jeudi 24 novembre 2016

Loi Travail. Feu vert à la négociation d’entreprise

Loi Travail. Feu vert à la négociation d’entreprise

 
Fin 2015, le constructeur automobile Smart avait devancé la loi Travail en organisant un référendum d’entreprise sans valeur juridique pour faire passer une augmentation du temps de travail des salariés. Photo : Éric Tschaen/Réa
Fin 2015, le constructeur automobile Smart avait devancé la loi Travail en organisant un référendum d’entreprise sans valeur juridique pour faire passer une augmentation du temps de travail des salariés. Photo : Éric Tschaen/Réa
Les décrets de la loi El Khomri concernant le temps de travail ont été publiés samedi, ouvrant la voie aux accords d’entreprise primant sur les accords de branche ou sur la loi.
Trois mois après la promulgation de la loi travail, le 8 août dernier, les décrets d’application concernant le temps de travail, volet phare de la loi, ont été publiés samedi au Journal officiel. « Nous avons voulu aller vite afin que les acteurs de l’entreprise aient tous les outils pour commencer à négocier », a déclaré à l’AFP l’entourage de la ministre du Travail, Myriam El Khomri, alors qu’une centaine d’autres décrets est attendue ces prochains mois en application de cette loi-fleuve. Et de préciser que si les nouvelles dispositions ne sont applicables qu’à partir du 1er janvier prochain, les négociations dans les entreprises peuvent commencer dès maintenant.
Un premier décret assure l’application du cœur de la réforme, à savoir la primauté de l’accord d’entreprise sur les accords de branche et sur la loi. En matière de temps de travail, cette évolution était déjà largement entamée depuis les lois de 2004 et 2008, mais la loi travail a systématisé cette primauté à travers une réécriture du chapitre « Temps de travail » du Code du travail en trois étages, procédé qui devrait être appliqué à d’autres pans du Code sous deux ans. Le premier étage fixe les règles relevant de l’« ordre public », soit le socle minimum impératif auquel la négociation ne peut déroger. Un deuxième étage détermine les contours du « champ de la négociation collective », qui permet à l’accord d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut de branche, de fixer des règles. Le troisième indique les « dispositions supplétives », c’est-à-dire celles qui s’appliquent uniquement en l’absence d’accord.
De cette architecture complexe, il ressort qu’à condition de respecter le plancher de l’ordre public, la négociation d’entreprise prime, alors que, jusqu’à présent, les accords de branche pouvaient imposer des « verrous ». L’exemple le plus parlant est celui de la majoration des heures supplémentaires. Si la loi fixait la majoration à 25 % mais autorisait déjà la négociation à descendre jusqu’à 10 % de majoration seulement, la plupart des branches avaient fixé des planchers plus favorables aux salariés. Elles ne le pourront plus désormais. La négociation d’entreprise pourra descendre jusqu’à 10 %, et ce n’est qu’en l’absence d’accord que la « disposition supplétive » fixant la majoration à 25 % s’appliquera. La fin des verrous vaut aussi pour les compensations aux temps d’habillage, de déplacement ou d’astreinte, au volume des heures complémentaires, au recours au travail de nuit, etc.

La remise en cause des acquis salariaux

Un autre décret encadre la mise en place dans chaque branche d’une « commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation », censée avoir un rôle de « veille » sur les accords signés dans le secteur pour éviter la « distorsion de concurrence », selon le ministère du Travail. Faible compensation pour les branches qui ont perdu leur pouvoir de réelle régulation avec les verrous qu’elles pouvaient imposer aux accords d’entreprise. En creux est confirmé le risque que la primauté donnée aux accords d’entreprise provoque une spirale du moins-disant social entre entreprises concurrentes.
Le nouveau cadre de négociation sur le temps de travail est donc en place, et la primauté de l’accord d’entreprise devrait inciter les employeurs à négocier pour revenir sur des acquis salariaux. Mais la partie ne sera pas facile, puisque l’article 21 de la loi travail a instauré en parallèle une règle de validité des accords à 50 % (contre 30 % aujourd’hui). D’abord applicable aux accords sur le temps de travail avant d’être généralisée en septembre 2019, cette règle suppose que les syndicats signataires d’un accord aient recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. Cette barre élevée, compte tenu de l’émiettement syndical en France, a été atténuée par la possibilité d’organiser un référendum ouvert aux syndicats qui auraient recueilli seulement 30 % des voix et voudraient soumettre l’accord à l’approbation des salariés. Mais elle reste assez difficile à atteindre, sans compter les effets délétères du référendum en termes de division syndicale et de climat dans l’entreprise... Début novembre, le réseau d’employeurs et de management Entreprise et personnel s’inquiétait lui-même d’un « blocage du dialogue social » qui pourrait « limiter les possibilités ouvertes par la loi travail » pour « certaines entreprises dont le paysage syndical ne permet pas d’espérer aboutir » à un accord.
Un « congé de proche aidant »
Un autre décret publié samedi assure l’application de l’article 9 de la loi travail concernant les divers congés du salarié, avec là encore une réécriture du Code du travail en trois étages. Par ailleurs, un autre décret, issu de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement de décembre 2015, encadre le « congé de proche aidant » pour les personnes assistant une personne âgée ou handicapée. Ce congé remplace le congé de soutien familial et élargit le champ des personnes qui peuvent en bénéficier. Non rémunéré, il peut durer jusqu’à trois mois fractionnables ou prendre la forme d’un temps partiel.

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