Protection sociale. Les sénateurs PCF tentent de briser le consensus austéritaire
Sébastien Crépel
Vendredi, 2 Décembre, 2016
L'Humanité
La reprise du débat sur le budget de la Sécurité sociale a tourné court, jeudi, avec le rejet du texte par la droite. Une opposition de façade aux choix libéraux du gouvernement, jugent les communistes, qui défendent l’option d’une couverture de base à 100 % pour tous.
Sitôt ouverte, sitôt close. La discussion sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) n’a même pas eu le temps d’en venir au débat sur les articles. Au Sénat, jeudi matin, la droite, majoritaire dans cet hémicycle, a opposé d’entrée de jeu un tir de barrage au texte de retour de l’Assemblée nationale en adoptant par 187 voix (« Les Républicains » et UDI) contre 154 (PS, PCF, écologistes et radicaux) une motion de procédure contre le projet. Principaux motifs avancés : le gouvernement n’est pas sincère dans sa présentation des comptes et les économies réalisées sont insuffisantes.
Un non-débat qui permet surtout au gouvernement et à la droite de sauver les apparences. « Faire apparaître un semblant d’opposition en seconde lecture est grossier », ont ainsi dénoncé les sénateurs communistes, républicains et citoyens (CRC), pour lesquels le débat en première lecture a mis en évidence « un accord idéologique entre la droite et le gouvernement pour imposer l’austérité aux personnels de santé dans le public et le privé, ainsi qu’aux patients », le désaccord portant surtout sur l’ampleur et le rythme des sacrifices.
C’est ce que s’est évertuée à montrer la sénatrice PCF-Front de gauche Laurence Cohen en dénonçant la « suppression par l’Assemblée nationale » d’améliorations introduites par des amendements de son groupe en première lecture. Ainsi de « celle consistant à étendre la responsabilité des entreprises mères vis-à-vis des entreprises qu’elles contrôlent en cas de fraude aux cotisations sociales ou encore celle concernant la révision de la liste des maladies » ouvrant droit au congé de longue durée pour les fonctionnaires pour y inclure la sclérose en plaques. « À aucun moment, vous n’avez infléchi vos choix de réductions des dépenses, à aucun moment vous n’avez voulu emprunter la piste de nouvelles recettes pour notre système de protection sociale », a regretté la sénatrice du Val-de-Marne, pointant les mesures néfastes de la politique de santé du gouvernement : suppression des cotisations des entreprises à la branche famille, mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT) prétexte à de nouvelles baisses de dépenses, fin de l’universalité des prestations familiales, refus de diminuer les restes à charge des patients, ponction du fonds pour l’emploi des hospitaliers au profit du privé etc.
Une logique aux antipodes de celle du PLFSS
Des renoncements qui « sont autant de portes ouvertes dans lesquelles s’engouffre la droite », selon Laurence Cohen, citant le projet de François Fillon de cantonner la Sécu à la couverture des « affections graves » tandis que les autres seraient laissées aux assureurs privés, ou encore celui de créer une franchise médicale universelle sur les 200 à 300 premiers euros de soins dans l’année, qui ne seraient donc plus remboursés aux patients. À l’opposé de cette « conception marchande », le groupe CRC a voulu défendre « les principes de solidarité, d’universalité et d’égalité » de la Sécu avec une « prise en charge des frais de santé à 100 % » par cette dernière, au travers d’une centaine d’amendements déposés dès la première lecture du PLFSS.
Parmi ces propositions (consultables sous cet article sur humanite.fr), figurent la suppression des franchises médicales, un moratoire sur la fermeture de services et d’établissements de santé, le tiers payant intégral pour les étudiants, l’interdiction des dépassements d’honoraires pour les prestations pratiquées dans le cadre de missions de service public, l’affectation de l’excédent de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) à l’indemnisation des victimes, l’extension à tous les salariés concernés du dispositif de cessation d’activité des travailleurs de l’amiante, l’encadrement et la transparence de la fixation du prix des médicaments… Côté financement, les communistes ne sont pas en reste avec, entre autres propositions, la fin du « dispositif Fillon » d’exonération de cotisations patronales et la mise en place d’une modulation assortie de cotisations additionnelles pour les entreprises qui privilégient la finance sur l’emploi, la mise à contribution des revenus financiers des sociétés pour l’assurance vieillesse, la suppression de la taxe sur les salaires dans les hôpitaux qui pèse pour 66 % de leur budget, un « audit citoyen » de la dette de la protection sociale… Une logique aux antipodes de celle du PLFSS version gouvernementale ou version droite sénatoriale.
Le coût exorbitant du projet Fillon
Vingt milliards d’euros de transfert de dépenses sur les ménages ou leurs complémentaires, ce qui revient au même puisque celles-ci sont financées par leurs cotisations : c’est ce que coûterait le projet Fillon de dérembourser les soins de ville pour les confier aux assureurs privés, selon la Mutualité française. Soit 300 euros de dépenses en plus par personne et par an, et 1 200 euros pour un couple avec deux enfants.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire