jeudi 17 novembre 2016

Attentats. Les oubliés de l’assaut de Saint-Denis

Attentats. Les oubliés de l’assaut de Saint-Denis

Laurent Mouloud
Jeudi, 17 Novembre, 2016
L'Humanité
  
L’immeuble de Saint-Denis après l’intervention du raid le 18 novembre. Photo : Joël Saget/AFP
L’immeuble de Saint-Denis après l’intervention du raid le 18 novembre. Photo : Joël Saget/AFP
Un an plus tard, les anciens habitants de l’immeuble dévasté par l’intervention du Raid lors de la traque des djihadistes du 13 novembre demandent à bénéficier, eux aussi, du statut de victimes du terrorisme.
Des blessés par balles, des logements dévastés, des visions d’horreur qui les hantent encore aujourd’hui… Un an après l’assaut du Raid sur l’appartement de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) où s’étaient réfugiés deux djihadistes du 13 novembre, plusieurs anciens habitants de cet immeuble continuent de réclamer justice. À commencer par être reconnus, à leur tour, comme victimes du terrorisme. « On est devenu malade avec tout ça. On y pense beaucoup, surtout à l’approche du 18 », assure Noureddine Touil, un Marocain qui habitait au quatrième étage et a pris une balle dans le bras.
Le 18 novembre 2015, l’opération policière menée pour déloger Abdelhamid Abaaoud et ses comparses a donné lieu à un véritable déluge de feu. Les trois terroristes sont tués. Mais plusieurs voisins, terrés chez eux ou évacués à la hâte, sont également blessés. Dont quatre par les tirs de la police. Quant à l’immeuble ravagé, situé à l’angle de la rue du Corbillon et de la rue de la République, il est déclaré inhabitable. Au final, 88 personnes, dont 24 enfants, ne peuvent regagner leur logement.

Beaucoup sont encore à l’hôtel

Un an plus tard, leur situation est loin d’être réglée. Après avoir été hébergés dans un gymnase pendant dix jours, les ex-habitants ont dû batailler ferme, avec le soutien du quartier et de l’association Droit au logement (DAL), pour ne pas être oubliés des pouvoirs publics. Parmi les 24 sans-papiers qui vivaient dans l’immeuble, 21 ont été régularisés. Mais le chemin est encore long. « À peine la moitié des 47 ménages ont bénéficié jusqu’ici d’un relogement pérenne, assure Simon Le Her, du DAL. Pour les autres, ils sont encore à l’hôtel. »
Au-delà des questions matérielles, c’est aussi à une reconnaissance symbolique qu’aspirent les ex-habitants. Aucun n’a été invité lors des cérémonies d’hommage de la semaine dernière. Pas un mot pour eux. « Ils ont vraiment le sentiment d’être mis à l’écart et que leurs traumatismes, pourtant bien réels, sont niés par les pouvoirs publics », souligne Simon Le Her. Pour l’heure, les autorités considèrent ces sinistrés comme des « victimes d’une intervention policière en responsabilité sans faute de l’État ». Une qualification moins avantageuse que celle de « victime de terrorisme » mais assumée par la préfecture, qui précise qu’un « dispositif inédit » a été mis en place pour eux au ministère de la Justice. Avec notamment la prise en compte du « préjudice moral », chose exceptionnelle dans une affaire où seule la « responsabilité sans faute de l’État » est engagée. Sauf que les procédures traînent. Un an après les faits, les trois experts psychologues qui doivent évaluer ce préjudice moral n’ont toujours pas été nommés.
Comme le souligne le comité de soutien, être reconnus « victimes du terrorisme » faciliterait les démarches.En permettant la saisie du fameux fonds de garantie (FGTI) mais aussi et surtout en donnant un accès aux soins médico-psychologiques sur le long terme. Les besoins sont évidents. « Des grands bonhommes qui semblaient sereins après l’assaut ont chuté psychologiquement quelques mois plus tard », rappelle N’goran Ahoua, porte-parole du collectif d’habitants. Histoire de forcer l’allure, les avocats Claudette Eleini et Méhana Mouhou, qui défendent plusieurs familles de sinistrés, ont annoncé hier qu’ils allaient se constituer partie civile pour faire reconnaître leurs clients comme victimes des attentats. Une démarche de justice.
Un Combat exposé dans la rue
Un an après l’assaut du Raid, l’association Dal des victimes du 48, rue de la République et le comité de soutien organisent dans la rue de la République  et la rue du Corbillon, à saint-Denis, une exposition de photos retraçant leur année de combat. À découvrir à partir de  ce vendredi et pendant deux mois.

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