mercredi 10 février 2016

« Nous allons nous revoir M. Cahuzac »

« Nous allons nous revoir M. Cahuzac »

Marie Barbier
Mercredi, 10 Février, 2016
Humanite.fr
  
Vérité(s): de quoi Cahuzac est-il le symptôme?
Le procès de l’ancien ministre, jugé pour avoir dissimulé un compte à l’étranger, a été repoussé au 5 septembre prochain. Le temps que la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel étudient la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal.
Il y a le droit et la façon dont il est interprété par les citoyens. Le président de la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris l’a bien compris. Hier matin, après avoir annoncé son sursis à statuer dans le procès Cahuzac, il a aussitôt demandé aux avocats de saisir leurs agendas. Pas question que le couple Cahuzac ressorte tranquille du palais de justice. « Nous allons nous revoir », promet Peimane Ghaleh-Marzban, fixant la nouvelle date d’audience au 5 septembre à 13h30. « D’ici là, votre contrôle judiciaire reste maintenu. » L’ancien ministre du Budget, impassible depuis le début de son procès, se lève en grimaçant.
Durant un peu moins d’une heure, Peimane Ghaleh-Marban a livré un exposé brillant de droit. A l’ouverture de l’audience, lundi, les avocats de l’ex-couple Cahuzac, poursuivis pour fraude fiscale et blanchiment, avaient soulevé chacun deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) portant sur le principe du « non bis un idem », selon lequel un justiciable ne peut pas être poursuivi deux fois pour les mêmes faits. Or, les Cahuzac ayant déjà « accepté un redressement fiscal majoré de 80% », ils auraient largement été « punis ». « Double poursuite, double sanction ! » avaient plaidé les avocats.
« La QPC est une avancée du droit, a d’abord tenu à rappeler le président. Elle permet à un justiciable, à l’occasion d’un litige, de pouvoir convoquer l’inconstitutionnalité.» Plusieurs critères devaient être retenus pour que les deux QPC (l’une sur l’impôt de solidarité sur la fortune, l’autre sur l’impôt sur le revenu) puissent être transmises à la Cour de cassation et, le cas échéant, au Conseil constitutionnel.
L’un de ces critères porte sur la similarité des peines encourues. « On va prendre un peu de temps parce que c’est complexe », lance le président. Le tribunal s’est, en effet, livré à de savants calculs sur les « mesures d’équivalence de sévérité entre les peines fiscales et pénales ». Les premières sont des amendes qui peuvent aller jusqu’à 1,44% du patrimoine quand les deuxièmes prévoient jusqu’à un million d’euros d’amende et sept ans d’emprisonnement. « C’est une question théorique très passionnante, assure Peimane Ghaleh-Marban, qui martèle la table de son poing. Il n’y a pas de limite au patrimoine d’un contribuable qui peut être considérable. La sévérité de l’amende peut donc être tout aussi comparable à une peine d’emprisonnement. Même si cela peut heurter la morale. » Lundi, le vice-procureur avait rejeté fortement cet argument de la défense : « L’argent aurait-il le même prix que la liberté ? Quelle étrange conception que de mettre l’argent sur le même piédestal que les libertés individuelles ! »
Tous les critères ayant été retenus, le tribunal a donc décidé de transmettre la QPC sur l’impôt de solidarité sur la fortune à la Cour de cassation qui a trois mois pour décider si elle la transmet au Conseil constitutionnel. Ce dernier a lui-même trois mois pour statuer. La deuxième QPC a, elle, été rejetée, le tribunal ayant jugé qu’elle n’avait pas un caractère sérieux.

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