jeudi 17 novembre 2016

Exposition. Les maîtres de l’illusion et leurs merveilleuses machines

Exposition. Les maîtres de l’illusion et leurs merveilleuses machines

Dominique Widemann
Mercredi, 16 Novembre, 2016
L'Humanité
  
Six mille appareils sont conservés à la Cinémathèque, dont ce projecteur 35mm visible dans l’exposition.
Six mille appareils sont conservés à la Cinémathèque, dont ce projecteur 35mm visible dans l’exposition.
Photo : Stéphane Dabrowski/Cinémathèque française
La Cinémathèque française propose un parcours à travers des techniques de cinéma et sur l’incroyable ingéniosité qui a présidé à leurs inventions successives – et produit la magie du 7e art.
Une grande affiche invite à l’« Exposition du cinématographe » qui se tient au Conservatoire national des arts et métiers durant une dizaine de jours au mois d’avril 1922. Arts et métiers, perfectionnements du cinématographe propices à susciter l’intérêt dans le cadre « de la famille, de l’enseignement aux divers degrés, le laboratoire, l’usine, les affaires, la vulgarisation, l’éducation artistique ». Le graphisme en ombres bleues et plumet de lumière est joliment daté. L’énoncé peut conserver son usage au présent. Dans ce premier corridor à l’entrée de l’exposition, d’autres affiches, de films cette fois, ponctuent les premiers pas. Le Voyage à Damas, de Lev Sheffer, en 1928 ; celle d’un « Théâtre du Cinématographe Pathé » qui offre une représentation en 1906. Mais, en amont de la publicité, c’est toute une histoire dans laquelle le spectateur est amené à déambuler, saisi de la puissance inventive qui l’attend à chaque tournant, de techniques en permanente recherche – évolution et abandon. Depuis Méliès jusqu’à la 3D, ainsi que sont fixés les arcs de la parenthèse, tout peut-il être répertorié ? Sûrement pas. Mais, à l’heure du numérique, le moment semble bien choisi de dessiner des champs exploratoires de l’histoire technique et artistique du cinéma. Ce qui, au premier regard, peut apparaître comme un espace vaste mais clos, au contenu proliférant, va se révéler une mine de trouvailles et de mises en relation.

Deux univers sont ouverts aux « Expérimentations »

La Cinémathèque française, fondée en 1936, collecte depuis 1939 des machines cinématographiques. À cette date, la veuve de Georges Méliès confie à l’institution la première caméra et le premier projecteur de son époux. Achats de collections, dons de collectionneurs ne cesseront d’enrichir ce fonds unique et fabuleux. En 2007, un Conservatoire des techniques cinématographiques est créé afin de gérer et de valoriser ce fonds, qui s’est encore accru ces dernières années. Six mille appareils sont donc conservés, étudiés, fournis à l’étude par la Cinémathèque. Des milliers de dossiers d’archives sont recensés, dont une partie est consultable en ligne. Le livre (1) qui accompagne l’actuelle exposition jalonne son propos de quelque cent vingt dates, histoires et préhistoires d’un art du cinéma qui, selon Abel Gance, « doit toujours être réinventé ». Abel Gance et le clap en bois de son Bonaparte, qui figure en bonne place au sein d’un espace dédié à « L’âge d’or du muet ». Noblesse oblige à la suite des extraits de films de Méliès, poétiques biplans et autres fantasmagories volantes en mouvements aériens dans la partie inaugurale de « La naissance du cinéma ». Suivront « Le Cinéma sonore » avec son phonographe Edison à feuille d’étain (1878), un fascinant résonateur dynharmonique en forme de jeux d’orgues à soixante tuyaux inventé en 1934 pour le musicien Reynaldo Hahn. Partout des vitrines traversantes dévoilent une multitude d’inventions sous plusieurs facettes. Incrustés dans des rampes au sol, de petits écrans délivrent leurs démonstrations pédagogiques. Deux univers sont ouverts aux « Expérimentations », films peints au pinceau en 1895, et au Televisor de John Logie Baird qui, en 1930, devient le premier récepteur de télévision commercialisé en Europe. La description de l’ensemble est bien plus disparate que sa réalisation, qui brasse large, impressions et surimpressions, formats innombrables, variations d’utilisation, cheminement des artistes et des techniciens, nécessités et surenchères des industries. Au centre, les machines de grande taille reposent, comme des insectes mutants de science-fiction. Des spectateurs sur banc se sont fabriqué des têtes de mouche avec des lunettes 3D. À l’autre extrémité, un gigantesque projecteur de pellicules en 35 mm vrombit et claque, s’assagit. Devant nous, l’œil dans le viseur, voici en gros plan le profil de Raoul Coutard, immense directeur de la photographie qui nous quittait, il y a quelques jours. Nous voilà pris dans la perspective.

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