lundi 23 janvier 2017

La Turquie fait le grand écart en Syrie


La Turquie fait le grand écart en Syrie

Stéphane Aubouard
Vendredi, 20 Janvier, 2017
L'Humanité
Alliée de Washington via l’Otan, Ankara mène désormais des frappes avec Moscou sur la ville syrienne d’Al Bab.
Les paradoxes s’accumulent dans le ciel diplomatique et militaire syrien. Depuis jeudi matin, les armées de l’air russe et turque mènent en effet une opération militaire conjointe contre des djihadistes de Daech réfugiés du côté d’Al Bab, ville située à 40 km au nord-est d’Alep. Une première et surtout un scénario impensable un peu plus d’un an après que deux F16 turcs ont abattu un Sukhoï Su-24 russe dans l’espace aérien syro-turc. Scénario impensable également quand on sait que ces mêmes F16 turcs accompagnent depuis plusieurs mois des chasseurs états-uniens de la coalition menée par l’Otan, alors même que l’alliance atlantique et Moscou se livrent à une guerre tiède continue aux frontières de la Russie. Ankara se retrouve donc au centre d’un jeu d’alliances improbables, et fait le grand écart entre les deux grandes puissances. En se rapprochant militairement et de manière ostentatoire de la Russie, la Turquie – deuxième armée de l’Otan – cherche à mettre la pression sur les États-Unis qui commandent la coalition internationale contre le groupe « État islamique » (EI) mais qui envisagent les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition arabo-kurde dirigée en grande partie par les Unités de protection du peuple (YPG/J), comme une force amie nécessaire, tandis que la Turquie les considère comme l’émanation syrienne de son pire ennemi intérieur : le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Depuis son entrée en scène sur le théâtre syrien, le pouvoir turc est effrayé à l’idée que des représentants politiques kurdes participent aux négociations inter-syriennes, de peur de voir une région autonome kurde (Rojava) se former de l’autre côté de la frontière. À Astana, lundi prochain, où doivent se tenir des négociations cruciales entre les différents acteurs de la crise syrienne, les Kurdes ne sont pas sur la liste des invités. Moscou, à l’origine de cette rencontre, a été pourtant la première capitale d’une grande puissance à accepter l’ouverture d’une représentation officielle du Parti de l’Union démocratique (PYD) sur son territoire. « Moscou reste notre alliée, explique Khaled Issa, représentant du PYD en France, mais le fait est que nous sommes exclus. Partant, nous n’aurons donc aucune obligation quelles que soient les décisions prises. Ces pourparlers de paix ne concernent que deux camps : d’un côté, le régime de Bachar Al Assad et ses alliés russe et iranien ; la Turquie d’Erdogan et ses amis terroristes de l’autre. Nous concernant, c’est Ankara qui mène la danse. D’ailleurs, nos alliés américains ne sont toujours pas officiellement invités... »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire