mercredi 30 novembre 2016

À Rouvroy, la recette gagnante contre le FN

À Rouvroy, la recette gagnante contre le FN

Municipales partielles
Ludovic Finez
Mardi, 29 Novembre, 2016
L'Humanité
  
La liste « Continuons ensemble l’essor de Rouvroy » dirigée par Valérie Cuvellier (ici au centre) a remporté l’élection municipale partielle avec 78,45 % des suffrages. Photo : Mairie de Rouvroy
La liste « Continuons ensemble l’essor de Rouvroy » dirigée par Valérie Cuvellier (ici au centre) a remporté l’élection municipale partielle avec 78,45 % des suffrages. Photo : Mairie de Rouvroy
À 47 ans, la communiste Valérie Cuvillier succède à Jean Haja comme maire de Rouvroy, dans le Pas-de-Calais. Elle a largement battu la liste Front national, qui avait recueilli 54 % des suffrages aux élections régionales.
Lendemain d’élection municipale à Rouvroy, commune voisine d’Hénin-Beaumont. Sébastien vient de déposer ses enfants à l’école Raoul-Briquet. Rouvroysien depuis peu, il a pris part, dimanche, à la municipale partielle, comme 55 % des électeurs de cette commune de 9 000 habitants. Il a voté pour les « candidats communistes et républicains », emmenés par Valérie Cuvillier. Cette dernière a remporté 78,45 % des voix face à la liste Front national, Rassemblement bleu Marine, de Thomas Dubois. Sébastien désigne l’affiche du FN sur les grilles de la cour : « Ils ne mettent qu’une seule tête. Diriger une commune, c’est un travail d’équipe… » À l’inverse, la liste soutenue par le PCF présente une photo de groupe et le portrait de chaque candidat, pour la plupart élus sortants. « Je ne voterai jamais FN, mais je ne suis pas communiste non plus, explique Sébastien. Aux municipales, on ne vote pas pour un parti. Mes filles font du judo (à Rouvroy), il y a les infrastructures qu’il faut… » Christelle, elle, a voté pour reconduire une équipe « ouverte à toute discussion », qui a sa « confiance ». Elle raconte être venue voir l’ancien maire, Jean Haja (1), pour lui parler des voitures qui roulaient trop vite devant chez elle. « Il a mis des ralentisseurs », se souvient-elle. « Nous avons une nouvelle médiathèque, ils refont la salle d’escalade (détruite en 2014 dans un incendie – NDLR)… Rouvroy est une ville qui bouge », ajoute Daniel, « satisfait » du résultat de dimanche.
Pour autant, il est allé récemment à Hénin-Beaumont assister à une fête locale et a serré la main « sans problème » au maire frontiste Steeve Briois. Le contexte des deux communes est évidemment différent, les malversations de l’ancien maire socialiste d’Hénin-Beaumont ayant davantage offert la ville au FN que ce dernier ne l’a conquise. « On n’a aucune casserole et nous avons le contact avec la population », confie Jean Haja. Évoquant notamment son prédécesseur, Yves Coquelle, il rappelle que la ville est dirigée par un maire communiste depuis des décennies.

Les luttes qui soudent les liens

Sur le fronton de la mairie, une banderole résume un autre axe de l’action municipale : « Rouvroy soutient les salariés de Westeel. » La société de bus Westeel Voyages, filiale de Keolis installée près de Lens, a perdu un gros marché public sur les secteurs de Lens, Hénin-Beaumont et Béthune. La commune de Rouvroy a aidé les salariés en lutte et porté leurs revendications. « Les salariés de Westeel ont affiché sur Facebook leur soutien à notre liste », note Grégory Glorian, secrétaire général de l’union départementale CGT du Pas-de-Calais et élu sur la liste de Valérie Cuvillier. Cette dernière, professeur de français au collège de Rouvroy et élue conseillère municipale depuis 1989, se souvient d’une autre lutte, qui l’a concernée à double titre. Fin 2014, l’établissement risquait de sortir du Réseau d’éducation prioritaire. « Cela a mobilisé toute la population pendant quinze jours ou trois semaines, avec des occupations d’écoles, un blocage de rond-point, raconte-t-elle. Cela a créé des liens. »
D’autant que la lutte a été victorieuse. Elle ne cache pas que la candidature FN lui a causé quelques inquiétudes. Trois élus d’opposition siégeront désormais au conseil municipal. Mais elle dévoile aussi les dessous peu glorieux de cette liste Rouvroy bleu Marine : « Dix-huit des vingt-neuf candidats ont des liens familiaux. On compte sept couples, une fratrie et une mère et sa fille. » Son équipe a également découvert, effarée, que la liste FN voulait remettre en place une police municipale… qui n’a jamais existé à Rouvroy. Il s’agissait d’une confusion avec l’antenne de la police nationale, fermée contre la volonté de la municipalité.
Quant à l’ancrage local des candidats bleu Marine, il suscite quelques doutes. Ainsi, les affiches de campagne renvoient à l’adresse du local héninois du FN, tandis que c’est Laurent Brice, secrétaire départemental du FN et premier adjoint à Hénin-Beaumont, qui est venu en préfecture pour la vérification de validité de la liste. Valérie Cuvillier parle de véritable « pilotage extérieur ».
(1) L’élection partielle a été déclenchée par la démission pour problèmes de santé de Jean Haja, maire depuis 2001.
validation d’une politique municipale
Au premier tour des régionales de décembre 2015, la liste de Marine Le Pen était arrivée en tête à Rouvroy (54 %), devant celle du communiste Fabien Roussel (22 %), avec une participation de 57 %. Au deuxième tour, le FN réalisait 58 % face à la liste de Xavier Bertrand (LR), qui dirige aujourd’hui la région Hauts-de-France. Malgré toutes les différences entre les deux scrutins, le contraste est saisissant avec la municipale partielle de dimanche. La liste des « communistes et républicains » de Valérie Cuvillier dépasse 77 % des voix dans les cinq bureaux de vote. Dans l’un d’entre eux, elle atteint même le score de 80 %.

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