Gaz de schiste. Sabine Buis : « La loi sur la fracturation hydraulique doit être renforcée »
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ÉRIC SERRES
MERCREDI, 10 FÉVRIER, 2016
L'HUMANITÉ
Sabine Buis, députée socialiste de l’Ardèche, à travers sa proposition de loi sur le dialogue environnemental, veut non seulement le démocratiser mais aussi le clarifier en interdisant toute possibilité d’exploration de gaz de schiste en France.
Il y a deux semaines, Sabine Buis, députée socialiste de l’Ardèche, a présenté devant son groupe une proposition de loi relative au renforcement du dialogue environnemental et de la participation du public. Outre la définition de ce que devra être un dialogue environnemental, la députée s’attaque de front aux hydrocarbures non conventionnels et à leur extraction sur notre territoire. Très inquiète et concernée par l’affaire dite du permis de Montélimar, pour lequel Total a finalement obtenu l’annulation de l’abrogation de son permis concernant l’exploration de gaz de schiste sur un vaste territoire, elle veut mettre un terme à toute possibilité pour les compagnies pétrolières de chercher et d’exploiter les gaz de schiste en France. Une telle interdiction passant selon elle par une réforme du Code minier, toujours attendue.
Vous venez de présenter à vos collègues du groupe socialiste cette proposition de loi. Comment l’ont-ils accueillie ?
Sabine Buis J’ai obtenu un accord de principe. Mais pour qu’elle arrive au bout et soit votée par l’Assemblée nationale, il faudra encore plusieurs mois. Or, dans un an, la cession parlementaire sera terminée. Il ne nous reste donc que douze mois.
Cela devient donc urgent car, pendant ce temps-là, les pétroliers que vous attaquez en proposant l’interdiction définitive de l’exploration du gaz de schiste en France ne sont toujours pas à cours de recours.
Sabine Buis Vous voulez parler de l’annulation par la justice de l’abrogation du permis de Montélimar. Dans cette affaire, on sait aussi très bien que Total, malgré son succès, ne viendra pas sur le terrain pour commencer l’exploration et ce même s’il obtient une possibilité de renouvellement du permis pour préjudice subi.
On a le sentiment qu’il aura fallu attendre le vote de la loi sur la transition énergétique pour qu’enfin l’on s’attaque à ces permis de prospection de gaz de schiste sur notre territoire. Il était temps, serait-on tenté de dire.
Sabine Buis Nous n’avons pas attendu la loi sur la transition énergétique pour dire que nous n’en voulions pas. Après, comment se fait-il qu’une telle loi ne soit pas sortie avant ? Nous avons pensé à tort que cela serait traité dans une réforme du code minier. Or il n’y a eu pour l’instant que des effets d’annonce à ce sujet. C’est pour cela que j’ai saisi cette opportunité pour enfoncer le clou.
La loi Jacob datant de 2011 n’interdisant que la fracturation hydraulique, n’est-elle pas la raison ayant entraîné ce retard à l’allumage ?
Sabine Buis Cette loi nous a tout de même fait gagner du temps. Elle nous a permis d’obtenir qu’il n’y ait pour l’instant ni exploration ni exploitation de gaz de schiste dans notre pays. Elle nous a aussi offert la possibilité de voir les dégâts environnementaux que causait ce type d’exploitation dans d’autres pays. Malgré tout, il faut dorénavant la revoir. L’affaire Total en est la preuve. La compagnie pétrolière est passée entre les mailles du filet.
L’interdiction que vous préconisez prend place dans une proposition de loi sur la démocratie participative. Où en est-on sur le sujet ?
Sabine Buis Nous sommes dans une société qui aujourd’hui se prive des débats les plus essentiels. Certes, celui-ci a en partie eu lieu lors de la loi sur la transition énergétique, mais il ne s’est adressé finalement qu’aux initiés. Ce qu’il faudrait, c’est le prolonger et surtout s’assurer des conditions dans lesquelles il a lieu. Ce que je veux dire par là est que la transparence de l’information n’est pas toujours là, ou que celle-ci est parcellaire. Nous sommes souvent dans un simulacre de démocratie. Il faut changer les mœurs. Celles du politique, mais aussi celle de l’administration, où il existe une réticence extraordinaire à ne pas partager et, de fait, à vouloir garder le pouvoir. Les trois premiers articles de ma loi vont donc dans le sens d’acter ce qu’est la définition d’un débat démocratique et citoyen. Après, quel que soit le sujet, que ce soit à Sivens ou ailleurs, même s’il y aura toujours des opposants, il y aura au moins eu un débat légitime.
Sabine Buis est Députée socialiste de l’Ardèche
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