« Depuis six ans, avec les victimes du Mediator »
Présente au Salon du livre des lanceurs et lanceuses d’alerte, la pneumologue Irène Frachon, dont le biopic la Fille de Brest devait être projeté hier soir, revient sur l’importance de son combat.
«Passés de l’alerte à la lettre », ils se sont retrouvés, le week-end dernier, au deuxième Salon du livre des lanceurs et lanceuses d’alerte, organisé à la Maison des Métallos, à Paris. Stéphanie Gibaud, ex-responsable des relations publiques d’UBS France, qui a révélé le système d’évasion fiscale de sa banque ; André Cicolella, le toxicologue à l’origine de l’interdiction du Bisphénol A, qui se bat pour la prise en compte des causes environnementales des cancers ; Antoine Deltour, l’ex-auditeur financier qui a mis au jour le scandale LuxLeaks… Mais aussi celle qui était un peu la « star » de ce salon et dont le combat est retracé dans un film qui vient de sortir en salles, la Fille de Brest, d’Emmanuelle Bercot : Irène Frachon, la pneumologue à l’origine du scandale Mediator.
Ce film constitue-t-il une nouvelle étape de votre combat ?
Irène Frachon Oui, on peut le voir comme ça. Car le cinéma, c’est un mode de témoignage d’une puissance incroyable. Or, dans cette affaire, sur le plan judiciaire, c’est le fiasco complet. On n’a toujours pas de procès prévu. Du coup, la Fille de Brest permet de rendre justice à ces victimes qui sont privées d’un procès. Depuis des années, elles se font piétiner. On oublie ce qu’elles ont vécu, on oublie leurs souffrances. Avec ce film, on les montre à l’écran, de façon extrêmement forte. C’est la fonction mémorielle du cinéma. Et puis, il s’agit d’une histoire pas forcément simple, qui engage la sécurité sanitaire. De ce point de vue, le film a une vertu pédagogique indéniable. Enfin, on peut espérer qu’il fasse changer les choses. J’y crois un peu moins… Car c’est encore très difficile de faire valoir les conséquences concrètes d’un tel scandale pour qu’il ne se reproduise plus.
Où en êtes-vous personnellement de cette bataille ?
Irène Frachon Toujours au même point : depuis six ans, je me bats pour l’indemnisation des victimes. Il ne s’agit pas d’une histoire en l’air, abstraite. Elle concerne des milliers de gens qui ont été empoisonnés et qui vivent, au quotidien, les conséquences de cet empoisonnement, parfois absolument dramatiques, avec des invalidités, l’absence de moyens matériels, la peur de mourir, les complications, les hospitalisations… Et ces victimes, en plus, se font écrabouiller par les avocats du laboratoire Servier, qui contestent bien souvent leurs procédures. Depuis six ans, je suis auprès d’elles.
Comment jugez-vous la loi Sapin 2, censée mieux protéger les lanceurs d’alerte ?
Irène Frachon Cette loi est assez importante, car elle identifie les lanceurs d’alerte. Le problème, c’est que ces lanceurs d’alerte ne seront jamais totalement protégés. Parce que, par définition, ce sont des gens qui mettent des coups de pied dans la fourmilière, qui dérangent. Il faudrait, de la part des « sachants », des puissants, de ceux qui ont le pouvoir, plus de bienveillance vis-à-vis des lanceurs d’alerte. Mais aussi que la justice soit plus ouverte à ces combats. Sous réserve, bien sûr, que ces lanceurs d’alerte soient des gens solides.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire