Calais. La police s’enlise dans la violence contre les réfugiés
Émilien Urbach
Mercredi, 3 Février, 2016
L'Humanité
Dans « la jungle », la préfecture à ordonné, lundi, la destruction de deux lieux de culte. Une décision dénoncée par les associations.
À la périphérie de la « jungle » de Calais, un bulldozer pousse un monticule de terre contre des cabanes de bâches et de bois encore habitées. Le chauffeur se tourne vers les CRS qui l’accompagnent dans sa besogne : « Je les enterre ou quoi ? » lance-t-il dans un sourire immonde. Ainsi va la vie dans le plus grand bidonville d’Europe autour duquel la préfecture du Pas-de-Calais a décidé, depuis le 19 janvier, de creuser un « no man’s land ». Lundi dernier, le cynisme des maîtres d’ouvrage est allé encore un peu plus loin, lorsqu’ils ont décidé de détruire deux lieux de culte bâtis par les réfugiés. Une mosquée et un temple protestant, dans lequel, dimanche encore, une messe était donnée.
Les lieux religieux sont parmi les rares endroits où les communautés déracinées peuvent se retrouver pour s’évader un temps de cet enfer boueux. Lorsque le décret a été pris par la préfète de libérer une bande de 100 mètres entre la rocade portuaire et les premiers habitats de fortune, les associations ont joué le jeu. Elles ont permis que l’ensemble de la zone soit dégagé sans heurt, en aidant les exilés à déplacer leurs logements vers d’autres recoins du camp. Aujourd’hui, elles ont le sentiment d’avoir été trahies.
Les appels à ne plus faire confiance à la police se multiplient
« Il était prévu que l’église et la mosquée restent, c’est ce qui était convenu, a réagi Christian Salomé, de l’Auberge des migrants. En les détruisant, les autorités méprisent les associations et recherchent le conflit avec les migrants. » Face à l’indignation, la préfecture a précisé qu’« il ne sera pas procédé au retrait du bâtiment qui sert d’école et qui est situé à la limite de la bande des 100 mètres ». Mais pour de nombreux bénévoles, c’est la goûte d’eau. Sur les réseaux sociaux, les appels à ne « plus faire confiance à la police » se multiplient.
À Calais, les forces de l’ordre enchaînent les dérapages. À au moins deux reprises, ces dernières semaines, les CRS ont gratuitement décidé, dans la nuit, de tirs de gaz lacrymogènes sur le bidonville. Dimanche, un bénévole belge a été blessé lors d’une intervention policière aux abords du camp. Les personnels de Médecins du monde et de Médecins sans frontières témoignent régulièrement qu’une grande partie des cas de blessures corporelles qu’ils ont à soigner sont dus à des « accrochages » avec des policiers : os cassés à coups de matraque, hématomes à la suite de tirs de Flash-Ball… Sur les deux derniers mois, plus d’une cinquantaine de certificats médicaux ont été émis à la suite des violences attribuées aux forces de sécurité. Presque un par jour.
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