un motif professionnel pour rentrer des informations ou privé, c'est le destinataire, le responsable d'équipe, son binôme ou encore celui dit le "vigiste" qui est appelé à donner son aval, ou non.
"C'est la même chose pour toutes les pauses, même les physiologiques", explique le syndicaliste, également élu au CHSCT, rappelant que pendant sa journée de travail le salarié a le droit à une demi-heure de pause pour boire, aller aux toilettes, manger...
Si la « pause pipi » marque les esprits, pour le CHSCT, il est important de se rendre compte également que ce logiciel enregistre toutes les données de chaque salarié, minute par minute. "C’est avilissant. Ça évoque les galères romaines : vous êtes scotchés à votre siège, sans pouvoir vous extraire du flux." "La fameuse pause pipi a mis le feu aux poudres", a raporté Fouad Bouharguane, élu CHSCT Solidaire, au site Il espère que l’effet médiatique peut toucher la direction. "La dégradation des conditions de travail, ça ne va pas avec l’image et l’éthique que veut afficher Teleperformance."
Cette obligation, qui concerne quelque 200 des 400 salariés du site, est la conséquence de la mise en service mercredi d'un logiciel "de gestion de flux des appels" baptisé CAV (centre appel virtuel) à la demande d'un unique client, SFR-Numéricable, de Patrick Drahi a expliqué Thierry Godec. Le logiciel permet une redistribution des appels en cas d’affluence.
Les téléopérateurs travaillant pour d'autres clients ne sont pas concernés par ce logiciel.
"Avec le CAV, pour s’extraire du flux, vous devez faire une demande de pause, pendant que vous êtes sur un appel. Et pour une pause physiologique, c’est pareil. La demande est envoyée au responsable d’équipe, qui n’est pas forcément là, ou à son binôme, et si celui-ci n’est pas non plus dans le service, au vigiste, qui gère le flux, qui n’est pas dans le bureau, et qui va gérer les pauses, quelles qu’elles soient, de la même façon. Il faut s’attendre à s’entendre dire : non, il faut attendre dix minutes…" explique le syndicaliste. "Il y a donc un grand risque de non-réponse. Selon les statistiques, les cadres ne passent que 55 % de leur temps devant l'ordinateur. Alors si vous tombez sur les 45 % et que vous prenez un autre appel qui dure une heure, vous pétez un câble". Un préavis de grève, un appel à tomber les casques, a été déposé pour vendredi à partir de 14 heures pour protester contre ce logiciel.

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